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« Les sanctions contre l’Iran limitent les moyens d’échapper à la censure d’Internet »

La Croix : Comment un État peut-il couper l’accès Internet sur son territoire ?

Francesca Musiani : L’État lui-même ne peut pas faire grand-chose seul, ce sont les opérateurs télécoms et les fournisseurs d’accès (FAI) qui, pressés par le gouvernement autoritaire, coupent les accès. Il est possible de « débrancher » tout le pays, comme cela s’est vu en 2019, ou simplement des zones géographiques précises. Au début des manifestations, des régions comme le Kurdistan iranien, d’où était originaire Mahsa Amini, ont ainsi été coupées ponctuellement.

La solution la plus simple consiste à couper les antennes mobiles. Cela revient dans le fond à recréer temporairement une zone blanche. Il est aussi possible de ne couper qu’une partie des sites Web et d’en garder d’autres, par exemple ceux gouvernementaux.

C’est le principe même du contrôle parental. On agit au niveau des paquets de données qui entrent et sortent des serveurs, par exemple sur les serveurs DNS (qui assurent la liaison entre l’adresse IP, qui est l’adresse « réelle » d’un site, et l’adresse en toutes lettres tapée par l’internaute, NDLR) ou même ceux des entreprises, pour interrompre certains services et certains sites spécifiques.

En quoi la situation iranienne est-elle différente de ce qu’a connu l’Ukraine, par exemple ?

F. M. : La situation en Iran est très peu claire, concernant l’ampleur de la censure à l’échelle du pays et les applications touchées. Surtout, elle est particulière, car Internet y était déjà fortement limité. Plusieurs sites et entreprises n’étaient déjà pas présents dans le pays, ce qui explique le report des internautes sur une poignée d’applications disponibles comme WhatsApp.

Couper ces applications a un impact direct sur l’organisation des manifestations et la diffusion des informations. Depuis le printemps arabe, nous avons bien vu l’importance de l’Internet mobile et des réseaux sociaux dans les mouvements de protestation, l’Iran ne fait pas exception.

Les alternatives, comme les réseaux VPN et Internet par satellite, peuvent-elles rétablir la connectivité ?

F. M. : Oui, dans une certaine limite. Un réseau VPN fait croire à un éventuel censeur que l’utilisateur est ailleurs sur la planète que là où il est vraiment, en affichant une autre adresse Internet. Mais l’usage d’un VPN n’est pas forcément facile pour tout le monde et, surtout, certains sont payants. Or, avec les sanctions financières en place contre l’Iran, il peut être impossible d’y souscrire.

C’est le même problème avec l’Internet par satellite. Même si le pays, qui était jusque-là exclu du dispositif, devient couvert par les satellites Starlink, la population n’a pas les terminaux et les antennes pour s’en servir. Il est impossible de s’abonner à Starlink en Iran, et il est impossible d’y envoyer un terminal par la poste. Il faudrait un énorme réseau de contrebande pour que cette solution marche.