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Les avancées de la recherche médicale, espoirs et désillusions des malades

Le temps de la recherche scientifique s’accorde mal avec les attentes légitimes de patients, acculés par une maladie qui montre, chaque jour un peu plus, l’étendue de ses symptômes. La moindre annonce d’une nouvelle voie thérapeutique, encore soumise à des essais cliniques, est interprétée comme une « avancée majeure », voire une « étape cruciale ».

C’est le terme retenu par le professeur d’immunologie Yves Lévy, dans une récente interview accordée au Parisien, pour parler de la découverte d’un candidat vaccin contre le sida présentant « une réponse immunitaire intéressante ».

Après quarante ans de recherches infructueuses, cette lueur d’espoir est accueillie avec toutes les précautions qui s’imposent par la communauté scientifique et les responsables associatifs. La profusion de messages optimistes dans la presse généraliste alimente parfois des attentes, déçues quelques mois plus tard lorsque les dernières étapes du protocole expérimental échouent.

« Il est difficile de tenir rigueur aux médecins de manifester leur enthousiasme lorsqu’ils obtiennent des résultats prometteurs alors que nous sommes les premiers, en tant qu’associations de malades, à chercher des informations porteuses d’espoir », reconnaît Claude Coutier, présidente du collectif Triplettes roses, qui fédère des femmes atteintes du cancer du sein.

Prudence de rigueur jusqu’à la fin du protocole

Reste que « les règles extrêmement strictes qui régissent le déroulement d’un essai clinique s’accommodent mal des effets d’annonce pour attirer l’attention d’investisseurs », estime le professeur en santé publique au CHU de Lille Philippe Amouyel.

Rigueur scientifique oblige, Yves Lévy reconnaît lui-même que, à ce stade, une inconnue majeure subsiste quant à la réaction de l’organisme en cas d’exposition réelle au VIH. Pour trancher cette question, il faudra patienter deux à trois ans, le temps qu’une troisième phase de tests soit conduite auprès de populations dites « à risque ».

La vigilance est de mise pour la professeure à l’Institut Pasteur Michaela Müller-Trutwin, qui énumère les déconvenues en matière de recherche contre le sida. « En 2016, une expérimentation de grande ampleur avait impliqué pendant quatre ans plus de 5 400 volontaires en Afrique du Sud, se souvient-elle. Cette tentative d’induire des anticorps neutralisants à large spectre, particulièrement efficaces contre les souches de VIH, était prometteuse jusqu’à ce qu’elle se révèle finalement décevante. »

La transparence à l’égard des malades, obligation du chercheur

Autre revers pour la recherche, il y a quelques jours : un essai clinique conduit aux États-Unis sur un anticorps monoclonal censé cibler les bêta-amyloïdes, des protéines qui déclencheraient la maladie d’Alzheimer. Après des débuts encourageants, deux accidents vasculaires coup sur coup parmi les 900 personnes testées sont venus nuancer les espoirs autour de cette molécule.

« L’important, c’est de communiquer juste », insiste Claude Coutier. Atteinte d’un cancer du sein, cette quinquagénaire en sait quelque chose : en 2019, au moment de sa récidive, elle a bénéficié d’un accès précoce à un nouveau médicament combinant un anticorps et une chimiothérapie, le Trodelvy. « Si l’arrivée du Trodelvy permet de gagner six mois de vie, six mois pour espérer trouver une thérapie curative, il ne fonctionne que pour 35 % des patientes traitées », précise-t-elle.

À la recherche de l’équilibre entre message d’espoir et précipitation

« Il y a un équilibre à trouver pour les médias entre un discours d’espoir et un discours inutilement euphorisant », abonde Marc Dixneuf, directeur général d’Aides, association de lutte contre le virus du sida. Il met en garde contre « des annonces intempestives de chercheurs isolés, chaque 1er décembre, au moment du Sidaction ».

Défenseur de l’implication des patients et de leurs proches dans la recherche sur les maladies neurodégénératives, Philippe Amouyel considère pour sa part que la restitution des conclusions au grand public « fait partie des obligations du chercheur, redevable en raison des fonds publics qui financent ses investigations ».

Pour ce faire, Claude Coutier suggère de toujours se rattacher à des résultats tangibles. « Une révolution pour le corps médical n’est pas nécessairement une révolution dans la vie des malades », insiste-t-elle.