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La BCE va de nouveau relever ses taux d'intérêt pour contrer une inflation « obstinément élevée »

Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), n'avance pas masquée. Dès décembre, elle s'était engagée à proposer une hausse de 50 points de base en février, similaire à celle qui venait alors d'être décidée. La promesse devrait être tenue ce jeudi.

Cette hausse, à l'issue du Conseil des gouverneurs qui se tient ce jeudi à Francfort, portera le taux rémunérant les liquidités bancaires non distribuées en crédit à 2,5% et celui sur les opérations de refinancement à court terme à 3,0%, au plus haut depuis novembre 2008.

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L'inflation « sous-jacente » reste « obstinément élevée »

Les gardiens de l'euro affrontent une envolée massive des prix déclenchée par la guerre russe en Ukraine. Pour tenter de ralentir cette inflation, ils ont entamé, depuis juillet 2022, un resserrement de la politique monétaire se traduisant par une série de hausses de taux, inédite par son ampleur et qui met fin à près d'une décennie de taux bas. L'institution les a ainsi relevé une première fois en juillet de 50 points de base, puis deux fois consécutives de 75 points avant un quatrième relèvement en décembre dernier de 50 points.

Le recul progressif de l'inflation en zone euro (les 20 pays à avoir adopté la monnaie unique) pourrait d'autant plus convaincre le Conseil des gouverneurs de la nécessité de mener de nouvelles hausses de taux. Mercredi, Eurostat a, en effet, annoncé que la hausse généralisée des prix avait perdu de l'ampleur en janvier, affichant +8,5% sur un an après 9,2% en décembre et 10,1% en novembre. Une baisse plus marquée que ce qu'anticipaient les économistes. Pour rappel, la hausse des prix à la consommation avait atteint son point haut en octobre, à 10,6%, après un an et demi de progression ininterrompue, accélérée par la guerre en Ukraine.

Comme en novembre et décembre, ce nouveau ralentissement de l'inflation s'explique essentiellement par des hausses de prix moins fortes dans le secteur de l'énergie (électricité, gaz, pétrole...), la base de comparaison de l'an dernier étant déjà très élevée. Or, l'inflation « sous-jacente » - hors énergie et alimentation -  s'est, dans le même temps, maintenue à 5,2% et « devrait rester obstinément élevée en 2023 », prévient Fritzi Köhler-Geib, cheffe économiste de la banque publique KfW. En cause, « l'amélioration des perspectives économiques, un marché du travail tendu, des revendications salariales substantielles et une proportion élevée d'entreprises européennes qui s'attendent à ce que les prix de vente continuent d'augmenter », selon l'experte.

« Suppléer l'absence de correction spontanée de la demande »

Face à ce scénario d'une hausse des prix qui s'enracine, Christine Lagarde devrait, ce jeudi,  « réaffirmer l'absolue nécessité pour la BCE de continuer à agir dans la durée » pour ramener le rythme de hausse annuelle de l'agrégat à 2%, selon Franck Dixmier, directeur de la gestion obligataire chez Allianz IG.

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La BCE aura moins de scrupule à serrer davantage la vis monétaire car la zone euro devrait échapper à une récession cet hiver, grâce à une légère croissance du PIB (+0,1%) au quatrième trimestre de 2022, selon Eurostat.

Le premier trimestre en cours a vu l'activité repartir en janvier, selon l'indice PMI, grâce à l'amélioration des chaînes d'approvisionnement et la réouverture de l'économie chinoise. Comme l'économie va mieux que prévu, l'institut monétaire devra « suppléer l'absence de correction spontanée de la demande », élément clé pour le recul des prix, explique à l'AFP Gilles Moec, chef économiste chez Axa.

Un net recul de la demande de prêts, les faucons dominent les débats

Un optimisme qui ne saurait néanmoins cacher les conséquences directes de la hausse des taux par la BCE à savoir le renchérissement du crédit qui a déjà provoqué un net recul de la demande de prêts par les ménages et entreprises, comme l'a relevé l'institution monétaire en janvier, des mois avant que la hausse de ses taux directeurs n'atteigne un pic.

« Pour les colombes de la BCE, favorables à une conduite monétaire souple, ce sera un argument clé pour limiter les nouvelles hausses de taux à partir de maintenant. A contrario, les faucons, avec leur approche plus stricte qui domine actuellement les débats, se concentreront sur une inflation sous-jacente résolument élevée », souligne Bert Colijn, économiste chez ING.

La prochaine réunion de mars comportera un ensemble de nouvelles prévisions économiques qui compteront dans la définition du cap monétaire.

Les marchés tablent aussi sur une hausse jeudi de 50 points de base de la Banque d'Angleterre (BoE) à 4%, un record depuis fin 2008, pour contrer l'inflation qui dépasse 10% au Royaume-Uni. La BoE pourrait par ailleurs se montrer un peu plus optimiste sur les perspectives de l'économie britannique.

Aux Etats-Unis, la Fed a relevé mercredi son principal taux directeur pour la huitième fois d'affilée

De l'autre côté de l'Atlantique, les investisseurs n'ont pas été surpris mercredi par l'annonce de la Fed américaine d'une nouvelle hausse de ses taux ramenée à un quart de point de pourcentage, car l'activité économique et l'inflation montrent des signes de ralentissement aux Etats-Unis. La Fed a, en effet, relevé mercredi son principal taux directeur pour la huitième fois d'affilée, mais a ralenti le rythme par rapport aux précédentes hausses. Mais, si la situation s'améliore sur le front de l'inflation, il est trop tôt pour crier victoire, a rappelé le président de l'institution, Jerome Powell. On observe « le début de la désinflation », a-t-il indiqué, mais « l'inflation reste élevée », et les resserrements de politique monétaire mettent du temps à faire pleinement sentir leurs effets.

(Avec AFP)