France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Manifestation anti-bassines dans les Deux-Sèvres : « On a traité des plaies de guerre », raconte un « street medic »

« J’ai été extrêmement surpris du niveau de violence et de la quantité de blessés, témoigne Justin (dont le prénom a été changé à sa demande). Je m’attendais à une manifestation tendue mais pas à ce niveau-là. » Justin a 25 ans et est secouriste dans une association agréée. Il a participé en tant que « street-medic » à la mobilisation contre les mégabassines, ces retenues d’eau qui doivent permettre d’irriguer certaines exploitations agricoles en été, à Sainte-Soline, ce samedi 25 mars. Environ 200 blessés (lire encadré) ont été dénombrés par les trois organisations (Les Soulèvements de la terre, Bassines non merci et la Confédération Paysanne) parmi les manifestants. Selon les autorités, il y aurait 37 blessés parmi les forces de l’ordre.

Vêtu d’un tee-shirt « street-medic » et chargé d’un sac de 20 kg de matériel de premiers secours, le jeune secouriste a été très vite sollicité pour ses compétences, dès son arrivée près de la bassine (encore vide), encerclée par les forces de l’ordre.

Les six kilomètres de marche depuis le camp de base de la mobilisation, situé en dehors du périmètre interdit par la préfecture, jusqu’aux alentours de la bassine se déroulent sans encombre. A l’approche du chantier les choses se corsent très rapidement. « Depuis trente secondes que j’étais à proximité de ce qu’on peut appeler un champ de bataille ou un front, je me suis retrouvé à intervenir sur une grosse plaie au pied, avec une suspicion de fracture, raconte-t-il. Il n’y avait plus aucune chair, la victime avait un trou dans le pied. »

Un afflux de blessés, avec des blessures graves

« J’étais à Paris pour les ''gilets jaunes'' et lors de ces mobilisations on avait moins de victimes. Et, elles arrivaient sur trois à quatre heures, avec toutes les demi-heures une victime un peu grave, se souvient-il. Là, c’était une grande intensité sur un temps court, on a pris en charge une quarantaine de victimes graves, en moins d’une heure ». Avec un blessé toutes les minutes environ, les secouristes n’ont pas le temps de souffler. Dans d’autres circonstances, un plan Novi (un plan d’urgence pour secourir un nombre important de victimes dans un même lieu) aurait été déclenché, estime-t-il.

Il soigne de grosses plaies au niveau des pieds, des jambes, principalement provoquées par des grenades de désencerclement, des plaies à la tête imputables au LBD. Il prend aussi en charge des plaies faciales très impressionnantes, conséquences de l’utilisation des grenades explosives (GM2L). « C’est celles-là qui ont défiguré des gens, précise le secouriste. J’en ai traité un qui n’avait plus de nez… Ce sont des plaies graves qui vont laisser des séquelles sur les militants. » Habitués à prodiguer des gestes de premiers secours, il n’en reste pas moins frappé par certaines blessures. « On a vraiment traité des plaies de guerre, dont beaucoup ont nécessité des pansements "israéliens", c’est-à-dire qui sont utilisés par l’armée israélienne pour des plaies par balle pour permettre une compression sur le terrain, le temps de voir un médecin. »

Des difficultés d’évacuation

Une sorte d’infirmerie avancée a été installée sur un chemin de terre, à 300 ou 400 mètres des affrontements, pour ne pas laisser les gens blessés près des explosions. « On a assuré la stabilisation des victimes avec le peu de matériel qu’on avait mais on n’avait pas assez de moyens engagés pour les évacuer, raconte Justin. Ceux qui devaient être allongés ont été transportés dans une ambulance désaffectée qui pouvait passer a priori, jusqu’au camp de base (à 6 km des affrontements). »

Ceux qui pouvaient être assis, on était installés dans des voitures mais certaines auraient été bloquées. « Il a fallu qu’on envoie des députés dans les voitures pour faire le lien entre l’infirmerie avancée et le camp de base dans lequel des médecins et des infirmiers pouvaient faire un bilan plus poussé », précise-t-il. Les victimes et témoins ont gardé leur calme, ce qui a facilité le travail des secouristes. « On est arrivé à un niveau de violence qui ne doit pas se reproduire », alerte Justin, mobilisé ce mardi avec son matériel de premiers secours sur la manifestation bordelaise contre la réforme des retraites.