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Les albatros font de la politique

Les îles et les archipels attirent les désirs de souveraineté et font jaillir des étincelles qui, un jour ou une nuit, déclencheront des incendies. À Panama, courant novembre, la 19e session plénière de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites) a été le théâtre d’échanges de tirs verbaux.

Confrontés aux ouragans et aux éruptions volcaniques dans le nord de l’océan Pacifique, les albatros à queue courte ont déclenché une tempête entre la Chine d’une part, le ­Japon et les États-Unis de l’autre. En 1949, l’espèce était réputée éteinte, après un demi-siècle d’exploitation de son duvet pour faire des couettes et des ornementations de chapeaux en Europe et en Amérique. Entre 1880 et 1930, 5 millions de ces oiseaux de grande envergure ont été tués. Inscrits en 1975 à l’annexe I de la Cites (interdiction du commerce international), ils ont petit à petit regagné du terrain. Aujourd’hui, ils sont environ 5 000 et seuls pèseraient sur eux, ce n’est pas rien, le fardeau des pollutions chimiques et radioactives et les prises non intentionnelles de la pêche palangrière. Les États-Unis ont proposé le transfert de l’espèce en annexe II (contrôle du commerce). En citant ­parmi les 15 sites historiques de reproduction des albatros à queue courte l’archipel « japonais » de Senkaku, les USA ont lancé une fusée incendiaire. Senkaku pour le Japon, Diaoyu pour la Chine, l’archipel se compose de 8 îlots et rochers d’une superficie totale de 7 km2. Il fait l’objet depuis 1971 d’une guerre des drapeaux. À ce jour, le droit international en attribue la souveraineté au Japon, mais la Chine met en avant des droits historiques et une continuité géologique pour en revendiquer la tutelle. Considérant les termes de la proposition des États-Unis comme une agression, la délégation chinoise a rappelé à la tribune que l’archipel Diaoyu faisait partie intégrante depuis plusieurs siècles du territoire chinois. « La proposition des USA décrivant l’archipel de Senkaku comme un territoire japonais est une grossière violation de la souveraineté chinoise et de son intégrité territoriale. » La délégation japonaise a immédiatement répliqué en qualifiant l’intervention de la Chine d’« inacceptable » et de « déplacée ».

Comble d’impertinence, la proposition des États-Unis citait aussi parmi les sites historiques de reproduction de l’espèce les îles Agincourt et Pescadores à « Taïwan ». Réplique de la Chine : « Taïwan est une part inaliénable du territoire chinois. Le principe de la « Chine unique » est une des normes fondamentales qui régissent les relations internationales. Tout acte qui crée « deux Chine » ou « une Chine et un Taïwan » est une violation de la loi internationale. » La Chine a relevé qu’en plus des États-Unis, 14 pays africains, l’Union européenne, 6 pays d’Asie et 9 pays d’Amérique latine avaient omis de préciser dans des propositions relatives aux tortues, aux requins, à d’autres animaux et à des arbres que Hongkong et Macao sont des régions administratives spéciales de la Chine et que Taïwan est une province de la Chine.

En fin de session, l’Ukraine a pris la parole pour dénoncer la violence et la cruauté de la Russie envers ses populations, mais aussi la destruction par l’armée russe des milieux naturels et la mort dans les zoos d’animaux protégés. Elle a appelé les États membres à mettre la Russie à l’écart de la Cites et a refusé que le russe en devienne une langue officielle, comme c’est envisagé. La Russie a répondu qu’elle était contre la politisation des conventions environnementales. L’Union européenne, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni ont exprimé leur soutien à l’Ukraine.

Et après deux semaines de débats plutôt favorables à la faune sauvage et à la flore, le flambant neuf Panama Convention Center s’est vidé. En juin 2017, la ministre des Affaires étrangères du Panama a signé à Pékin un accord révolutionnaire, Panama se tournant délibérément vers la République populaire de Chine et rompant ses relations diplomatiques avec Taïwan. Quelques mois après, une compagnie de travaux publics détenue par la Chine construisait au bord du canal et de l’océan Pacifique le plus grand centre de congrès, de conventions et d’événements commerciaux d’Amérique latine, un investissement de 200 millions de dollars, une source nouvelle de rayonnement pour le Panama et un jalon de plus pour la nouvelle route de la soie. ●