Le Christ gothique du monument ne profite plus de l'éclat émeraude qui se braquait sur lui deux fois par an. Il s'agit des conséquences d'une restauration à laquelle l'Église ne s'est pas opposée.
L'éphémère lumière ne baigne toujours plus, sur la chaire de la cathédrale de Strasbourg, le Christ crucifié et son dais gothique d'une lueur verdoyante. L'éclat, devenu une sensation locale, rameutait deux fois par an les curieux sous la nef de l'église, aux équinoxes de printemps et d'automne. Mais, comme le 20 mars dernier, rien n'a paru au 23 septembre sur le visage du Rédempteur. Cette disparition est due à la campagne de restauration de la cathédrale.
Propriété de l'État, le monument strasbourgeois construit entre le XIIe et le XVe siècle fait l'objet d'une longue campagne de conservation et d'aménagement menée, secteur après secteur, sous la direction de la Direction régionale des affaires cultures (Drac) du Grand Est. Le transept ou encore la sculpture monumentale du mont des Oliviers sont ainsi confiés depuis plusieurs mois aux restaurateurs du patrimoine. D'après l'AFP, ces mêmes auraient également eu raison du pied de vitrail à l'origine de la lumière verte désormais volatilisée.
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En dépit de son aspect presque surnaturel, le rayon émanait du pied, en pâte de verre coloré, d'une représentation de Judas, un des fils du patriarche biblique Jacob et ancêtre du Christ. Situé le long du triforium sud de la cathédrale, le vitrail actuel a été installé en 1876, à l'époque de la reconstruction du site sévèrement endommagé pendant le siège de Strasbourg, six ans plus tôt. Dans les années 1970, un changement du vitrail - qui devient transparent et non plus translucide - donne naissance au phénomène cyclique, identifié en 1972 par Maurice Rosart.
Rationalité contre paganisme
Aujourd'hui, l'ancien découvreur de la lumière verte réclame le rétablissement de ce défaut devenu une curiosité de la cathédrale. L'ingénieur a confié au printemps au média local strasbourgeois StrasTV se sentir «écœuré devant un geste aussi bête et insensé». Maurice Rosart accuse le diocèse d'avoir accueilli avec satisfaction cette retouche. «Cela embête l'Église parce que c'est une manifestation païenne très belle qui contredit un peu son discours en montrant que le maître du monde n'est pas Dieu mais le soleil», a-t-il suggéré pour RTL.
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Contacté par Le Figaro, le diocèse a souligné ne pas faire grand cas de la fin de ce rendez-vous bisannuel. «C'était très spectaculaire, certes, mais il convient de relativiser, a fait savoir Bernard Xibaut, chancelier de l'archevêché de Strasbourg. Cet éclat n'a existé qu'une cinquantaine d'années alors que la cathédrale porte une histoire vieille de plusieurs siècles. Pour une fois, c'est l'Église qui se fait le chantre de la rationalité !»
Une pétition lancée en mars pour exiger «la modification du vitrail afin que celui-ci soit rétabli en son état antérieur pour que renaisse le fameux “rayon vert“» a été signée, fin septembre, par près de 3600 personnes. Destinataire de la pétition, et maître des horloges dans le dossier de la restauration de la cathédrale, la Drac Grand Est ne s'exprime toujours pas au sujet de la lumière disparue. Impossible de savoir si elle a donné son son feu vert...