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La défense du réseau électrique, l’autre front ukrainien

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Un quartier sans électricité sur la rive gauche de Kiev, le 25 novembre 2022.
RAFAEL YAGHOBZADEH POUR « LE MONDE »
Par Julien Bouissou

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ReportageLa Russie vise régulièrement les infrastructures ukrainiennes. Les défendre et protéger au mieux leur intégrité est devenu une priorité nationale pour Kiev.

« Ai-je vraiment l’air d’un héros ? », soupire Iouri (il a requis l’anonymat), en se demandant si les compliments qu’il reçoit depuis quelques mois ne sont pas un peu exagérés. Avec son embonpoint, ses pas lourds et son bonnet enfoncé sur la tête, il n’a jamais risqué sa vie sur le front. Il n’a jamais rêvé de devenir un héros de guerre… Jusqu’à ce que la guerre le rattrape, le 10 octobre 2022, lorsque les Russes ont commencé à attaquer le réseau électrique ukrainien.

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L’ingénieur de 50 ans s’illustre sur cet autre front ouvert à l’automne, celui de la défense des infrastructures civiles. Il gère une « sous-station », ou « poste source », dans le centre de l’Ukraine (la localisation exacte ne peut être précisée pour des raisons de sécurité), qui transforme le courant de haute tension venant des centrales en courant de basse tension distribué dans les foyers et les entreprises. Ce carrefour géant de l’électricité, qui s’étend sur environ 10 hectares et alimente près de 600 000 foyers, a déjà été attaqué à deux reprises. Le lieu, placé sous haute sécurité, est désormais protégé par des hommes armés. Iouri et son équipe défendent la nation en protégeant la station.

« Attention aux éclats d’obus », prévient l’ingénieur en se promenant en ce mois de janvier sous une toile d’araignée de câbles, où quelque 330 000 volts passent dans un léger bourdonnement. Son métier est devenu du jour au lendemain l’un des plus exposés de la guerre. « Le principal changement, c’est que tous les matins, on va au travail en se disant qu’un missile peut nous tomber dessus », reconnaît-il.

A ciel ouvert

Jamais, dans sa vie de chef de poste source, il n’a reçu autant de compliments et attiré autant la curiosité. Ses voisins en profitent pour lui demander s’il y aura des coupures dans la journée, quelles seront leurs durées, un peu comme s’il était devenu le « M. Météo » de l’électricité. Iouri dit avoir besoin de ce réconfort car « c’est parfois décourageant de reconstruire ce qui sera peut-être détruit dans quelques jours, ou quelques semaines ».

Depuis le début de l’invasion russe, Iouri travaille jour et nuit dans une centrale électrique du centre de l’Ukraine, le 20 janvier 2023.
Depuis le début de l’invasion russe, Iouri travaille jour et nuit dans une centrale électrique du centre de l’Ukraine, le 20 janvier 2023.

Avec leurs entrailles à ciel ouvert, ces postes sources sont bien plus faciles à endommager que des centrales thermiques retranchées comme des forteresses derrière des murs épais. Tous l’ont d’ailleurs été au moins une fois par un missile ou un drone kamikaze.

« Les Russes n’ont pas assez d’armes pour éliminer des millions d’Ukrainiens, alors ils attaquent le réseau électrique qui est une infrastructure clé, affirme Volodymyr Kudrytskyi, le jeune président d’Ukrenergo, l’entreprise publique qui gère le réseau de transport d’électricité du pays. Sans courant, vous n’avez pas d’eau, pas de chauffage et pas de civilisation moderne. »

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