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[La chronique de Bernard Peignot] La coopérative ne pouvait pas rompre brutalement

L’histoire

La coopérative agricole Bretagne, spécialisée dans l'achat, l'abattage, la découpe de porc et la fabrication de charcuterie, était en relations d'affaires depuis 2011 avec la société Boudin qui préparait et vendait des produits alimentaires. Invoquant l'augmentation du cours du porc, la société Bretagne avait, courant juin 2019, proposé une hausse du prix de ses produits à la société Boudin. Les négociations n'ayant pas abouti, la coopérative avait, le 4 juillet 2019, notifié à la société la cessation de leurs relations commerciales à compter du 3 juillet 2019 concernant deux produits.

Le contentieux

La société Boudin, qui ne pouvait accepter une telle situation avait, le 8 juillet 2019, assigné la coopérative Bretagne devant le juge des référés du tribunal de commerce aux fins de voir constater la rupture brutale des relations commerciales et ordonner leur poursuite pour une durée de douze mois avec obligation de renégocier de bonne foi les prix.

Elle avait fondé sa demande sur l’article 873 du code de procédure civile. Ce texte dispose que le président du tribunal de commerce peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Ainsi, le président du tribunal de commerce, en sa qualité de juge des référés, juge de l’urgence, peut donner l’ordre, eu égard à l’imminence et à la gravité du dommage, d’exécuter une commande ou encore, à titre conservatoire, de maintenir les effets d’un contrat.

" Il convenait d’ordonner le rétablissement pour trois mois des relations commerciales "

Pour la société Boudin, la rupture brutale des relations commerciales par la société Bretagne lui avait causé un dommage imminent, dans la mesure où elle avait eu pour conséquence une diminution significative de ses commandes. Aussi, la poursuite des relations commerciales, selon des modalités équivalentes à celles ayant été suivies au cours de l’année 2018, devait-elle être ordonnée.

Mais pour la coopérative, cette demande n’était pas recevable. Il n’était pas démontré qu’elle aurait été le fournisseur exclusif de la société Boudin. Et elle avait ajouté que les parties n’avaient pas convenu, avant la rupture, de l’application d’un prix déterminé pendant une certaine durée. Aussi, le juge des référés ne pouvait lui imposer la poursuite de la relation commerciale en lui enjoignant de céder ses marchandises au prix unilatéralement fixé par la société Boudin.

Le juge des référés, puis la cour d’appel avaient pourtant accueilli la demande de la société Boudin. Malgré l’ancienneté des relations commerciales, aucun préavis de rupture ne lui avait été adressé et une telle précipitation lui avait causé de graves problèmes, car elle avait été brusquement privée d’un fournisseur stratégique pendant une période de forte activité, ce dont il résultait que cette rupture était constitutive d’un trouble manifestement illicite. Aussi, pour faire cesser le trouble, il convenait d’ordonner le rétablissement pour trois mois des relations commerciales au prix que la société Boudin avait accepté lors des négociations ayant précédé la rupture. Le pourvoi de la coopérative a été rejeté car les juges avaient porté sur la situation opposant les parties une appréciation souveraine.

L’épilogue

Le juge des référés, juge de l’urgence ne tranche pas le fond. Aussi, la société Boudin pourra-t-elle poursuivre la coopérative Bretagne devant le tribunal de commerce, statuant en formation collégiale, si elle estime que la décision de la coopérative Bretagne lui a causé un préjudice financier conséquent.