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Infrastructures : pourquoi les Etats doivent investir

Les Européens ont pour l'instant été sauvés du black-out par la qualité et la robustesse des infrastructures du continent, fruit de décennies d'investissement public, national et communautaire. En ce sens la question énergétique est révélatrice d'une situation qui se retrouve dans de nombreux autres secteurs : c'est la combinaison entre les éléments sous la responsabilité de la puissance publique et ceux gérés par le marché qui est déterminante dans l'appréciation de la performance d'un secteur donné de l'économie.

Le domaine des technologies de l'information et de la communication est lui aussi tributaire de la performance de cette couche infrastructurelle. En effet, même si les usages numériques sont toujours plus marqués par la mobilité, y compris avec le stockage et le traitement des données en cloud, cette même mobilité est dépendante de la qualité de l'infrastructure qui la sous-tend. La situation de nombreux pays émergents le démontre : malgré un accès potentiel aux multiples possibilités du cyberespace, ceux-ci pâtissent d'une médiocre infrastructure. La résorption des poches d'isolat numérique passe donc avant tout par une capacité à déployer une infrastructure résiliente et performante, comme en atteste la stratégie française en ce domaine.

Cette corrélation entre infrastructure et performance numérique étant posée, il importe de regarder qui doit porter le développement et l'entretien de celle-ci. Cette question n'est pas anodine alors que le débat fait rage sur le partage du fardeau financier. Les opérateurs télécoms plaident ainsi pour que les fournisseurs de contenus soient mis à contribution. Ce jeu de mistigri est largement à côté du sujet, car il omet le rôle central de la puissance publique.

Sanctuariser les investissements infrastructurels

En comparant le système américain, où la puissance publique est absente depuis plusieurs décennies avec d'autres (Europe, Chine, etc.) marqués par l'importance de l'action et des investissements des administrations, il est aisé de comprendre à quel point c'est bien l'investissement sur le long terme, en appui d'une politique claire qui permet un développement numérique rapide.

La Chine est à ce titre - avec toutes les limites que cela implique vis-à-vis de son système non démocratique - emblématique de cette vision de long terme et des investissements associés. Certes c'est Huawei qui est le développeur de la 5G, mais c'est bien grâce à l'État chinois que l'entreprise a pu réaliser cette avancée. Il appartient à la puissance publique de considérer, loin de la vision du numérique uniquement centrée sur le marché, qu'il s'agit là d'une forme de service public, à l'égal des réseaux ferrés et électriques. C'est bien parce que l'État prend à sa charge d'investir dans ceux-ci qu'ensuite le marché peut librement s'exprimer en bénéficiant d'un monopole naturel. En outre, en sanctuarisant les investissements infrastructurels au niveau de l'État, il est possible d'éviter une forme de redondance peu efficiente énergétiquement et écologiquement, notamment sur les antennes mobiles à haut débit.

Au total, laisser les infrastructures de communication dans les mains de la puissance publique, sans intervention des entreprises - ce qui implique de ne pas les faire payer pour celles-ci - garantit la souveraineté de l'État et son autonomie par rapport à n'importe quel acteur numérique extérieur. Il n'est pas inutile de s'en souvenir en ces temps de recherche d'autonomie stratégique au niveau européen. Et en fait de performance, qu'il soit permis de rappeler que la France était jusque dans les années 1990, le pays le plus en avance sur les technologies digitales, en ayant notamment le seul réseau téléphonique au monde à commutation numérique. La raison de cette avance perdue ? L'implication forte de l'État dans la couche infrastructurelle.