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"J'ai peur de là où pourraient finir les photos" : faut-il mettre ses enfants sur les réseaux sociaux ?

Une étude de l'Observatoire de la Parentalité et de l'Education Numérique (Open), dévoilée ce lundi 6 février, montre que plus de la moitié des parents (53 %) a déjà partagé du contenu sur leur(s) enfant(s) sur les réseaux sociaux. À lui tout seul, ce chiffre montre à quel point le sujet divise. Et pour cause, exposer son enfant sur les réseaux sociaux n'est pas sans risque. 

"Oh regarde, elle a accouché". Sur les réseaux sociaux, il est désormais facile de suivre le quotidien, aussi intime soit-il, de ceux qui veulent bien le partager. À ce quotidien numérique, partagé publiquement et de façon plus orchestrée chez les influenceurs, ces personnes rémunérées ou gratifiées pour leurs contenus en ligne, un public n'échappe pas : celui des enfants.

Des enfants exposés très tôt

Des scènes de vie de famille immortalisées, qui se retrouvent dans une sorte d'album en ligne, à la vue de tous. Si seuls 1,1 % des parents sont influenceurs en France, en revanche 85 % de ceux-ci "publient des photos/vidéos de leur(s) enfant(s) au moins une fois par semaine", révèle l'étude.

Et ces derniers n'attendent visiblement pas d'avoir "l'autorisation" de leur enfant, puisque "75 % avaient moins de 5 ans lors de leur première exposition", et 21 % le sont dès la naissance, souligne encore l'étude. 

Des photos qui ne disparaîtront jamais

Juliette, une Montpelliéraine aux manettes du compte @Pushyourpink, suivie par près d'un demi-million de personnes sur Instagram, est l'heureuse maman de jumeaux depuis 5 mois. Si vous trouverez sur son compte des images de pieds, de petits corps bien habillés ou de mains de bébé, vous n'y verrez pas le visage de ses enfants.

"On est d'accord avec mon conjoint sur la question. Eux, ils n'ont rien demandé et tant qu'ils n'ont pas l'âge, disons, de gérer leur propre compte sur un réseau social, on ne préfère pas les montrer", explique Juliette. Un choix, que ne partagent pas de nombreuses de ses collègues influenceuses. "Je respecte le choix de tout le monde. Contrairement à moi, certaines ne voient pas le côté négatif, moi j'ai peur de là où pourraient finir les photos", s'inquiète l'influenceuse. 

Et à juste titre, selon Thomas Rohmer, fondateur et directeur de l'Open. "Le risque, c'est surtout qu'il est compliqué de savoir ce qui advient de ces photos ou vidéos, la seule chose que l'on sait, c'est qu'elles ne disparaîtront jamais"

Pire, selon une proposition de loi pour faire évoluer le droit à l'image des enfants (lire plus bas) le constat est glaçant : "50 % des photographies qui s’échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux".

Interrogé sur la question fin janvier sur le plateau de BFM, Bruno Studer, le député qui porte le projet de loi rappelle que sans vouloir "dramatiser tout", il "faut avoir conscience de ce qui peut arriver à une photo si on la poste, notamment quand on met en scène ou qu'on filme un enfant en train de prendre son bain ou de faire de la gymnastique".  

Revenus de marques pour enfants

Autre argument en faveur de l'anonymat visuel de ses bébés, les innombrables commentaires, dont l'influenceuse montpelliéraine est elle-même victime. "La méchanceté gratuite, notamment sur le physique, je trouve ça idiot, moi j'y suis complètement exposée. Donc autant protéger des enfants qui n'ont rien demandé. En tant que parent, je pense que ça blesse encore plus que quand ça nous est directement adressé", souligne Juliette. 

Mais le métier d'influenceur pousse-t-il à poster des contenus qui concernent les enfants ? "Je pense que certains influenceurs sont plus sollicités par certaines marques s'ils postent leurs enfants", reconnaît Juliette, qui en revanche, signe des partenariats rémunérés, sans pour autant dévoiler le visage de ses jumeaux. 

L'étude n'a en revanche pas fait le distinguo entre les personnes qui postent des photos du visage complet de leur enfant ou ceux qui choisissent d'en masquer une partie. Pour Thomas Rohmer, cette pratique reste "minoritaire", mais il reconnaît qu'il y a "une prise de conscience et certains font désormais plus attention".

Faire évoluer la loi

Une proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants a été déposée en janvier 2023, soutenue par l'Open. 

"Aujourd'hui, l'image d'un enfant appartient à ses parents jusqu'à sa majorité", rappelle Thomas Rohmer. Le texte de loi, porté par le député Renaissance Bruno Studer, souligne que "l’économie de l’influence, qui découle du développement phénoménal des réseaux sociaux et de la société de l’image, incite tout un chacun à exposer sa vie réelle ou fantasmée dans une espèce de panoptique, à la recherche de toujours plus d’appréciations et de commentaires – l’essor des vlogs familiaux en est aujourd’hui la meilleure illustration". 

La proposition de loi, dans sa présentation, estime aussi qu'en moyenne, "un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans". 

En 2020, une première étape législative encadrait les "enfants influenceurs". Avec ce nouveau texte, les députés espèrent ajouter la notion de "vie privée" à celle de l'autorité parentale. "On est au coeur d'enjeux juridiques et économiques", estime Thomas Rohmer, qui explique que cette évolution serait cruciale pour l'enfant, en cas de conflit entre les parents notamment.