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Liberté de la presse : une victoire et de nouvelles brèches

Douze jours après avoir ordonné, sans aucun contradictoire (c’est-à-dire sans même laisser une chance au site d’investigation de présenter ses arguments), la censure préalable d’un article de Mediapart, la vice-présidente du tribunal judiciaire de Paris, Violette Baty, est revenue, mercredi dernier, sur sa propre décision. Selon son argumentaire, tout ce micmac serait la faute d’une « rétention d’éléments d’information » de la part de Me Ingrain, l’avocat du maire de Saint-Étienne, qui l’a saisie : il aurait « oublié » de lui signaler les précédents articles publiés par Mediapart ainsi que le fait que son client n’avait jamais poursuivi le journal. On aurait aimé un peu plus de vigilance de la part d’une magistrate avec un tel pouvoir (même pour le commun des mortels que nous sommes, il paraît assez évident qu’un avocat ne va présenter que les faits favorables à son client). Et une décision avec plus d’ampleur, qui fasse date, affirmant que la liberté de la presse est un droit tellement fondamental qu’il ne peut jamais être remis en cause sans entendre toutes les parties concernées. Il faudra se contenter de cette victoire factuelle. Et se réjouir qu’avec cette tentative de censure l’article en question – racontant comment Gaël Perdriau, le maire de Saint-Étienne, a accusé sans aucun fondement Laurent Wauquiez de pédocriminalité – a eu encore plus d’écho auprès du grand public.

Pendant que Mediapart pouvait enfin publier son enquête, un autre média en ligne, reflets.info, tentait, lui aussi, d’obtenir le droit de faire son travail d’investigation face au même avocat, Me Ingrain, qui, cette fois, représente le milliardaire Patrick Drahi – propriétaire notamment des médias RMC, BFMTV –, à propos duquel le site en question a publié plusieurs articles concernant son train de vie, ses multiples trajets en jet privé et sa passion pour les œuvres d’art défiscalisées. Décidément très demandé et très imaginatif quand il s’agit d’entraver la liberté d’informer, Me Ingrain s’est tourné vers le… tribunal de commerce de Nanterre. Quel rapport avec la presse ? nous direz-vous. « Le but est de contourner les juridictions habituellement chargées du droit de la presse, explique Me Christophe Bigot, président de l’Association des avocats praticiens du droit de la presse (AAPDP). C’est un droit très particulier, qui requiert une grande technicité. La question est toujours : « Ce qui est reproché à ce journal est-il suffisamment grave pour porter atteinte à ce droit fondamental qu’est la liberté de la presse ? » Et les juges non spécialisés n’ont pas l’habitude de ces nuances. » En l’occurrence, Me Ingrain s’est fondé sur une loi ne concernant pas du tout la presse, celle dite « sur le secret des affaires », censée protéger les entreprises contre l’espionnage industriel. Et a obtenu là aussi en première instance, le 6 octobre dernier, la censure préalable d’articles futurs sur M. Drahi. L’audience en appel a eu lieu en cette fin novembre, mais le délibéré ne sera rendu que le 19 janvier. En attendant, reflets.info doit rester muet sur le sujet.

Dans le même temps, un journaliste de Reporterre est, lui, poursuivi en justice au même titre que les « faucheurs volontaires » qu’il suivait pour un reportage lors d’une de leurs actions coup de poing chez le semencier RAGT à la recherche d’OGM. Accusé d’avoir détérioré des sacs de semences, alors qu’il assure avoir seulement couvert l’événement. La presse française et les défenseurs de la démocratie ne sont pas près de dormir sur leurs deux oreilles. •