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Le SMS fête ses 30 ans ce samedi : comment le il a révolutionné notre manière de communiquer et résisté aux applications

Le “short message service” aura 30 ans le 3 décembre 2022. Et aujourd'hui encore, des centaines de millions de "textos" s'échangent chaque jour. Un cas à part dans l'univers des nouvelles technologies. Entretien avec Jean-Michel Huet, ancien chef de projet chez France Télécom, aujourd'hui associé chez BearingPoint et expert en télécommunications.

3 décembre 1992, 18 h 09 : le premier SMS de l’histoire - "Merry Christmas" - est envoyé via le réseau Vodafone, depuis un ordinateur vers un téléphone. Le “short message service”, communément appelé "texto", s’apprête donc à fêter ses 30 ans. Une éternité à la vitesse à laquelle évolue la technologie.

Maintes fois annoncé moribond ou enterré par les réseaux sociaux et les applications pour smartphones, ce système basique qui a révolutionné notre manière de communiquer est pourtant utilisé par des centaines de millions de personnes chaque jour. Comment le SMS a-t-il fait pour résister ? À quoi sert-il aujourd’hui ? A-t-il encore un avenir ? Éléments de réponse avec Jean-Michel Huet, ancien chef de projet chez France Télécom, aujourd'hui associé chez BearingPoint et expert en télécommunications.

Jean-Michel Huet, associé chez BearingPoint et expert en télécommunications.
Jean-Michel Huet, associé chez BearingPoint et expert en télécommunications. DR

Les SMS, malgré la concurrence d’autres messageries bien plus évoluées, semblent encore être utilisés. Confirmez-vous qu’ils ne sont pas tombés en désuétude ?

2012 est l’année où le plus grand nombre de SMS se sont échangés (8 000 milliards) … en 2022 nous devrions être à un peu plus de 7 000 milliards. Grosso modo, cela veut dire que toutes les heures dans le monde, il s’est échangé un peu moins de 1 milliard de SMS, soit 15 millions par minute.

Il faut distinguer trois types de SMS : celui que nous échangeons avec notre famille, nos amis (de personne à personne), est en baisse (7 000 milliards en 2012, 4 000 milliards en 2022) du fait du succès des messageries comme WhatsApp ; celui que vous recevez de votre banque, d’un site de e-commerce ou d’un service public pour vous annoncer une transaction, un suivi produit ou une pub … ils sont près de 3 000 milliards ; et la dernière catégorie, celle des SMS liés au paiement (SMS+), par exemple quand on vous demande de voter pour une émission de télé.

Est-ce le cas partout dans le monde ou uniquement dans certains pays ?

Il y a de grandes disparités entre les pays. Il y a un boom des SMS par exemple en Afrique, lié au paiement via téléphone mobile. Les Africains qui n’ont pas de compte en banque peuvent payer ou envoyer de l’argent via SMS. Mais c'est aux Etats-Unis où l’on échange le plus de SMS : 1 sur 7 dans le monde. En Europe, les écarts sont impressionnants : 170 SMS par mois par habitant en France (250 aux Etats-Unis) mais seulement 16 en Espagne !

Qui utilise encore les SMS aujourd’hui et à quoi servent-ils principalement ?

En France, tout le monde car vous en recevez quand vous devez aller chercher des papiers en mairie, recevez un colis, etc. Dans les échanges entre Français, on peut distinguer deux catégories : les plus jeunes et les plus seniors qui souvent n’utilisent que le SMS comme messagerie. Les enfants car leurs parents ne veulent pas encore qu’ils aient toutes les messageries possibles pour des raisons de sécurité ; les plus âgés car l’usage est simple. Entre les deux, les adolescents et adultes jonglent souvent avec plusieurs applications de messageries sur leur téléphone ou leur email.

Comment expliquer une telle résistance ? Trente ans, pour une technologie de communication, c’est énorme !

