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Inondations : comment l’Inrae modélise les crues éclair pour tenter de mieux prévenir les tragédies

En 2020, deux de ces événements meurtriers ont endeuillé les Cévennes gardoises et les Alpes-Maritimes durant l'automne, causant vingt morts. Ils sont très difficiles à prédire mais les scientifiques ont développé des outils de simulation et de prévision, dont les informations servent à améliorer l'alerte des pouvoirs publics et des populations, qu'ils améliorent sans cesse.

Le 19 septembre 2020, haute de 5 m, une vague dévale l’Hérault, alimentée par tous ses affluents et 600 mm de pluies tombées en dix-sept heures. Deux victimes sont relevées.

Treize jours plus tard, le 2 octobre, Alex, la tempête qui a balayé la Bretagne se transforme en épisode méditerranéen. "Cumuls de pluie exceptionnels" – quelque 500 mm en six heures - "suivis de crues dévastatrices", observe Météo France, font dix morts, huit personnes n’ont jamais été retrouvées dans les vallées de la Roya, de la Vésubie et la Tinée. Deux crues éclair, un type d’événements qui reste "difficile à prévoir" et génère "plus de décès. Leur coût social est élevé", souffle Pierre Javelle.

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Ingénieur-chercheur en hydrologie à Inrae Aix-en-Provence, le scientifique est un spécialiste de ces crues provoquées "par des pluies très intenses sur des cours d’eau à réaction très rapide". Les premières sont typiquement l’épisode méditerranéen, "un orage stationnaire qui va s’auto-alimenter" ; les seconds sont des bassins-versants à forte pente d’au plus une centaine de km², "qui laissent peu la pluie s’infiltrer". Le Lez, par exemple.

20 000 km de cours d'eau surveillés

"Oui", il faut s’attendre à une "augmentation" des épisodes méditerranéens, "qui vont se produire plus au nord", estime Pierre Javelle. Oui, la multiplication des crues éclair ne peut être exclue, avec le changement climatique, alors qu’une commune sur trois et un Français sur quatre est exposé aux inondations. C’est "le premier risque naturel" pesant sur le pays, qui coûte 650 à 800 M€/an, rappelle Charles Perrin, hydrologue à Inrae Antony. Mais comment mieux les anticiper ?

Depuis une décennie, l’Inrae a développé un modèle de prévision : GRP, Génie rural pour la prévision. Un logiciel implanté dans la vingtaine de services de prévision des crues répartis sur le territoire. "Ce sont des jumeaux numériques des bassins-versants, explique Charles Perrin, dans lesquels on entre les pluies observées, les pluies prévues par la météo" et les débits des cours d’eau de la zone en cause – on en surveille 20 000 km en France.

"On travaille à partir des radars météorologiques, reprend Pierre Javelle. Ils permettent de mesurer la pluie. Nos modèles vont ensuite calculer la partie qui s’infiltre et celle qui va ruisseler pour générer une crue. Puis on caractérise la rareté de cette pluie ruisselante par rapport à la normale, grâce à des comparaisons avec les historiques", enregistrés dans la Base de données historiques sur les inondations. Ses références remontent jusqu’au Moyen Âge, elle permet aussi d’étalonner les modèles : en y rentrant les données d’une crue passée, on voit s’ils savent la prédire.

Charles Perrin : "On connaît mal la pluie"

L’idée est d’obtenir une prévision de réaction des bassins-versants, qui remonte au Schapi, le Service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations. La prévision est alors exploitée par Vigicrues pour mieux alerter les pouvoirs publics et les populations.

"Ces outils, indique Charles Perrin, sont en constante évolution, par les retours d’usage et grâce à des projets de recherche." Après chaque épisode, les scientifiques se rendent sur le terrain, faire des mesures pour reconstituer "les débits de la crue et mieux comprendre ce qui s’est passé", dit Pierre Javelle, alimentant leurs modèles avec des météorologues, des hydrauliciens, des spécialistes de la télédétection. Mais le problème est si complexe et les paramètres si nombreux, l’imprévisibilité de l’endroit où l’orage stationnerait si grande.

Charles Perrin l’admet : "On connaît mal la pluie, les modèles sont incertains, on a des incertitudes sur les débits eux-mêmes…" Autant de fragilités que les algorithmes, les observations et l’intelligence humaine mettront du temps à dépasser.