Mercredi soir, à Sélestat, avait lieu la cinquième cérémonie des Trophées des collectivités d’Alsace. Six projets ont été distingués. Ils témoignent du renouveau qui s’opère dans les 880 communes d’Alsace qui s’arment face aux défis du moment (financiers, climatiques, environnementaux). Petit aperçu, non exhaustif, d’une Alsace qui dispose de toute l’énergie nécessaire pour affronter le temps des transitions… 

Les lauréats et les partenaires rassemblés sur scène, à Sélestat, à l’occasion de la remise des Trophées des collectivités d’Alsace, édition 2022. Photo DNA/Franck Delhomme

La carte interactive des lauréats

Aménagement et urbanisme

Maxime Clauss du Crédit Mutuel Alliance fédérale a remis le Trophée Aménagement et urbanisme à Viviane Kern, vice-présidente de la communauté de communes du Pays de Saverne.  Photo DNA /Franck Delhomme

Une voie verte spectaculaire

La communauté de communes du Pays de Saverne et celle de la Mossig et du Vignoble ont été désignées lauréates des Trophées des collectivités dans la catégorie « aménagement et urbanisme ». Leur projet commun de création d’une « voie verte » entre Romanswiller et Saverne, qui entre parfaitement dans l’ère du temps, a séduit le jury.

Les deux intercommunalités planchent sur le dossier d’itinéraire cyclable depuis 2018. Du côté de la communauté de communes de la Mossig et du Vignoble, l’itinéraire entre Molsheim et Romanswiller devrait être achevé d’ici la fin de l’année. Pour la communauté de communes du Pays de Saverne (CCPS), tout reste à faire.

Une boucle entre Strasbourg, Molsheim et Saverne

Elle doit effectivement aménager sa portion de voie via Sommerau, Marmoutier, Otterswiller, et enfin Saverne. Tout en passant par plusieurs ouvrages d’art : sous trois viaducs de Romanswiller, à travers le tunnel de Singrist, sur plusieurs ponts de Marmoutier, et sur le viaduc d’Otterswiller. Il s’agit ainsi du tracé de l’ancienne voie de chemin de fer, sur une distance totale de 9,4 kilomètres, fermée au transport de voyageurs en mars 1969, puis aux marchandises en 1978 (les rails ont été retirés au printemps 1993).

Au final, après les travaux espérés en 2023 (d’une durée d’un an environ), les cyclistes auront la possibilité d’effectuer une boucle entre Strasbourg, Molsheim et Saverne, avant de rejoindre l’Eurovélo route 5, le long du canal de la Marne au Rhin.

Pour donner au projet un volet plus pédagogique et ludique, différents aménagements, comme des aires de repos et des panneaux d’information sur l’environnement et les lieux-dits traversés, seront installés. La voie verte verra la cohabitation des cyclistes et des promeneurs, sur ses trois mètres de largeur.

Pour ce projet ambitieux, les délégués communautaires de la CCPS ont validé un budget estimatif de 3,7 millions d’euros HT. Après versement de subventions (la CEA devrait prendre en charge 50 % du montant total des dépenses, et l’État 30 %), le reste à charge espéré pour l’intercommunalité serait de 1,1 million d’euros. Une dépense conséquente pour développer les mobilités douces pour les habitants de la région, tout en mettant en valeur le patrimoine bâti du secteur. Et attirer de nombreux cyclistes qui pourraient être tentés par l’écotourisme…

Développement durable et qualité de vie

Le Trophée Développement durable et qualité de vie, a été remis par Paul Jeannet, directeur territorial de la Banque des Territoires à Serge Janus, président de la communauté de communes de la Vallée de Villé. Photo DNA /Franck Delhomme

L’avenir ensoleillé d’Energiessen

La communauté de communes de la Vallée de Villé est lauréate des Trophées des collectivités dans la catégorie développement durable et qualité de vie pour la création d’Energiessen, centrale photovoltaïque en autoconsommation collective. Entreprises, artisans et particuliers vont pouvoir produire leur électricité et vendre le surplus, en circuit court.

La Vallée de Villé n’usurpe pas sa réputation de « Vallée verte ». En début d’année, la communauté de communes regroupant 18 villages et cinq partenaires industriels ont signé l’acte de naissance d’Energiessen, centrale photovoltaïque en autoconsommation collective, en remettant symboliquement leur dossier à un représentant d’Enedis, gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité.

