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Les dessous de l’affaire Bastien Vivès, accusé de "banaliser l’inceste et la pédocriminalité" dans ses BD

 Bastien Vivès, jeune auteur à succès de bandes dessinées, couvert de prix et d’éloges critiques, aurait dû se voir consacrer une exposition au festival d'Angouême. Une exposition (que personne n’a vue) finalement annulée après les protestations de ses détracteurs qui l’accusent de "banaliser l’inceste et la pédocriminalité". 

Bastien Vivès, 38 ans, est l'un des jeunes auteurs de bandes dessinées parmi les plus en vue en France. Salué par la critique, couvert de récompenses (à Angoulême notamment, avec le prix de la révélation en 2009, et de la meilleure série en 2015), il a signé, avec Le goût du Chlore, Polina, Une sœur (que Charlotte Le Bon vient d’adapter au cinéma sous le titre Falcon Lake), Le Chemisier, sa reprise de Corto Maltese ou son dernier opus, Dernier week-end de janvier, nombre de réussites majeures.

Un auteur consacré et contesté

La majorité de son œuvre est éditée aux éditions Casterman dont il est un des piliers. Il est en parallèle l’auteur d’albums à caractère pornographiques dans des collections spécialisées : Porn’Pop chez Glénat, où paraît en 2018 Petit Paul, et BD-Cul aux éditions Les Requins Marteaux, qui ont publié Les Melons de la colère (2011) et La Décharge mentale (2018).

Ces titres – où l’on peut trouver des scènes de sexe impliquant mineurs et majeurs, mais qui, selon l’auteur, "s’inscrivent dans un genre burlesque humoristique" – sont à l’origine de la polémique qui a éclaté fin 2022.

En 2018, Bastien Vivès avait déjà fait débat à la sortie de Petit Paul, récit sur un enfant suscitant le désir pour son sexe démesuré jusqu’à l’absurde. Les enseignes Gibert et Cultura l’avaient retiré de la vente.

Paroles provocantes, déclarations violentes

L’annonce de l’exposition Dans les yeux de Bastien Vivès, dédiée à son travail, et qui devait être programmée ce week-end au festival d’Angoulême, a mis le feu aux poudres. Aussitôt, deux pétitions en ligne ont été lancées, dont l’une initiée par le cofondateur du mouvement contre la pédocriminalité BeBrave France a recueilli des dizaines de milliers de signatures.

Il y est notamment dénoncé "la banalisation et l’apologie de l’inceste et de la pédocriminalité" que favoriserait Vivès via "ses ouvrages et ses propos dangereux".

Lui sont aussi reprochées des paroles provocantes sur ces sujets, mais aussi des déclarations violentes contre la dessinatrice Emma lancées sur Facebook en 2017. "Je regrette sincèrement certains de mes propos, et plus particulièrement ceux à l’encontre de la dessinatrice Emma […] envers laquelle je tiens à m’excuser. C’était gratuitement violent, irrespectueux et surtout indigne" concédait-il ainsi sur Instagram le 15 décembre.

La veille, le festival d’Angoulême avait déjà déprogrammé l’exposition, invoquant des "menaces physiques proférées vis-à-vis de Bastien Vivès", et les risques que son maintien auraient pu faire courir.

Le monde de la BD en ébullition

Le mundillo de la BD, régulièrment victime de turbulences à l’approche de son rendez-vous phare, s’est embrasé depuis le début de cette affaire. Très peu d’acteurs majeurs du secteur n’osent cependant prendre la parole publiquement. Et ceux qui se sont risqués à venir en soutien à Bastien Vivès et à dénoncer une forme de censure (la dessinatrice Catel, Jean-Marc Rochette) ont écopé en retour d’une vague d’injures et de reproches sur les réseaux sociaux. Rochette a même décidé depuis d’arrêter la BD.

Riss, le directeur de publication de Charlie Hebdo a, lui, écrit dans son hebdomadaire : "Qu’on aime ou pas les BD de Bastien Vivès, on doit lui reconnaître le courage d’exprimer ses sentiments et ses fantasmes". Et de stigmatiser "les Dupont Lajoie de la morale".

Quant aux contempteurs de Vivès, ils sont restés très actifs, se mobilisant notamment via une tribune parue dans les pages collaboratives de Mediapart et titré Les raisons de la colère. L’affaire Vivès, ce sont aussi deux visions de la représentation de la sexualité en BD qui s’affrontent.

Deux plaintes, une enquête

Et si l’affaire dépassait désormais même ceux qui se sont dans un premier temps offusqués de l’hommage rendu à Vivès à Angoulême ? Plus personne, ou presque, ne voulait en parler avant l’ouverture du festival, son éditeur principal, Casterman, ne dit mot, son avocat, Richard Malka (que nous avons sollicité, comme Casterman) ne souhaite pas encore s’exprimer.
Car la suite pourrait être judiciaire.

Deux plaintes ont été déposées par des associations de protection de l’enfance contre l’auteur et les éditeurs des albums incriminés, notamment pour "diffusion d’images pédopornographiques".

Propos "inacceptables"

Et une enquête a été ouverte début janvier, pour un motif identique et visant les mêmes mis en cause. Elle a été confiée à la brigade de protection des mineurs, ainsi que l’a confirmé le parquet de Nanterre.

Présente jeudi à Angoulême, la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, a estimé que la colère contre l’auteur de BD était "légitime", en raison de ses propos "inacceptables", et "insultants". Mais elle a regretté que l’exposition n’ait pas pu se tenir : "J'aurais été curieuse de voir quels autres dessins il allait présenter dans un cadre comme les 50 ans du festival."