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La terreur numérique de l’extrême droite [Le point de vue de CL]

La terreur numérique de l’extrême droite [Le point de vue de CL]

Photo AFP

Par Maurice BONTINCK - m.bontinck@charentelibre.fr, publié le 8 décembre 2022 à 22h14.

Retrouvez notre éditorial du vendredi 9 décembre.

« Il faut lui trancher la gorge. » Dominique tapote sur son clavier du haut de ses 74 ans. « À l’échafaud […] A expédier au pays du Maghreb. « Wilfrid en fait de même derrière ses 65 ans d’expérience. Leur cible ? La directrice d’un laboratoire de Sciences Po...

« Il faut lui trancher la gorge. » Dominique tapote sur son clavier du haut de ses 74 ans. « À l’échafaud […] A expédier au pays du Maghreb. « Wilfrid en fait de même derrière ses 65 ans d’expérience. Leur cible ? La directrice d’un laboratoire de Sciences Po Grenoble, accusée à tort d’avoir livré le nom de deux autres professeurs à des étudiants qui les ont affichés sur les murs de l’établissement.

En 2021, l’affaire dite de Sciences Po Grenoble faisait la une des chaînes d’info, allant jusqu’à balancer le nom de cette prof devenue symbole de « l’islamogauchisme ». Pas très Praud. Vendredi dernier, dix personnes étaient au tribunal pour « menaces de mort ». Dominique et Wilfrid ne sont qu’une partie de la meute en ligne qui a transformé la vie de cette prof en enfer, au point de devoir quitter son poste.

Des collabos de merde qu’il faut tondre.

Toujours le même système, toujours le même harcèlement d’enseignants à jeter en pâture parce qu’ils embrigaderaient leurs élèves. À la manœuvre, l’extrême droite et sa capacité numérique à créer des ennemis de l’intérieur. « Des collabos de merde qu’il faut tondre », comme l’a écrit Dominique, 56 ans, lui aussi au tribunal.

Dix-huit mois plus tard, l’histoire se répète. À Valenciennes. Une prof de prépa propose une sortie auprès d’associations aidant les migrants de Calais, dans le cadre d’un projet baptisé « Exil et frontière ». Elle est tombée dans les filets de « réseau parents vigilants » créé par les amis de Reconquête et Eric Zemmour. Ce réseau dit « protéger les enfants de l’islamisme ».

Deux faces d’une même pièce fanatique

Comme à Grenoble, la prof de Valenciennes subit la même vague de haine numérique. Des messages appelant à la haine, au viol, à sa mort affluent jusque dans sa boîte personnelle. La violence est telle que la sortie est annulée. Comme l’enseignante, le rectorat a également porté plainte et l’Éducation nationale lui a accordé la protection fonctionnelle. Il a fallu un tweet d’une association affiliée à Reconquête puis un communiqué de presse du parti de Zemmour pour en arriver à ce déchaînement.

Grenoble, Valenciennes mais aussi des dénonciations chaque jour laissent des enseignants démunis face à cette violence et cette manière organisée par l’extrême droite de terroriser ceux accusés de ne pas penser comme il faudrait. Dans cette dernière phrase, vous remplacez « extrême-droite» par « islamistes » et vous retrouvez ce qu’a vécu Samuel Paty les derniers jours avant son assassinat. Ce sont les deux faces d’une même pièce fanatique. Il ne manque que la dernière étape : le passage à l’acte.