Concrètement, il s’agit de créer une sorte de marché local de l’électricité, où les uns et les autres produisent leur énergie photovoltaïque et peuvent revendre ce qu’ils ne consomment pas.

L’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre, d’atteindre une sobriété énergétique, d’améliorer la qualité de l’air et d’augmenter la production d‘énergies renouvelables. Ce projet en circuit court pourrait aussi contrer l’explosion des prix de l’électricité sur un petit territoire. Energiessen sera en mesure de proposer un tarif plus attractif, voire solidaire, aux habitants de la vallée. Ce prix fixé par Energiessen est réajusté en fonction de l‘évolution du marché. Energiessen répondra aux besoins en énergie en temps réel via une application s’appuyant sur les données des compteurs Linky.

Dès 2023, Energiessen sera proposé à d’autres membres, producteurs ou consommateurs 

Cette démarche expérimentale a obtenu une dérogation étendant le rayon d’action de la centrale photovoltaïque de 1 km à 10 km. Son centre étant la zone d’activités intercommunale au cœur de la vallée, Energiessen s‘étendra sur l’ensemble du territoire.

La mise en place initiale aura lieu chez les partenaires d’Energiessen ; les sociétés Ejot et Burckert seront les premières entreprises pourvues en panneaux photovoltaïques. Les sociétés Egelhof, les Transports Sengler et Super U Villé sont aussi impliqués dans ce dispositif.

Dès 2023, Energiessen sera proposé à d’autres membres, producteurs ou consommateurs : entreprises, agriculteurs, commerçants collectivités. L’ouverture aux particuliers aura lieu à l’horizon 2024-2025. Des études de faisabilité pour 27 300 € HT ont été menées, soutenues pour 17 000 € par la Région Grand Est et la Collectivité européenne d’Alsace.

Culture, sports et loisirs

Le Trophée Culture, sports et loisirs a été remis par Didier Pauly, de Linkt (à gauche) à Christian Keiflin, adjoint à la culture de Huningue. Photo DNA /Franck Delhomme

Des enfants riches de leur culture locale

Unique à l’échelle du Haut-Rhin, le Parcours culturel mis en œuvre par la ville de Huningue, en partenariat avec l’Éducation nationale, déploie depuis trois ans ses actions en direction d’un très jeune public allant de la petite enfance à l’école élémentaire. Ce projet vaut à la Ville de Huningue le Trophée Culture, sport et loisirs.

À Huningue, tout est parti d’un rapprochement, en 2019, entre le monde enseignant et les acteurs culturels de la Ville. Entre la directrice de l’école élémentaire, Sophie Schampion, et le directeur adjoint du pôle culturel, Steve Ursprung. La première pointe un turn-over important des enseignants qui les bride, en classe, dans leur prise en compte du patrimoine culturel local. Pourtant, de Vauban à aujourd’hui, les sites et espaces dédiés à la culture ne sont éloignés que d’une quinzaine de minutes à pied des écoles.

Des moyens financiers, humains et matériels

À l’échelle de la commune, le directeur adjoint sensibilise sa hiérarchie et lance, en collaboration avec les services de la Ville et ceux de l’éducation nationale, des actions afin que chaque jeune Huninguois, de 1 à 11 ans, profite d’un égal accès aux arts et à la culture en général.

Le projet avance et se coconstruit sur la base de fiches de progression qui fixent des objectifs en fonction de l’âge des enfants. En marge de ces outils destinés à soutenir le travail des enseignants, la Ville, unique financeur, soutient le projet par des moyens financiers, humains et matériels. L’ensemble des acteurs du Pôle culturel, du Triangle à l’Académie des arts - labellisée école centre par le département - en passant par la bibliothèque municipale et le musée historique, rejoignent la dynamique. À raison de près de 300 heures complémentaires, pour une enveloppe d’environ 5 000 €, les professeurs de musique, de danse et de théâtre interviennent auprès du jeune public.

