France
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L’aspiration majoritaire à changer

Les mouvements sociaux sont toujours des moments propices de politisation. Ils permettent à des millions de personnes de faire le lien entre leur sort et les politiques nationales et européennes mises en œuvre. De ce point de vue, le grand mouvement populaire en cours s’apparente depuis la nouvelle utilisation de l’article 49-3, un nouveau moment de bascule. Il est gros de promesse à condition de ne pas sombrer dans les provocations du pouvoir, satisfait que des actions groupusculaires violentes puissent lui permettre de déployer sa police répressive pour faire rentrer chacun chez soi. C’est ce qui vient encore de se passer dans les Deux-Sèvres où tout est fait pour discréditer un juste mouvement contre l’accaparement de l’eau par une minorité dans l’unique but de poursuivre une agriculture intensive néfaste pour l’emploi et l’environnement. L’efficacité réside bien dans la construction d’un mouvement majoritaire animé par l’union syndicale. Nous sommes sans doute à ce moment décrit par A Gramsci selon lequel : « la classe dominante ne parvient plus à diriger, seulement à dominer, et à dominer par la force de coercition ». Voilà pourquoi cette classe a tant menti, avant de tenter de domestiquer le Parlement. Lorsqu’elle a mesuré l’ampleur du mouvement social, elle n’a pas hésité à « réutiliser » ses forces de police pour exciter les violences. Et le président de la République d’apparaître aux yeux de celles et ceux qui prendraient peur comme le garant de « l’ordre ». Classique !

Conscient du rétrécissement de sa base sociale et du refus majoritaire des travailleurs de se voir voler deux années de leur vie, et alors que les possédants ne sont d’aucune façon mis à contribution, M. Macron aura utilisé tout ce qui était à sa disposition pour réaliser son coup de force : véhicule législatif lié au financement de la Sécurité sociale afin de réduire le temps du débat parlementaire, refus de toute négociation avec les organisations syndicales, jusqu’à l’empêchement du vote par les députés avec l’utilisation de la procédure bâillon du 49-3. La violence de la démarche est telle que des constitutionnalistes de renom doutent de la conformité de cette procédure. La classe capitaliste veut à ce point assurer sa domination que les partis macronistes et de droite se sont alliés pour imposer leur loi scélérate. Elle teste aujourd’hui la stratégie du « chaos » pour se donner les pleins pouvoirs comme l’a suggéré Mr Ciotti. Ceci ne fait qu’accentuer les crises sociales et démocratiques. Du même coup s’amplifie l’éclatement du parti de droite et ébranle sérieusement la nébuleuse « Renaissance ». Autrement dit celui qui a voulu pulvériser le spectre politique en est lui-même la victime, comme un retour de boomerang de son arrogance. La raison en est simple : la majorité de nos concitoyens refusent ces choix au service unique du capital. On peut donc changer les noms des partis qui servent ces choix, rien n’y fera. Nous sommes en « un temps de détachement de l’idéologie dominante » selon l’expression de Gramsci. Les partis qui constituent le bloc libéral, quels que soit leurs noms, ne cessent de s’effriter. Et toute force se prétendant « de gauche » ne peut qu’être disqualifiée dès lors que sa politique se met au service de la minorité des possédants. C’est ce qui a provoqué l’effondrement du parti socialiste de François Hollande et mis à mal toutes les coalitions de gauche, dès lors qu’elles n’ont pas répondu aux intérêts populaires. Toutes les forces social-démocrate sont en difficulté pour ces raisons fondamentales. Changer ici, implique de changer radicalement le cadre des traités européens et la nature de la construction européenne. Celle-ci doit être mise au service d’un projet continental au service des peuples, non pas pour les mettre en compétition sur les reculs de l’âge ouvrant droit à la retraite, mais pour réduire partout le temps de travail et augmenter les rémunérations, et progresser vers une sécurité sociale professionnelle. C’est aussi ce que portent les mouvements sociaux au Royaume – Uni ou en Allemagne.

Dans ce moment exceptionnel de politisation, la question de l’alternative politique doit être posée. Pas celle de la cosmétique gouvernementale qui serait prétendument prêt à discuter de tout sauf de… sa contre-réforme des retraites ; cette « mère des batailles » pour complaire aux institutions européennes et aux fonds financiers cherchant à développer la retraite par capitalisation. Pas non plus une alternance fondée sur des promesses vaines qui ne produisent que désillusions et élargissent la porte à l’extrême droite.

Il s’agit d’inventer avec celles et ceux qui aspirent à un profond et réel changement progressiste plaçant « le travailleur souverain sur son travail et la production » pour la justice sociale et environnemental au cœur d’un nouveau projet. Celui-ci doit pouvoir être porté majoritairement pas les travailleurs et le peuple. Ce changement implique de sortir de la monarchie institutionnelle et de la servitude dans l’entreprise. Il ne porte pas seulement sur un « nouveau partage des richesses ». Il doit permettre aux travailleurs de décider de la nature des richesses à produire, des conditions de production en fonction de leur bien-être et des nécessités des transitions environnementales. Il pose forcément la question de la propriété de ces moyens de production et de la création monétaire, donc du système bancaire jusqu’à la Banque centrale européenne.

C’est donc bien à une alternative sociale, démocratique, écologiste qu’il est nécessaire de travailler avec toutes et tous. Un tel projet nécessite une bataille soutenue opposant les forces de transformation au capital. Il appelle l’animation d’un intense débat politique sur la nature du système qui provoque tant de malheurs et sur les moyens de le dépasser. Cette unité populaire, en lien avec une union de type nouveau favorisant un va-et-vient entre forces progressistes, mouvement social et syndical, est la condition pour empêcher l’extrême droite d’accéder au pouvoir. Ne sous-estimons pas le fait qu’elle est déjà dans de nombreux pays la béquille du capitalisme. De ce point de vue la campagne pour obtenir un « référendum d’initiative partagé » peut constituer un moment crucial pour obtenir l’expression populaire majoritaire sur la loi des 64 ans mais, au-delà, ouvrir le débat sur le type d’union populaire à construire et susciter l’action pour ouvrir le chantier d’un pacte populaire pour un autre gouvernement et une autre société.