C’est énorme surtout pour quelque chose qui n’était pas prévu pour. À l’origine c’était un système de maintenance pour que les techniciens puissent tester les signaux entre les antennes radios ! Donc cela n’avait pas été conçu pour discuter. C’est un cas, vu son succès universel, quasi unique d’un usage exceptionnel non prévu. La raison du succès est la simplicité : le SMS est nativement dans votre téléphone, pas besoin de télécharger une application, pas besoin de notice. La simplicité est son succès mais sa limite aussi car les messageries récentes (WhatsApp en tête en Europe) ont plus de fonctionnalités.

Peut-on dire que le SMS a révolutionné notre manière de communiquer ?

Oui, au sens où en 1998 une étude avait testé l’intérêt des SMS par les Français et que 85 % d’entre eux avaient répondu qu’il n’y avait aucun car un téléphone, c’est fait pour parler pas pour écrire. Aujourd’hui, 40 % des moins de 24 ans n’ont jamais appelé vocalement avec leur téléphone, ils en ont un usage "écrit". Le SMS a été la première messagerie écrite à succès dans le monde… y compris à une époque il y a vingt ans ou chaque SMS de 160 caractères coûtait 1 franc, soit 15 centimes d’euro.

Aujourd’hui, dans un pays comme le Kenya, 66 % des transactions financières passent par téléphone mobile dont une partie par SMS… Son impact va au-delà de la communication. Sans parler de la publicité par SMS qui prend de l’ampleur. Quand vous recevez une publicité par SMS vous l’ouvrez dans 98 % des cas : aucune autre messagerie n’a un tel niveau.

Les SMS vont-ils d’après vous disparaître ou évoluer en s’enrichissant de nouvelles fonctionnalités ? On entend de plus en plus parler par exemple du RCS, promu notamment par Google.

La fin du SMS est annoncée puis quinze ans. Une prévision plutôt ratée. Depuis 2017, le nombre de SMS échangé dans le monde par les différents modes est stable. Avec la hausse des SMS transactionnels, la baisse va être contenue. Il est même possible, selon certaines projections, qu’en 2028 le record de 2012 soit battu. L’usage de base de messagerie va, lui, sûrement continuer de décroître au profit des nouvelles applications. Le RCS est quant à lui annoncé depuis 10 ans...

On dit que le SMS est l’outil de communication le plus écoresponsable, notamment face aux emails. Comment l’expliquer ?

Il fait même mieux que WhatsApp ou tout autre système de messagerie électronique ! Surtout quand vous n’envoyez que du texte et pas de photo. Pour une raison simple : le SMS a été développé pour la deuxième génération de téléphonie mobile (la 2G ou GSM), celle des années 90, qui à l’époque consommait peu d’électricité. Malheureusement, plus on "monte" en génération de téléphonie, plus l’impact écologique est important. Donc oui, le SMS est le plus propre.

Mais il faut aussi avoir le sens des proportions : nous sommes loin des impacts d’autres secteurs économiques et plus que jamais c’est aussi votre usage personnel qui a des conséquences : après une soirée réussie, avez-vous besoin d’envoyer 40 photos à vos amis quelle que soit la messagerie plutôt que de faire le choix de prendre les 4 plus sympas et de n’envoyer que celles-ci ?

De manière générale, on constate que les jeunes générations utilisent beaucoup plus les systèmes de messagerie instantanée pour discuter que le téléphone. Comment expliquer cette tendance ?

Comme je vous le disais précédemment, 40 % des moins de 24 ans n’ont jamais passé un appel vocal avec leur téléphone. Ce sont des "digital natives", donc des jeunes nés avec le numérique. Pour eux, télécharger des applications avec différents modèles de messageries et surfer sur plusieurs d’entre elles n’est pas un problème. Ces messageries sont très riches : certaines permettent de gérer des groupes aux usages différents, d'autres d'effacer les messages au bout de quelques minutes de lecture... Cependant la plus "sûre" des messageries reste le SMS.