France
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Les entreprises, grandes oubliées de l’aménagement numérique de la France

À la faveur de la mondialisation et des évolutions technologiques, l'entreprise du XXIème siècle s'est transformée en un écosystème fait d'interactions entre ses différentes fonctions, qu'elles soient internes ou externes. Cette transformation n'est pas seulement fonctionnelle, mais procède d'une « horizontalisation » des organisations et de la ré-intermédiation de ces dernières avec leurs parties prenantes : accès aux services en cloud, dématérialisation des relations et des procédures, etc. C'est ainsi que la fluidité des échanges informationnels et la performance des réseaux irriguant ces écosystèmes sont devenues non seulement l'une des conditions premières du bon fonctionnement de l'entreprise, mais encore la condition même de son existence.

Dans ce contexte, il est étonnant de voir combien les entreprises françaises ont été les grandes oubliées de l'aménagement numérique de nos territoires en très haut débit, alors que les chiffres montrent que la France a non seulement rattrapé son retard, mais encore caracole désormais en tête des pays européens pour le nombre de locaux raccordés. En effet, au troisième trimestre 2022, le pourcentage de locaux éligibles s'élevait à 77%, soit plus de 33,1 millions sur les 42,9 millions de locaux que compte notre pays. Bien qu'il faille se réjouir de ce progrès, qui est en particulier le résultat de l'immense effort de la filière française des télécoms, il n'aura pas échappé à l'observateur averti que le mot « locaux » s'est récemment substitué au mot « foyers », et dans le même temps à celui « d'entreprises ». Il est ainsi devenu difficile de discerner les raccordements professionnels (FTTO) de ceux des particuliers (FTTH).

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45% des entreprises ne sont pas raccordées à la fibre

Pour en avoir une idée, il a fallu avoir recours à une enquête Ifop (1) qui estime que 55% des entreprises sont désormais raccordées à la fibre optique, ce qui représente un progrès considérable, car elles n'étaient que 32% il y a deux ans. Mais cela signifie que 45% des entreprises ne le sont pas encore et ce, dans un contexte d'extinction programmée du réseau cuivre (ADSL). Ce que par ailleurs personne ne dit, et qu'aucune étude ne vient renseigner, c'est de quelle nature est la connectivité fibre de ces 55% d'entreprises ? En effet, les critères qui ont présidé au déploiement de la fibre au sein des foyers français ont été le débit et le prix. Quand il s'agit d'une entreprise, le débit est certes important, mais le prix à payer n'est rien à côté des garanties de qualité indispensables au bon fonctionnement de la connexion et de temps de rétablissement en cas de coupure accidentelle. Car encore plus aujourd'hui qu'hier, tout usage professionnel, quel qu'il soit, doit bénéficier d'une connectivité parfaitement sécurisée, incorruptible et résiliente face aux événements les plus divers et les plus inattendus.

Ce qui est loin d'être aujourd'hui le cas, de très nombreuses entreprises ayant été raccordées à la « boucle locale destinée au marché résidentiel pour mutualiser les coûts et permettre des niveaux de prix abordables pour les entreprises » (2). Ces dernières se retrouvant de facto exposées aux mêmes risques de service dégradé, de pannes ou de coupures courus par les particuliers, mais avec des conséquences sans commune mesure.

L'ADSL préféré à une fibre bon marché

Dans l'état actuel du marché, et en dehors d'offres professionnelles émergentes de quelques rares opérateurs spécialisés, il est de toute évidence plus raisonnable pour une entreprise de préférer conserver une bonne connexion cuivre à une migration vers une fibre bon marché. Une situation qui ne pourra cependant pas durer éternellement compte-tenu des piètres performances du cuivre face à celles de la fibre et, bien entendu, de la perspective de son extinction en 2030. Même si elle n'est, bien entendu, pas suffisante, une connexion fibre « zéro défaut » est la condition nécessaire à la réussite de la numérisation des entreprises. Ce n'est qu'alors qu'elles pourront quitter sans regret, et surtout sans risque, l'âge du cuivre.

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1. https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2022/09/118878-Resultats-1.pdf

2. Rapport d'activité 2019 de l'Arcep, page 55.