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Maholo Terajima, le « petit prince » franco-japonais du kabuki

Maholo sort à peine de scène. Quelques petites traces de maquillage blanc sur le cou et rouge sur les paupières sont encore visibles. Depuis un mois, au Théâtre national de Tokyo près du palais impérial au cœur de la capitale, cet enfant franco-japonais âgé de 10 ans joue dans une pièce classique du répertoire kabuki, Tôyama Zakura Tenpô Nikki, présentée pour la première fois en 1893. « Avant on me maquillait, explique-t-il en jouant au bilboquet, mais depuis un mois, je me maquille seul ». Pas peu fier, Maholo grandit.

Une première au Japon

Le 7 février, à l’ambassade de France, a été annoncé son « nom de scène », rituel initiatique propre au kabuki, qu’il prendra officiellement en mai prochain à la dynastie d’acteurs Onoe, qui remonte au XVIIIe siècle. Une première dans la longue histoire du kabuki. Il entrera dès la saison prochaine dans le prestigieux almanach de tous les acteurs de kabuki enregistrés depuis le XVIIe siècle. Sous le nom de Onoe Maholo I. Une première au Japon pour un métis !

En dépit de son très jeune âge, Maholo n’est pas un débutant. « J’ai commencé à jouer dans une pièce de kabuki à 4 ans », raconte-t-il, « je jouais un livreur de saké ! » Effet comique assuré dans cette pièce mi-farce mi-comédie. Et son père français, Laurent Ghnassia, de montrer sur son ordinateur une scène devenue historique où on voit le petit bout de chou haut comme trois pommes porter un tonneau en bois de saké presque plus grand que lui, déclamant à haute voix et en langue japonaise ancienne : « Il est délicieux mon saké (…), j’aime le saké ! » Le public hilare ne résiste pas et applaudit à tout rompre. « Moi j’étais terrifiée à l’idée qu’il fasse demi-tour », réagit sa maman, Shinobu Terajima, célèbre actrice japonaise, récompensée de l’Ours d’or à Berlin en 2010. « À 4 ans…, tout peut arriver ! »

Son grand-père Onoe Kikugoro VII, « trésor national » du Japon, veille sur Maholo

Mais pas avec Maholo, digne héritier de la lignée dynastique Onoe née au XVIIIe siècle. L’enfant a le kabuki dans le sang et son grand-père Onoe Kikugoro VII (1) veille sur lui. Maholo peut ainsi énumérer les sept pièces dans lesquelles il a déjà joué (deux ou trois par an), soit un total de 184 représentations depuis ses débuts. Un vrai tour de force lorsqu’on imagine, de surcroît, que le kabuki ne se transmet que de père en fils. Mais Maholo n’a pas de père kabuki yakusha (« acteur de kabuki »), contrairement à tous les autres enfants de la troupe. Et que les femmes sont interdites de kabuki depuis un édit du shogun au XVIIe siècle. Les hommes jouent tous les rôles féminins. Aussi talentueuse soit-elle, sa maman n’a pas le droit de l’accompagner dans les loges et ne peut pas le former…

Maholo travaille donc beaucoup et organise sa vie d’écolier autour du kabuki. « Je vais à l’école le matin et je suis des cours de danse et de chant. » Beaucoup de cours : douze leçons de danse chaque mois avec trois professeurs différents et des cours de chant quatre fois par mois. Une discipline exigeante pour un enfant aussi jeune mais Maholo le vit très bien. « Je fais aussi du base-ball, de la natation et du ping-pong », ajoute-t-il comme pour insister sur sa vie d’enfant, presque, normale.

« Je suis heureux sur scène »

« Le kabuki c’est ce que j’aime », sourit-il, « les scènes de combat mais surtout les rôles où on se déguise en femme qui se transforme en monstre. » Et les rôles de femmes, qu’il a déjà joués, ne le déstabilisent pas plus que ça. « On joue les rôles masculin et féminin dans ma famille depuis longtemps, ils l’ont fait et je le ferai également. Je suis heureux sur scène ». Ses yeux pétillent.

Encore insouciant, Maholo ne réalise peut-être pas encore que son métissage franco-japonais lui offre un destin unique et un rôle majeur dans l’internationalisation du kabuki. Soutenu et encouragé par son grand-père visionnaire, Onoe Kikugoro VII, maître kabuki élevé au rang de « trésor national du Japon ». Ainsi le « petit prince » du kabuki japonais a déjà débuté son odyssée au Japon, avant de voyager plus tard de planètes en planètes pour faire découvrir l’art ancestral japonais du kabuki.