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Immigration: Borne s'avance, la droite pose ses conditions

La première ministre a précisé son projet mardi, face à l'hostilité des LR opposés à la régularisation de travailleurs sans papiers.

Élisabeth Borne s'est avancée à la tribune, comme sur un fil. Aux prises avec l'ultrasensible sujet de l'immigration, la première ministre joue les équilibristes. Mardi, elle a tenté de rassurer une majorité soucieuse d'« en même temps », tout en envoyant des signaux aux Républicains (LR), en ouverture du débat sans vote organisé à l'Assemblée nationale. Un prélude à l'examen au Parlement du projet de loi, que l'exécutif espère faire adopter avec les voix de la droite en début d'année prochaine.

Comme Emmanuel Macron, la ­première ministre, Élisabeth Borne, promet à la fois « fermeté » et « huma­nité ». À l'adresse des Républicains, elle garantit une « immigration régulée ». « Éloignements rapides et efficaces » des clandestins, expulsion des « délinquants étrangers », accélération des procédures du système d'asile… Elle insiste, deux semaines après la gestion ­chaotique de l'accueil de l'Ocean Viking à Toulon : la France doit « dire qui on veut, qui on peut accueillir, et qui on ne veut pas, qui on ne peut pas accueillir ».

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Quant à la gauche, y compris macroniste, elle s'engage devant elle à « mieux intégrer ceux que nous ­accueillons ». Avec la promesse de créer un titre de séjour « métiers en ­tension », afin de ­régulariser des ­travailleurs sans papiers dans les ­secteurs qui peinent à recruter. Telle est pourtant la « ligne rouge » de la droite, qui y voit un « appel d'air » à l'immi­gration de travail. En pleine ­rédaction du projet de loi, les ministres Gérald Darmanin (Intérieur) et Olivier Dussopt (Travail) s'interrogent : dans ces conditions, comment espérer ­obtenir un soutien des Républicains, ou a minima leur abstention ?

Il n'y a qu'à droite que se trouve la possi­bilité d'un compromis

Un député de la majorité

L'opération recalibrage est lancée. Devant les députés, mardi, la première ministre a tenu à préciser son ­intention : cette « régularisation » n'est pas ­« massive » mais vise « certaines personnes ». Comprendre : ceux qui « contribuent depuis longtemps à la ­richesse nationale », « subissent parfois des conditions de travail indignes » et « restent enfermés dans un statut ­précaire ». Le même message a été ­distillé par ­Gérald Darmanin un peu plus tôt sur Franceinfo. Le ministre de l'Intérieur s'est dit « ouvert » à des ajustements pour limiter son dispositif. D'abord, il propose d'instaurer des « critères » à la régularisation, via une prise en compte de l'« ancienneté » sur le « sol national » ou de « quotas » ­annuels. Ensuite, il ­évoque l'élabo­ration d'une « liste » des secteurs en tension, qui pourrait être révisée. ­Enfin, il souhaite exclure du dispositif tous les étrangers sans casier judiciaire vierge. « On veut ceux qui bossent, on ne veut pas ceux qui rapinent », résume le ministre.

Mais Les Républicains persistent à rejeter la régularisation de travailleurs sans papiers. Ils ont fait monter les enchères, mardi : « Cette ligne rouge, si elle est dans le texte, entraînera une ­absence de vote positif et très proba­blement un vote contre, qu'importe ce qu'il y a à côté », a insisté le député (LR) Pierre-Henri Dumont. Les ­Républicains n'ont pas apprécié le ­rejet, la semaine dernière, de deux propositions de loi visant à expulser les étrangers délinquants. Limites au ­regroupement familial, restrictions à « l'immigration sociale »« Si (les membres de l'exécutif) veulent toper avec nous, ce sera à nos conditions », prévient Pierre-Henri Dumont. Quant aux lepénistes, qui fustigent une « immigration hors de contrôle », ils ­excluent tout vote favorable.

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La voie est étroite pour le ­gouver­nement. Pendant que les Républicains le ­poussent à retirer son volet ­« immigration de ­travail », plusieurs ­macronistes l'encouragent à le ­­ren­forcer. Au nom de l'« intégration », des députés du camp présidentiel ­veulent permettre aux ­futurs détenteurs d'un titre de séjour « métiers en tension » de rester sur le territoire ­au-delà d'un an. Y compris si leur profession n'est plus concernée. « On ne peut pas dire à un étranger ­régularisé : ton métier n'est plus en ­tension, rentre chez toi », ­avance le ­député (Renaissance) Jean-Marc ­Zulesi, ­membre de l'aile gauche de la majorité. « Nous devons tenir l'équilibre initial ­entre fermeté et humanité ». « Hôpital, restauration, bâtiment… De nombreux secteurs reposent quasiment entièrement sur les travailleurs étrangers », abonde en ce sens son collègue Guillaume Gouffier Valente.

Peu de macronistes parient toutefois sur la bienveillance des députés de ­gauche, hostiles à un « énième projet de loi ». Comme ses collègues, un député de la majorité a fini par s'y résoudre : « Il n'y a qu'à droite que se trouve la possi­bilité d'un compromis. »

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