Et la formule monte en puissance. Après plus de deux ans et demi de fonctionnement, les domaines du spectacle vivant, des arts visuels, de la musique, de la danse, du théâtre, du patrimoine historique… s’invitent en milieu scolaire mais aussi au sein des structures petite enfance, au multi-accueil de Huningue, dans une crèche d’entreprise ainsi qu’à travers le Relais des assistantes maternelles de Saint-Louis Agglomération. Des plus jeunes aux plus âgés, les enfants vibrent, apprennent à chanter, s’éveillent par le livre et les arts plastiques. Mais deviennent aussi acteurs à part entière à travers des créations de spectacles. Entre 2021 et 2022, cette impressionnante palette artistique a touché 226 groupes soit un total de 5 600 enfants. Aujourd’hui tous enclins à s’approprier les différents lieux de culture de la Ville.

Patrimoine et préservation

Le Trophée du Patrimoine et Préservation a été remis par Claudine Lotz et Guillaume Hauptmann (à gauche), tous deux des Chambres des notaire du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, à Pierre Gross, vice-président de la communauté de communes de Basse-Zorn. Photo DNA /Franck Delhomme

Le Ried, les fossés et la biodiversité

Entre 2019 et 2021, le Ried de la Zorn a fait l’objet d’un important projet de réaménagement. Objectif : rétablir le réseau de fossés pour limiter les crues printanières et renforcer la qualité écologique du site. Ce chantier vaut à la communauté de communes de la Basse-Zorn et au SDEA le Trophée Patrimoine et préservation.

Situé dans la vallée alluviale du Rhin, le Ried est une zone humide aménagée au fil des siècles par l’homme pour faciliter son implantation, accueillir et nourrir son bétail. Un réseau de fossés avait été creusé afin d’évacuer l’eau des parcelles et faciliter l’activité agricole. Lesquels fossés ont peu à peu été comblés dans les années 1960 pour agrandir les surfaces cultivées et faciliter leur exploitation.

Résultat, depuis quelques années : l’eau ne s’évacuait plus. La montée de la nappe phréatique couplée aux crues printanières faisait de gros dégâts en hiver. Poireaux, choux, salades, carottes, oignons et même les arbres fruitiers, tout était noyé. Occasionnant d’importantes pertes de rendement pour les agriculteurs, qui ont peu à peu remplacé les légumes par le maïs, plus rentable. Aussi, sur les 300 familles et petits maraîchers qui entretenaient une parcelle de jardin dans le Ried il y a une vingtaine d’années, ils ne sont actuellement plus qu’une centaine.

Pour enrayer le phénomène, la mairie de Hoerdt puis la communauté de communes de la Basse-Zorn ont lancé en 2014 un important projet de réaménagement du Ried de la Zorn visant à rétablir le réseau des fossés et à restaurer le caractère écologique du secteur.

Le programme de travaux conduit par le SDEA et mis en œuvre entre 2019 et 2021 a permis de rétablir un réseau de près de 5 km de fossés conçus pour favoriser la biodiversité. 2 700 arbustes ont été plantés en haut de talus pour développer de nouveaux habitats, 28 espèces de plantes aquatiques ont été plantées dans le lit du cours d’eau pour offrir une nourriture et un habitat varié à la faune. Les cours d’eau Erlengraben et Sandweggraben, habitats privilégiés de différentes espèces patrimoniales alsaciennes comme le crapaud calamite ou la libellule Agrion de Mercure, ont été restaurés. Des zones humides, avec notamment la mise en place d’une roselière de 1,5 hectare et la restauration de 9 hectares de terrain en prairie naturelle ou humide, ont été créées.

Le Ried rendu propre et fonctionnel pourrait bien faire revenir les agriculteurs et les familles, notamment les jeunes couples, nombreux à vouloir cultiver leurs propres fruits et légumes.

Coût total des travaux : 1,2 m d‘€ TTC avec le soutien de l’Agence de l’eau Rhin-Meuse et de la Région Grans Est.

Frédéric Bierry, président de la Collectivité européennes d’Alsace a remis le Trophée de la Jeunesse à Rémi Duchêne, maire d’Uffoltz. Il étaie entouré de Marc Roger, maire de Steinbach, Mathieu Ermel (à droite), maire de Wattwiller, Sophie Haberkorn, du Foyer Saint-Erasme et Claudine Roger, du Foyer Club de Steinbach. Photo DNA /Franck Delhomme

Trois communes unies pour les jeunes

Trois communes du Haut-Rhin, Uffholtz, Wattwiller et Steinbach ont uni leurs efforts pour mettre en place avec des partenaires associatifs un service d’animation jeunesse intercommunal. Elles sont lauréates du Trophée Jeunesse.

