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Incendie : combattre le feu par… des champignons !

La majorité des décès et des blessures graves liées aux incendies ne sont pas causés par le feu en lui-même, mais plutôt par l’inhalation de gaz toxiques et par la fumée qui aveugle les gens au point de les empêcher de trouver la sortie.

Cet enjeu est d’autant plus préoccupant avec l’utilisation croissante de matériaux composites polymères dans les secteurs du transport et de la construction. Légers et solides, ces matériaux offrent des avantages structurels intéressants. Cependant, ils sont facilement inflammables et dégagent d’épaisses fumées et des vapeurs toxiques lorsqu’ils brûlent. L’incendie de la Tour Grenfell en est un triste exemple : à Londres en 2017, 79 personnes ont péri dans l’incident dont la gravité est attribuée à la mousse de polyéthylène présente dans le revêtement composite du bâtiment.

Ce défaut n’est toujours pas totalement résolu, car même s’il existe des retardateurs de flammes efficaces, ceux-ci peuvent libérer des molécules nocives pour la santé humaine et pour l’environnement. Ainsi, il est impératif de trouver une manière efficace de réduire l’inflammabilité des matériaux tout en évitant qu’il n’en émane un dangereux cocktail de produits chimiques. Pour l’équipe de l’Université RMIT à Melbourne (Australie), la solution repose sur les champignons ! Leurs résultats ont été publiés dans la revue Polymer Degradation and Stability.

Un retardateur de flammes naturel à base de champignon

Les chercheurs ont fait pousser le champignon Ganoderma australe dans des contenants de plastiques afin de recueillir de fines feuilles de mycélium. En les empilant, ces feuilles forment un matelas protecteur de quelques millimètres d’épaisseur qui empêche les flammes d’atteindre les matériaux utilisés dans la structure du bâtiment. Car lorsqu’une feuille de mycélium est exposée au feu, celle-ci se carbonise et forme ainsi une couche isolante.

À cause de sa structure poreuse, la couche de carbonisation agit comme une barrière thermique et physique. D’une part, elle ralentit le transfert de chaleur vers les matériaux qu’elle protège. Mais aussi, elle emprisonne les matières volatiles combustibles loin des flammes, ce qui empêche le feu de se nourrir davantage. Quand le feu n’a plus de carburant, il ne peut plus se propager.

Du mycélium amélioré très efficace

Les propriétés ignifuges des champignons étaient connues des scientifiques depuis quelques années déjà. Mais l’équipe australienne a eu l’idée de les optimiser.

De la même manière que les végétaux ont une paroi cellulaire en cellulose, les champignons, eux, ont une paroi cellulaire composée de chitine, une fibre naturelle très solide qu’on retrouve aussi dans l’exosquelette des crustacés. En trempant les feuilles de mycélium dans une solution basique, les chercheurs ont transformé la chitine en chitosane, une molécule qui se carbonise encore plus facilement au contact du feu.

Ainsi, cette réaction chimique permet d’augmenter le taux de carbonisation et confère aux feuilles de mycélium une meilleure efficacité en tant que retardateur de flammes. Grâce à ces travaux de recherche, on pourrait bien voir un nouveau type de revêtement ignifuge à base de champignon apparaître sur le marché.

Chulikavit shows off the compressed mycelium sheets she created for the project.

Les feuilles de mycélium ainsi créées. Crédits : Université RMIT à Melbourne

Plus écologique

L’équipe australienne souhaite un jour commercialiser cette technologie. Puisque le mycélium peut pousser dans le noir, la demande énergétique pour produire ces feuilles ignifuges est très faible. En plus, les champignons peuvent se nourrir de déchets organiques, alors les chercheurs voient un potentiel de développer un produit utile, rentable et durable. Leur objectif est de travailler main dans la main avec des fermes de champignons pour produire ce biomatériau à plus grande échelle. Il pourrait notamment remplacer la mousse de polyéthylène inflammable et toxique utilisée dans les bâtiments.

Surtout, il est entièrement composé de matériel organique. Ainsi, il ne libère que de l’eau et du CO2 lorsqu’il brûle – pas de fumées toxiques ni de métal lourd. Puis, après qu’il a servi en cas d’incendie, on peut simplement le jeter au compost ! Le matériau est tout à fait biodégradable et ne rejette pas de polluants éternels dans l’environnement, contrairement à certains retardateurs de flammes utilisés aujourd’hui.