France
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L’inflation chute et on se rend compte en plus qu’on l’avait vraisemblablement… nettement surestimée

Si l’inflation européenne et nationale sont surestimées, quelles en seront les conséquences pour la France ?

© DANIEL ROLAND / AFP

Erreurs de calcul

Comme Atlantico le racontait il y a quelques semaines, les Néerlandais ont vu l’inflation jusqu’à deux fois plus forte qu’elle n’était. Une erreur de calcul qui se confirme et se précise. Et concerne aussi la France.

Alexandre Lohmann est un économiste français basé au Brésil et spécialisé dans les prévisions. D’après le journal Estadao/Broadcast (équivalent du Figaro brésilien), il a été l’un des premiers économistes du pays à identifier le choc des matières premières à partir de l’été 2020 et cela lui a valu de recevoir le prix de 3ème meilleur prévisionniste pour l’inflation générale des prix de la part de la Banque Centrale du Brésil en 2020.

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Atlantico : Comment expliquer cette surestimation de l’inflation à l’échelle européenne mais aussi dans certains pays, comme les Pays-Bas, et potentiellement l’Italie ?

Alexandre Lohmann : Beaucoup d’instituts statistiques utilisaient les données communiquées par diverses autorités de l’énergie dans ces pays et ils ont inclus surtout les nouveaux prix. La variation mensuelle de l’inflation était égale aux nouveaux contrats signés, ce qui n’est pas du tout représentatif. Il n’y a qu’une petite partie des gens qui renouvellent chaque mois. Donc au moment de l’explosion des prix de l’énergie, l’inflation a été largement surestimée. Tout le monde a cité les Pays-Bas parce que c’est eux qui ont alerté sur la situation et annoncé qu’ils utiliseraient une méthodologie différente à partir de juin 2023. En septembre 2022, l’inflation officielle dans le pays était à 14,5, mais ils se sont rendu compte qu’elle était probablement plutôt à 8,1. Ce biais méthodologique était vraiment très grave en 2022. Il est probable qu’aujourd’hui nous vivions un peu le phénomène inverse, puisque les prix baissent on peut craindre qu’ils ne sur-comptabilisent les baisses. En définitive, pour avoir une vision juste de l’inflation, il faudra regarder les deux années cumulées et pas simplement le glissement annuel et l’évolution de mois à mois. Ce sera intéressant également pour déterminer qui sont les pays qui s’en sont le mieux sorti.

Concrètement, si l’inflation européenne et nationale sont surestimées, quelles en seront les conséquences pour la France ?

Cela a pour conséquence que tout ce qui est indexé sur l’inflation se trouve renchéri, les contrats, les salaires, la dette, etc. Cela a donc pu générer des surcoûts. Quel impact cela a eu à échelle européenne ? Il faut peut-être le nuancer car les Pays-Bas ou l’Italie ne pèsent pas énormément. On peut espérer que l’effet statistique se résorbe sur le long terme. Mais il est évident que les méthodologies de calcul de l’inflation ne sont pas infaillibles et très souvent, dans les situations un peu spéciales, elles ne fonctionnent pas. On l’a vu dans des situations d’hyper-inflation, lors de l’année de confinement, etc.

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Est-ce que cela aurait pu changer quelque chose à la politique monétaire ? Je n’en suis pas sûr. La banque centrale aurait sans doute été la même dans le cadre inflationniste que nous avons connu. En revanche, cela nous force à tempérer le discours consistant à dire que la France avait une inflation moins forte que les autres.  Peut-être la BCE a-t-elle sur-réagi, mais comme elle a tardé à réagir, je n’en suis pas si sûr. Il est possible que cela ait joué en faveur d’un plus grand resserrement monétaire.

3/4 des obligations émises par la France sont indexées non sur l'inflation française mais européenne, égale à 10%. Avec une inflation surestimée, qu'est-ce que cela signifie, tant pour les France que pour ces citoyens ? Quels impacts cela a-t-il ?

Cela a vraisemblablement renchéri la dette sur une année précise, en 2022. Mais on devrait enregistrer un poids de la dette plus faible que prévu en 2023, cela devrait donc se compenser.

L’inflation a baissé de près d’un point en mai en Espagne, pour revenir à 3,2% sur un an. Même son de cloche au Portugal, où l'inflation alimentaire a diminué de 2,61% entre avril et mai. Ces deux pays ont eu recours à une baisse de la TVA sur les prix de l’alimentaire. A-t-on, en France, trop négligé certaines solutions contre l’inflation ?

Oui, c’est ce que je vous expliquais la dernière fois. L’impact de la mesure au Portugal est impressionnant. Le Portugal sépare l’inflation alimentaire des prix industrialisés des prix qui ne le sont pas. Respectivement -2,37%  et -2.85% en mois. C’est une baisse très peu commune. Le taux annuel est presque divisé par deux en un seul mois. Et encore, la mesure n’a pris effet que mi-mai. Mais comme prévu, cela prouve que la logique derrière le rejet de ces mesures de baisse de la TVA en France était vraisemblablement politique. En Espagne, la baisse est plus modeste car des facteurs exogènes ont pu nuire à la baisse de l’inflation alimentaire, comme la sécheresse. Mais nous n’avons pas les métriques spécifiques sur l'alimentation. En revanche, il y a bien une baisse globale de l’inflation.

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Peut être qu’aujourd’hui, la crainte d’une dégradation de la note française peut désinciter à appliquer ce genre de mesures, même si cela aiderait à lutter contre l’inflation.

Que penser de la baisse de l’inflation française observée, chutant à 5,1% sur un an ?

Le gouvernement s’en félicite, c’est son rôle, mais il y a des tendances déflationnistes partout et la baisse est assez généralisée, notamment grâce à la baisse des matières premières. La question c’est de savoir quelle sera notre inflation de long terme ? Olivia Grégoire craint qu’elle ne soit structurellement plus élevée. On peut réfléchir à des pistes pour l’éviter, à commencer par réduire les dépenses publiques afin de limiter les prélèvements obligatoires. Le gouvernement a commencé à agir en ce sens. 

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