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« Les Bonnes Étoiles », les blessures de l’abandon

Les Bonnes Étoiles ***

de Hirozaku Kore-eda

Film sud-coréen, 2 h 09

Les bonnes étoiles, ce sont celles qui se penchent au-dessus du berceau de Woo-sung, tout au long du nouveau film du Japonais Hirozaku Kore-eda. Abandonné par une nuit pluvieuse devant une de ces « boîtes à bébé », installées sur le parvis d’une église à Busan en Corée du Sud, le nourrisson ne doit la vie qu’à un hasard heureux. Une policière, en planque pour enquêter sur un trafic d’enfants, le place soigneusement au chaud, avant de prendre en chasse l’homme qui vient le récupérer illégalement.

Criblé de dettes de jeu, en butte à des truands locaux, le malfaiteur n’est que le propriétaire d’un pressing de quartier qui a trouvé cette combine pour s’en sortir financièrement. Aussi lorsque la mère du bébé, prise de remords, resurgit et réclame une rétribution pour le prix de son silence, c’est tout ce petit monde qui part sur la route. Les uns en quête d’une famille adoptive prête à débourser de l’argent contre un enfant, les autres d’un flagrant délit. Mais la perle rare est difficile à trouver car la mère a des exigences et les malfaiteurs paraissent sensibles à ses arguments.

Comme souvent dans les films de Kore-eda, les personnages ne sont pas ce qu’ils semblent être. Et chacun a ses raisons personnelles d’agir que ce road-trip, sensible et émouvant, se chargera de nous dévoiler. Au fil du voyage, auquel s’ajoute un orphelin espiègle embarqué comme passager clandestin, des liens se tissent entre eux qui leur donnent des allures de famille.

Un prix d’interprétation à Cannes

Quatre ans après Un air de famille, le cinéaste sonde une nouvelle fois les mystères de la filiation mais a choisi la Corée du Sud pour situer l’action de son film, lui donnant l’occasion de travailler avec le génial Song Kang-ho, l’acteur de Parasite de Bong Joon-ho, prix d’interprétation lors du dernier Festival de Cannes. Un dépaysement qui, malgré une parenté dans le sujet, donne au film une tonalité légèrement différente du précédent. Moins fantaisiste et enlevé, il tire sa force de sa capacité à installer chacun de ses personnages dans la durée et à explorer la complexité de leurs sentiments.

L’abandon y occupe une place centrale. Dong-soo, le complice du couturier, a lui-même été abandonné à la naissance, So-young éprouve la culpabilité d’une mère face à la nécessité de confier son fils à d’autres, et Hae-jin, petit garçon touchant, se demande si, en définitive, il a bien fait de venir au monde. Dans un scénario à tiroirs où chaque péripétie apporte une couche de plus dans la compréhension des choses, le cinéaste japonais n’a pas son pareil pour mélanger les genres, passant en un clin d’œil de la comédie au drame, et laisser s’installer progressivement l’émotion. Celle-ci culmine lors d’une magnifique scène dans une chambre d’hôtel, où chacun se remercie d’être né, avant de repartir vers sa propre destinée.

Dans ce film dont se dégage une grande douceur malgré la dureté des situations, Kore-eda montre une fois de plus une attention extrême portée aux blessures de l’enfance et sa croyance dans la capacité de l’être humain à nouer d’autres liens que ceux du sang.