France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Le Sénat ouvre la voie à l’inscription de l’IVG dans la Constitution

Un pas de plus pour le droit à l’avortement. Le 1er février au soir, à l’issue de débats passionnés, le Sénat s’est prononcé en faveur de l’inscription dans la Constitution de la « liberté de la femme » de recourir à l’IVG. Si les sénateurs sont parvenus à adopter cette proposition de loi constitutionnelle (PPLC) issue des rangs de la gauche et dont l’écriture a été modifiée, c’est via un compromis transpartisan, loin d’être gagné d’avance. « Il y avait un verrou au Sénat, avec un refus total d’avancer vers la constitutionnalisation de ce droit », explique la sénatrice communiste Laurence Cohen. Un point de vue que partage l’écologiste Mélanie Vogel qui avait déjà porté, en octobre 2022, un texte similaire au Palais du Luxembourg, cosigné par des élus de tous les groupes ­politiques, à l’exception des Républicains (LR). Celui-ci avait été rejeté par 172 voix contre 139.

Un amendement surprise d’un élu Les Républicains

C’est pourtant cette PPLC que la France insoumise (FI) a reprise un mois plus tard, dans le cadre de sa niche parlementaire à l’Assemblée nationale. Les députés étaient alors parvenus à un consensus clair : « La loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse. » Une fois cette première étape franchie, le texte a ensuite été transmis au Sénat. Reconnaître ce droit comme fondamental ? Les sénateurs LR s’y sont opposés en commission. Mais à la surprise ­générale, le sénateur LR Philippe Bas a déposé un amendement avant l’arrivée du texte en séance, substituant à la notion de « droit » celle de « liberté ». L’ancien collaborateur de Simone Veil a proposé de compléter l’article 34 de la Constitution en ces termes : « La loi ­détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse. »

De quoi, selon lui, entériner la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, dans une décision du 27 juin 2001, avait consacré une valeur constitutionnelle à cette ­liberté. Un amendement jugé « superfétatoire » par son collègue Bruno Retailleau qui, comme de nombreux sénateurs LR, s’est opposé tant au texte initial qu’à cette nouvelle écriture.

« On parle de liberté de la femme à mettre fin à sa grossesse, c’est essentialisant »

Et pourtant, à la toute fin des débats, par 166 voix contre 152, le texte amendé est finalement passé in extremis, lors de la niche PS dans laquelle il avait été inscrit. Si les sénateurs de gauche réclamaient l’adoption de la version initiale, ils ont tout de même soutenu cet amendement « Bas ». À l’image de la sénatrice PS Laurence Rossignol, qui craignait sur France Info le matin même, en cas de rejet, que l’on « n’enterre pour un bon moment la constitutionnalisation de l’IVG ». « Juste avant le vote, j’ai eu un moment de grand doute, car je voyais le temps passer, et beaucoup de nos collègues hostiles au texte faisaient traîner les discussions », décrit Laurence Cohen. Au final, 16 sénateurs LR ont voté pour, ainsi que 17 centristes, faisant pencher la balance dans cet hémicycle majoritairement de droite. « Le vote a été serré. C’était très fort en émotion, et une vraie réussite quand on a vu les mouvements de voix. », relate Mélanie Vogel. Mais pour l’élue ­écologiste, malgré cette avancée, le compte n’y est toujours pas : « La formulation retenue ne contient pas de garanties substantielles sur le droit à l’avortement qui permettraient au Conseil constitutionnel de censurer toute hypothétique loi régressive. » « Au lieu de parler de droit à l’IVG, on parle de liberté de la femme à mettre fin à sa grossesse, c’est essentialisant, et en plus, cela exclut les personnes trans », regrette-t-elle.

Pour que la proposition de loi constitutionnelle soit définitivement adoptée, elle doit désormais être votée dans les mêmes termes par les deux chambres. La formulation ayant évolué au Sénat, il revient donc à l’Assemblée nationale de valider prochainement cette nouvelle écriture. Une dernière étape avant que le texte ne soit soumis à référendum. Bien que l’objectif final, selon Mélanie Vogel, soit de forcer la main au gouvernement « pour qu’il prenne ses responsabilités ». « Je ne comprends pas qu’il ne se saisisse pas de cette question », s’interroge-t-elle : l’exécutif peut reprendre le texte sous la forme d’un projet de loi, ce qui permettrait de le voter directement en réunissant les deux chambres en congrès. Un scénario également privilégié par Laurence Cohen, même si, pour la sénatrice, « nous ne pouvons pas dire qu’une majorité de Français est favorable à l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution et en même temps craindre un référendum ». Selon un sondage Ifop réalisé fin novembre 2022, 86 % d’entre eux se sont déclarés favorables à cette mesure. Encore faut-il se mettre d’accord sur la bonne formulation.