France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

L’Italie va faire tanguer l’Europe

Lorsque la tempête souffle, on encaisse l’assaut des vagues sans gémir et en serrant les dents. Nouvel épisode de la poussée populiste, la victoire d’un parti de la droite radicale en Italie, dimanche 25 septembre, a été accueillie par la plupart des gouvernements d’Europe avec une résilience mêlée de résignation. Fratelli d’Italia a obtenu 26 % des suffrages, distançant nettement ses concurrents. Avec deux autres formations, de droite et souverainistes, il dispose d’une confortable majorité au Parlement. Sa figure de proue, Giorgia Meloni, devrait devenir cheffe du gouvernement et s’installer dans le paysage politique européen.

Sous sa houlette, l’Italie va rejoindre la Hongrie et la Pologne dans une farouche bataille culturelle livrée au sein de l’Union européenne. Ces deux pays sont dirigés par des gouvernements souverainistes critiquant le socle des valeurs adopté il y a deux décennies par les États membres. Ils sont satisfaits que leur économie profite des avantages du marché unique et des fonds importants versés par l’UE. Mais ils écornent l’état de droit, promeuvent une vision de la civilisation européenne attachée à la défense de la « chrétienté » et se montrent étanches à l’accueil de migrants venant de pays musulmans ou d’Afrique.

Impuissance face au vote populiste

Giorgia Meloni est parfaitement en phase avec ces thématiques. Elle les a brandies dans un discours virulent prononcé en juin en Espagne, lors d’un meeting du parti d’extrême droite Vox. Or son soutien sera de poids. L’Italie est un des pays fondateurs de la construction européenne et la deuxième puissance industrielle du continent. La cheffe de Fratelli d’Italia pourrait même prendre le leadership de ce courant politique, si son gouvernement parvient à durer. Depuis deux ans, elle préside le Parti des conservateurs et réformistes européens, qui compte dans ses rangs le parti Droit et justice, au pouvoir en Pologne, les Démocrates de Suède, issus de l’extrême droite scandinave, et Vox.

À Paris, Berlin ou Bruxelles, les valeurs affichées sont aux antipodes de celles prônées par Giorgia Meloni. Malgré le choc, les réactions y ont pourtant été mesurées et attentistes. Pour plusieurs raisons. D’abord, une forme d’impuissance face au vote populiste, dont il est admis qu’il traduit la colère d’électeurs affectés par des transformations économiques douloureuses. Ensuite, la cheffe de Fratelli d’Italia s’est rangée du bon côté de la principale ligne de démarcation qui divise l’Europe depuis février : elle dénonce l’invasion de l’Ukraine par la Russie et soutient l’action de l’Otan.

Alors que le niveau de confiance des Italiens dans l’UE augmente, elle a par ailleurs donné quelques gages sur le sérieux de la politique budgétaire qu’elle mènerait, un sujet crucial pour les Vingt-Sept alors que Rome doit recevoir au total 192 milliards d’euros dans le cadre du plan de relance. Geste important : la Commission a approuvé mardi le déblocage d’une partie de ce financement. Dès que le gouvernement sera investi, une partie complexe va s’engager avec les partenaires européens de l’Italie. « On travaillera ensemble sur certains sujets et on clashera sur d’autres », prévoit-on à Paris. Les institutions communautaires sont jugées assez fortes pour cadrer les débats et aboutir, quand ce sera possible, à des compromis. Mais le navire européen, soumis aux déferlantes du vote populaire, n’a pas fini de tanguer.