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L’opposant à Poutine Ilia Iachine condamné pour avoir dénoncé la guerre en Ukraine

«Que ces mots sonnent tel un cri dans le désert mais je vous appelle, Vladimir Vladimirovitch [Poutine, ndlr], à arrêter immédiatement votre folie.» Ilia Iachine, l’un des derniers contestataires au président russe, a été reconnu coupable par le tribunal de Moscou ce vendredi pour avoir «diffusé de fausses informations» sur les actions de l’armée russe en Ukraine et pour «incitation à la haine». Sa peine n’est pas encore connue mais ce crime est passible de dix ans de prison. Le procureur en avait requis neuf.

L’homme âgé de 39 ans avait été arrêté en juin après avoir dénoncé dans une intervention en direct sur YouTube «le meurtre de civils» dans la ville ukrainienne de Boutcha. L’armée russe avait été accusée d’exactions dans cette ville située près de Kyiv, ce que nie Moscou. Même après son arrestation, Ilia Iachine a continué ses critiques contre les autorités et l’intervention militaire en Ukraine. Début novembre, il avait notamment accusé les juges russes d’être des «serviteurs» du pouvoir et de donner à Vladimir Poutine un «sentiment d’impunité».

Le Kremlin a introduit peu après le début de la guerre une série d’articles au code pénal pour punir ceux qui «discréditent» l’armée ou «publient de fausses informations» à son sujet. Les textes sont suffisamment vagues pour poursuivre toutes les voix discordantes que les autorités préfèrent voir en prison. Ilia Iachine en fait partie.

Proche de Boris Nemtsov et Alexeï Navalny

Ilia Iachine a commencé le militantisme très jeune, dès les années 2000. Il était très proche de l’opposant Boris Nemtsov, alors critique majeur du président russe. Cet ancien vice-Premier ministre s’était notamment opposé à l’annexion de la Crimée en 2014. Moins d’un an plus tard, en février 2015, il était assassiné de quatre balles dans le dos sur un pont à quelques dizaines de mètres du Kremlin. Il avait 55 ans. Ilia Iachine est également allié du militant anticorruption Alexeï Navalny, emprisonné depuis début 2021 après avoir survécu à un empoisonnement attribué au Kremlin.

Ilia Iachine avait été élu en 2017 dans le quartier de Krasnosselski, dans le nord de Moscou, grâce à la méthode du vote intelligent de Navalny – voter pour le plus susceptible de battre le candidat pro-Poutine. Il a passé son mandat sur le terrain et sur sa chaîne YouTube au million d’abonnés, dénonçant la corruption fédérale et les injustices locales. Sa proximité avec Alexeï Navalny l’avait empêché d’être réélu en 2021, mais il n’a pas arrêté ses critiques pour autant.

Depuis le mois de février, il condamne ouvertement l’offensive russe en Ukraine et refuse d’employer les euphémismes du Kremlin pour désigner la guerre. Malgré les pressions des autorités pour le pousser à quitter le pays, Ilia Iachine n’a jamais souhaité s’exiler. En juillet, l’opposant révélait sur Facebook ce qu’il avait «appris sur [son] affaire pénale» : «Les perquisitions dans la municipalité, la pression sur les députés de mon équipe, la surveillance manifeste de mes proches, le bouquet de dossiers administratifs, tout cela était des indices, une invitation à l’émigration.»

«Je m’en sortirai»

Fin novembre, Ilia Iachine était apparu enjoué au début de son procès. Il s’adressait à la cour d’un ton badin, était même parvenu à arracher des sourires aux austères magistrats russes. Il avait réclamé sa remise en liberté. «Si j’avais voulu fuir, je l’aurais fait depuis longtemps», avait-il lancé depuis la cage de verre réservée aux prévenus. «J’aime mon pays et je suis prêt à sacrifier ma liberté pour vivre ici […]. Je suis un patriote», avait-il poursuivi. La journée s’était terminée dans une échauffourée devant la salle. Des agents de sécurité du tribunal avaient plaqué le père d’Ilia Iachine au sol. Il avait été emmené dans une salle puis relâché au bout de quelques minutes.

Au dernier jour de son procès, lundi, l’opposant a prononcé un discours adressé au président russe. «Vous avez causé un mal terrible au peuple ukrainien qui ne nous pardonnera probablement jamais. Or, vous faites la guerre non seulement aux Ukrainiens mais aussi à vos propres compatriotes», a-t-il dénoncé.

Vladimir Vladimirovitch,

En voyant les conséquences de cette guerre horrible vous comprenez probablement vous-même quelle faute lourde vous avez commise le 24 février. Notre armée n’est pas accueillie avec des fleurs. 2/18

— Anya Stroganova (@anyastr) December 5, 2022

Il a préféré terminer en rassurant ses soutiens : «Je vous promets que je m’en sortirai, que je ne vais pas me plaindre et que je traverserai ce chemin avec dignité.» Avant de conclure, plein d’espoir : «Croyez-moi, la Russie sera libre et heureuse.»