En 2020, le Foyer Saint-Erasme d’Uffholtz mène une enquête dans le cadre de la constitution de son dossier d’EVS (Espace de vie sociale) et un constat apparaît : le manque d’animations dans le secteur pour les adolescents de 11 à 17 ans. Il s’en ouvre alors à la municipalité d’Uffholtz et à celles des deux communes voisines, Steinbach et Wattwiller, ainsi qu’à l’association du Foyer de Steinbach. Les trois collectivités et les deux associations interviennent alors pour qu’un programme d’activités soit proposé aux adolescents durant l’été 2021 par la fédération des Foyers-Clubs d’Alsace, avec le soutien financier des collectivités.

Le succès est au rendez-vous, preuve que le besoin était bien réel, et les trois communes décident d’unir leurs forces pour mettre en place une politique jeunesse sur leur territoire, en partenariat avec les deux foyers. La fédération des Foyers-Clubs d’Alsace est à nouveau sollicitée pour mettre sur pied un programme d’animations jeunesse durant les vacances scolaires, mais aussi toute l’année.

Un poste d’animateur scolaire est ainsi créé, financé par les trois communes au prorata du nombre d’habitants. Les municipalités mettent également des locaux à disposition et assurent la promotion des actions à travers leurs moyens de communication.

Les deux associations participent aussi financièrement, prêtent leurs locaux et mettent à disposition des bénévoles pour animer et faire découvrir des activités. Les lieux de rencontres se trouvent dans les trois communes. Budget global de ce service jeunesse intercommunal : 65 000 euros. Une subvention de 20 000€ a été sollicitée auprès de la CAF.

Durant l’été 2022, 77 jeunes issus de 62 familles différentes ont pu profiter des animations. 66 étaient des habitants des trois collectivités, onze venaient de communes voisines comme Cernay ou Bernwiller. Le but de cette politique jeunesse n’est pas seulement de proposer des activités aux jeunes, mais aussi de promouvoir une éducation civique et de les inciter à s’investir dans la vie associative locale.

Le Trophée du Coup de cœur a été remis par Pierre Laplane, directeur de l’ADEUS, à Aya Himer, conseillère municipale de Mulhouse. Photo DNA /Franck Delhomme

« Croque ta ville », la participation réinventée

Expérimenté à partir de 2021 dans des concertations des habitants au cœur de l’espace public, « Croque ta ville » est nouvel un outil de l’Agence de participation citoyenne (APC) de la Ville de Mulhouse. Ce dispositif original vaut à la Ville de Mulhouse le Trophée du Coup de cœur.

Le principe est simple : lorsque l’APC organise une consultation sur le terrain, elle associe des dessinateurs et illustrateurs mulhousiens. Ils sont là, avec leur matériel, des affiches grand format (A0) sur lesquelles figurent les perspectives des lieux en cours de transformation et traduisent en dessins les idées des habitants. Objectif de ce projet : permettre à chacun d’apporter sa pierre à l’édifice pour imaginer la ville de demain.

« C’est un moyen simple et agile, une méthode permet de recueillir la parole des habitants de tout âge, en représentant leurs idées en images, de façon originale et inclusive », explique Clémentine Felder, chargée de mission Démocratie participative à l’APC de la Ville de Mulhouse.

Le dessin provoque immédiatement l’empathie, il suscite la curiosité et le sourire, il est accessible à tous, il libère la parole… Et ça marche !

« C’est l’ancienne directrice de l’Agence citoyenne, Nathalie Berbett, qui a eu cette idée, relate Cécile Sornin, adjointe chargée de la démocratie participative à Mulhouse. En expérimentant cette méthode, nous nous sommes rendu compte tout de suite que c’était vraiment puissant ! C’est l’outil de concertation le plus intelligent et le plus efficace que je connaisse, ouvert à tous. L’autre aspect, c’est aussi l’implication citoyenne des artistes eux-mêmes. Ils ont vraiment du plaisir à le faire. »

Cette année, l’Agence citoyenne a fait appel à six artistes, Joan, Lili Terrana, Laurence Mellinger, Fanny Delqué, Bearboz et Cyrille Meyer. Ils sont intervenus parfois à plusieurs, parfois seul, dans les consultations sur le développement des mobilités douces et dans les quartiers en renouvellement urbain (Drouot et Fonderie). Coût du projet : 6 363 €.