Vu de Suisse.
Élisabeth Borne a annoncé le 27 septembre un plan de lutte contre le harcèlement scolaire. Si les mesures envisagées semblent nécessaires, ce journaliste suisse les juge aussi facilement contournables voire tout bonnement impossibles à mettre en place.

Le harcèlement scolaire, les appels à la violence et l’accès des mineurs à la pornographie sont des sujets qu’il faut absolument traiter. Et il faut le faire là où ils ont véritablement lieu aujourd’hui, sur Internet. Mais le risque est de faire croire que l’on pourra éradiquer ces maux avec des mesures et des annonces irréalistes, en allant contre le reste du droit et des usages. Agir, oui. Croire aveuglément à des slogans, non.
Avec son plan pour lutter contre le harcèlement scolaire présenté ce mercredi [27 septembre], le gouvernement français démontre encore une fois à quel point les problèmes d’éducation et de jeunesse sont difficiles à traiter face au continent invisible et impossible à maîtriser que représentent les réseaux sociaux. La confiscation du portable ou le bannissement des plateformes semblent illusoires dans un monde où, quand une porte se ferme, il suffit d’en ouvrir plusieurs autres sous pseudo, l’anonymat en ligne étant garanti par le droit européen. Bref, toutes les mesures techniques envisagées s’annoncent compliquées à mettre en place et contournables pour ceux qui voudront continuer leurs méfaits.
Deux autres débats très vifs en France se perdent dans le même type d’impasse. Tout d’abord les suites à donner aux émeutes urbaines du début de cet été. Emmanuel Macron avait tout de suite pointé du doigt des emballements coupables rendus possibles par les réseaux sociaux. Il était allé jusqu’à provoquer la polémique en menaçant de “couper les réseaux sociaux” en cas de nouvelles émeutes. Une idée qui, outre les problèmes qu’elle pose en matière de liberté d’expression, semble incompatible avec le droit et le fonctionnement de ces multinationales, même de manière temporaire et localisée.
Le risque de revenir à la case départ
Autre sujet dans l’actualité : le Haut Conseil à l’égalité a remis ce mercredi au gouvernement un rapport pointant du doigt la violence de la pornographie en ligne, consultée au moins une fois par mois par la moitié des garçons de 12 ans. Au-delà de la légalité douteuse de nombreuses vidéos à disposition, la rigueur dans le contrôle de l’âge des consommateurs fait débat depuis des mois en France.
Un projet de loi de sécurisation de l’espace numérique est en cours d’examen à l’Assemblée nationale pour faciliter les contrôles d’identité en ligne, bannir les cyberharceleurs et bloquer les sites pornographiques qui ne vérifient pas strictement l’âge de leurs visiteurs. Le gouvernement refuse cependant de s’engager sur certaines de ces mesures “pour des raisons d’inconstitutionnalité au droit européen”.
Le Royaume-Uni et l’Australie, qui s’étaient engagés dans des réflexions similaires, n’ont pas réussi à mettre en place les outils légaux permettant de contrôler efficacement l’âge d’un internaute tout en respectant les données personnelles. Le risque est donc de faire beaucoup de bruit pour pas grand-chose et de se retrouver à la case départ.
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