France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Le panorama d’une famille autrement composée

Pleine et douce, de Camille Froidevaux-Metterie, Sabine Wespieser Éditeur, 216 pages, 20 euros

Voilà un roman à entrées multiples. Mère, sœurs, cousines, nièces de l’héroïne, y gravitent, dans treize courts chapitres, autour du berceau d’Ève, beau bébé né d’une PMA. Pour ce faire, sa mère, Stéphanie, a dû aller en Espagne. Une famille atypique s’illustre dans ce premier roman de Camille Froidevaux-Metterie, dont on connaît l’essai Un corps à soi (2021). Chaque figure affermit peu à peu l’équilibre fragile autour de l’enfant, qui dit « je », « amarrée au buste maternel ». Elle commente avec humour, in petto, le langage inepte des adultes envers les nourrissons… Autour d’elle, il y a donc sa mère, Stéphanie, et ses deux sœurs, la grand-mère aigrie, méchante, une grand-tante et des petites-nièces d’âges différents… Stéphanie aurait dû s’appeler Stéphane, sa mère voulait un garçon. Il lui a fallu faire voler en éclats bien des résistances pour devenir mère toute seule. Sa solitude sans homme (elle n’est pas lesbienne) constitue pour elle un « immense bonheur ». Elle a voulu être mère. Peu lui importe de l’être biologiquement.

nourriE de sororité

Dans ce bref roman informé sur la société de l’époque, où chacune prend la parole à la première personne du singulier, sont en jeu les règles, la ménopause, l’amour entre femmes, le harcèlement, mais aussi les joies et les luttes. La romancière inscrit tout cela dans des corps crédibles en multipliant les registres d’écriture. Kenza, la nièce, par exemple, milite pour ces « nouvelles » familles, parfois « tellement plus saines et plus heureuses que les autres ». Lucie, sœur de Stéphanie, mère de deux enfants, est tentée par l’adultère, tandis que Nicole, la grand-mère au corps abîmé, jette des regards au vitriol sur ses filles. L’une d’elles, en retour, regrette d’avoir « reçu le fiel maternel » en héritage. Elle demeure vigilante, pour ne pas devenir une « boule de dépit ». Une nièce, qui se nourrit de sororité, apparaît avec ses copines lesbiennes, au milieu de garçons « aux postures déconstruites ». Au mitan de ce panorama de féminités possibles, il en est une autre, atteinte d’un cancer du sein, qui habite avec son amoureuse. On trouve également une communauté de femmes, vivant en autarcie au fin fond du Berry, et Djamila, la future nounou d’Ève. C’est traité avec tact et fluidité. La romancière parvient à endosser par écrit tous les rôles à sa guise. M. S.