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L’écologie au temps de l’inflation, le difficile exercice d’Emmanuel Macron

Le président a présenté lundi les grands axes de sa «planification» pour une écologie «souveraine», «compétitive» et «juste».

Depuis l’Élysée, où il a - très sobrement - levé le voile lundi sur la planification écologique des années à venir, Emmanuel Macron a défendu une politique «accessible et juste», qui «ne laisse personne sans solution». Une gageure au moment où l’inflation restreint les priorités des ménages. «Au moment des “gilets jaunes”, il n’y avait pas l’inflation, mais une préoccupation autour du pouvoir d’achat. Aujourd’hui, c’est encore plus difficile de parler d’écologie», constate l’ex-ministre François de Rugy, cinq ans après l’irruption de cette vaste contestation populaire.

Lutte contre le réchauffement climatique et lutte contre l’inflation, les deux rendez-vous antinomiques se disputent les arbitrages de l’exécutif. Avant de présenter son grand plan de transition écologique, le chef de l’État ne vient-il pas de décréter le déploiement d’une nouvelle «indemnité carburant» de 100 euros pour les foyers modestes qui utilisent leur voiture pour aller travailler? Le chef de l’État se fait le chantre d’une «écologie à la française» avec une ligne résumée ainsi: «ni le déni, ni la cure», qui reste encore à se concrétiser pour les ménages effrayés par le reste à charge à payer quand des devis de travaux leur sont présentés, malgré les primes déjà existantes. Ou quand la perspective de nouvelles taxes vertes s’invite dans le débat public.

La veille, Emmanuel Macron a reçu entre les mêmes murs TF1 et France 2 pour une interview lors de laquelle il a observé que le Palais a réussi à remiser ses chaudières au fioul, au profit d’un système de géothermie. «Changer une chaudière, parfois c’est 15.000 euros et c’est compliqué», lui a-t-il été opposé. En juin dernier, la ministre Agnès Pannier-Runacher (Transition énergétique) disait «souhaiter que l’on travaille sur le reste à charge zéro pour la rénovation thermique des ménages les plus modestes». Le président de la République ne s’est pas aventuré jusque-là lundi, tout juste a-t-il annoncé «une stratégie dans le logement social» dès octobre et «la finalisation de nos mécanismes d’accompagnement pour la rénovation des logements» en novembre afin de «mieux accompagner les ménages les plus modestes et les familles moyennes». Il a aussi annoncé que son projet de «leasing social» de voitures électriques à 100 euros sera sur pied d’ici deux mois.

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Un impossible «en même temps»

Les conseillers du Palais font l’exégèse d’un président qui trace un chemin entre les préoccupations autour de «la fin du mois» et «la fin du monde», mais la réalité est moins simple. Des transports - individuels comme collectifs - jusqu’au logement, les ménages ne sont pas toujours épargnés par les arbitrages de l’exécutif. S’il n’a rien oublié de la révolte des «gilets jaunes», le pouvoir est aussi sous la pression de militants écologistes très médiatiques. «L’écologie est la réponse» au «débat sur le pouvoir d’achat», a plaidé Emmanuel Macron. Ce qui ne se vérifie pas toujours. Cet automne, les interpellations viennent de toute part pour appeler à la remise en cause d’objectifs déjà préalablement fixés. À l’instar du secteur du logement qui traverse une importante crise.

L’augmentation des taux d’intérêt n’est pas la seule responsable. La mise à l’écart des passoires thermiques, qui s’ajoute à l’encadrement des loyers, tend considérablement le marché dans les métropoles. Malgré les aides proposées par l’État, les rénovations restent trop coûteuses pour les propriétaires. La loi climat et résilience promulguée en août 2021 est aujourd’hui pointée du doigt par les professionnels du secteur et des élus témoins des difficultés qu’elle génère. Illustration de l’enjeu: «Deux tiers des logements du parc locatif parisien sont classés E, F ou G! (les étiquettes du diagnostic énergie concernées par des restrictions progressives, NDLR)», s’alarme David Lisnard, le président de l’Association des maires de France, cité par Le Parisien.

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À travers l’Hexagone, «des millions de propriétaires perdent la possibilité de louer leur bien et autant de locataires celle de pouvoir se loger» met-il en garde. Sans remettre en cause cette politique, le chef de l’État a seulement concédé lundi qu’il n’interdirait pas les chaudières à gaz. «Nous avons décidé d’être sur une politique d’incitation» a-t-il dit, alors que le sujet a récemment fortement divisé le voisin allemand. Concilier écologie et classes populaires s’apparente parfois à un impossible «en même temps», comme lorsque Clément Beaune, le ministre délégué aux Transports, propose dans L’Obs en août dernier «l’instauration d’un tarif minimum du billet d’avion».

«Des billets à 10 euros, ce n’est plus possible», explique-t-il après avoir affirmé que «l’écologie ne doit être ni un emmerdement ni une punition». «Le gouvernement applique finalement au secteur aérien des mesures qui sont en complète contradiction avec ce qu’il prône tant sur le pouvoir d’achat qu’en matière de fiscalité», s’insurge Thomas Juin, le président de l’Union des aéroports français et directeur de l’aéroport de La Rochelle - surtout desservi par des compagnies à bas coûts. «C’est un coup porté à tout un public pragmatique qui opte pour le transport le moins onéreux», dit-il. D’autant que les prix des TGV ne sont pas amenés à baisser. C’est tout l’enjeu de l’exécutif ces prochaines semaines: convaincre qu’au-delà des discours, le verdissement de l’économie ne pénalisera pas les plus modestes.