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« Lohengrin », le chien de guerre de Kirill Serebrennikov

La première mise en scène du cinéaste russe à l’Opéra de Paris a rencontré un accueil mitigé, malgré une réalisation scénique prenante et un magnifique plateau vocal.

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Très attendue, la production du Lohengrin, de Wagner, qui signait les débuts du metteur en scène et cinéaste Kirill Serebrennikov à l’Opéra de Paris, a provoqué standing ovation et huées : preuve que l’opéra reste un art vivant. Le Russe, qui vit désormais à Berlin, a niché le récit de la légende wagnérienne au creux du cerveau troublé d’Elsa, victime de guerre habitée de visions post-traumatiques. Certaines sont d’une beauté et d’une force incroyables – ainsi le film d’ouverture en noir et blanc, qui voit les adieux d’Elsa à son frère Gottfried (bientôt disparu au front), leur descente à travers une forêt vers un lac, où l’adolescent se baignera, nu, dévoilant de saisissants tatouages d’ailes sur le dos. D’autres sont plus convenues, comme ces images de soldats filmés durant un assaut, dont les bouches ouvertes semblent vouloir emboucher leurs fusils, assimilant les armes à d’apocalyptiques instruments de musique.

La guerre est le nerf du travail de Serebrennikov. Elle broie les corps. Elle tue les âmes. Le chevalier au cygne n’est autre qu’une création d’Elsa, enfermée en elle-même dans la culpabilité d’avoir survécu. Magnifique premier acte où, en peignoir blanc, elle danse éperdument sa folie par le truchement de deux jeunes femmes aux longs cheveux, parcourant avec une sorte d’exultation ivre un espace mental de pièces en enfilade, où apparaissent tour à tour ce et ceux qui la persécutent. Les murs eux-mêmes se mettront à tourner lorsque apparaît le chevalier venu prendre sa défense.

Dévastation du monde

Mais ce Lohengrin vêtu d’un treillis clair n’est pas celui qu’on croit. C’est un chef de guerre inquiétant qui perpètre le seul meurtre de l’opéra, celui de Telramund, vétéran mutilé, qui tente de s’opposer au conflit général. Aussi, en lieu et place de la cérémonie nuptiale censée unir Elsa à son héros, Serebrennikov a-t-il déployé une enfilade de soldats s’unissant à la hâte avant de mourir ou de repartir au front. Le décor, d’abord strictement scindé en espaces distincts, fera peu à peu disparaître les cloisons pour s’ouvrir sur une dévastation du monde, où se côtoient vivants, blessés et cadavres. C’est dans ce foudroiement de la vie que Lohengrin fera ses adieux à Elsa, après lui avoir remis sa plaque d’identité militaire, pour rejoindre les chevaliers du Graal, l’unité d’élite de Montsalvat à laquelle il appartient.

Ponctué de vidéos, de mots et de graffitis tracés en direct, le spectacle de Serebrennikov est servi par une direction d’acteur au cordeau, les trois heures vingt en noir et blanc (une heure de plus avec les deux entractes) passent d’autant plus vite que le plateau vocal est d’une qualité sans faille. Annoncé souffrant, le roi Heinrich de Kwangchul Youn est remplacé au pied levé par Tareq Nazmi, aux graves généreux et à la noblesse de phrasé qui symbolisent la figure emblématique d’un pouvoir dont le volcanique héraut du roi, le baryton-basse Shenyang, constitue le double exclamatoire.

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