France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Le mystère du téléphone public qui sonnait chaque samedi à Pékin

Temps de lecture: 2 min — Repéré sur NPR

Ça commence comme une nouvelle de Stephen King. À Pékin, un téléphone public, objet obsolète à notre époque de téléphonie mobile, a commencé à sonner. Encore et encore. Sans interruption ou presque. En ce samedi après-midi de juillet, personne n'y prêtait attention, raconte NPR. Sauf que le samedi suivant, le même téléphone s'est remis à sonner à la même heure, pendant environ deux heures. Et les samedis d'après aussi.

La suite ressemble moins à du Stephen King. Les passants les plus curieux, désireux de voir s'il s'agissait par exemple d'une étrange malédiction ou de l'appel désespéré d'une personne kidnappée, ont fini par décrocher le combiné pour répondre. Au bout du fil, une voix décrivait des situations de détresse et d'isolement de certains habitants du pays. «L'air est traversé par une odeur lourde, faisant penser à celle de l'amande. Chez nous, nous pouvons à peine respirer librement. J'ai mal à la gorge, comme si quelqu'un était en train de m'étrangler», pouvait-on par exemple entendre à l'autre bout du fil fin juillet.

La voix qui prononçait ces mots est celle de Hong Yu, une citoyenne chinoise vivant comme 2,7 millions d'autres individus dans une ville côtière du nord de la Chine, Huludao, surnommée Gourd Island. Là-bas, la population n'en peut plus: elle souffre de la lourde pollution créée par une usine de zinc, mais aussi par plusieurs entreprises fabriquant ou utilisant des pesticides et autres produits chimiques.

Les mobilisations et les pétitions n'ont eu aucun effet: les plaintes des habitants de Gourd Island sont restées sans réponse. Mais l'artiste chinois Nut Brother, connu pour ses performances teintées d'absurde sur fond d'activisme écologique, n'a pas fait la sourde oreille. C'est à lui qu'on doit l'idée de transformer la vieille cabine téléphonique en hotline pour victimes de la pollution.

Aux abonnés absents

Nut Brother a alors organisé un système d'appels émanant de la population de Gourd Island, tous passés vers ce téléphone public situé à Pékin, à plus de 400 kilomètres de là. Les coups de fil avaient lieu chaque samedi, de 15h à 17h. Aucune malédiction donc, sauf celle, bien réelle, subie par les habitants de cette ville côtière, dont il souhaitait être le porte-voix.

Si l'installation militante et artistique a eu des conséquences, elles n'ont pas été à la hauteur des espérances de la population de Huludao. Quelques semaines après le début de l'expérience, Hong Yu a été placée en détention pendant vingt-quatre heures. Peu après, elle a publié une vidéo TikTok dans laquelle, paraissant sous tension, elle affirmait avoir inventé les informations liées à la pollution au zinc. Elle finissait par présenter ses excuses, ajoutant qu'«en fait, la vie est belle à Gourd Island». Malaise.

Les journalistes Aowen Cao et Emily Feng, qui ont raconté cette histoire pour NPR, ajoutent avoir composé le numéro de la fameuse cabine téléphonique au mois de septembre et n'avoir obtenu aucune tonalité. Les autorités chinoises semblent donc avoir masqué l'affaire, non seulement en muselant ses protagonistes, mais aussi en se débarrassant purement et simplement de l'objet par lequel la prise de conscience aurait pu finir par arriver.