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#metoo : « dans la culture, les résistances au changement peuvent être violentes mais aussi sournoises »

Lors d’une manifestation appelée par des mouvements féministes devant l’hôtel de ville de Paris, le 10 juillet 2020.

Live en cours

Le 5 octobre 2017 éclatait l’affaire Weinstein. Cinq ans après, « Le Monde » fait le bilan de cette révolution sexuelle, culturelle, sociale et judiciaire, en France et dans le monde. Reine Prat, haut fonctionnaire et autrice de « Exploser le plafond. Précis de féminisme à l’usage du monde de la culture », répond à vos questions.

Ce que vous décrivez correspond parfaitement à la réalité. Les écoles d’art, quelles que soient les disciplines, sont un lieu de souffrances pour beaucoup d’étudiant·es et d’enseignant·es. Il y a quelques années, les personnels des écoles d’art avaient organisé un sitting pendant plusieurs jours et nuits dans les bureaux de la ministre de la culture pour obtenir un meilleur traitement de leur situation. A quand une action collective forte pour obtenir que les comportements que vous pointez cessent ?

Reine Prat

Le monde de la culture a un rôle très important pour les changements sociétaux puisqu’il produit des « représentations » qui impactent des publics plus ou moins nombreux. Ainsi quand une actrice noire n’obtient jamais d’autre rôle que ceux de « femme de ménage » de « mamma » ou au mieux d’aide-soignante, le spectacle dit que les femmes noires ne peuvent pas être avocates ou chirurgiennes… Les représentations proposées ne rendent pas compte de la réalité, elles montrent un monde régressif. Changer cela − donc donner les moyens de créer des œuvres réellement nouvelles à des personnes qui portent dans leur vie et leur imaginaire cette « nouveauté » − serait une contribution essentielle aux changements sociétaux. Malheureusement, ce qui se passe est tout différent, et les hommes utilisent maintenant le féminisme comme fonds de commerce. Ils ne sont pourtant pas les mieux placés pour parler et montrer les violences faites aux femmes, par exemple.

Reine Prat

Dans le monde de la culture, comme dans tous les espaces où s’exerce le pouvoir, les résistances sont à la mesure des changements. Les résistances peuvent être violentes mais aussi sournoises. Il n’y a aucune raison pour que les personnes qui jouissent de privilèges s’en laissent déposséder allègrement !

Reine Prat

La danse classique est une survivance d’un art du XIXᵉ siècle qui enferme les femmes et les hommes dans des rôles et des rapports que le mouvement #metoo s’attache justement à transformer. Quand vous voyez des petites filles déguisées en petits rats, toutes sur le même modèle, excluant les peaux qui ne conviennent pas, auxquelles les costumes, accessoires, maquillages ne conviennent pas, on peut avoir le cœur brisé de ce que ça dit de leurs imaginaires.

Reine Prat

L’impact de #metoo sur le cinéma français

Le 28 février 2020, l’actrice Adèle Haenel quittait la cérémonie des Césars à l’annonce du sacre de Roman Polanski, nommé meilleur réalisateur pour son film J’accuse. « La honte », prononçait-elle à l’intention du cinéaste franco-polonais, accusé de viols par une dizaine de femmes. Ses mots ont retenti comme une détonation, tandis que le Centre national du cinéma et de l’image animée n’avait d’autre choix que d’œuvrer en faveur de la parité et contre les violences sexuelles et sexistes. Depuis, nombre de cinéastes, souvent des femmes, ont entrepris de réécrire les rôles féminins, faisant émerger une nouvelle génération d’intrépides.

Membre du mouvement #MeTooThéâtre, Marie Coquille-Chambel (G) et Adèle Haenel (2R) participent à une manifestation contre le harcèlement sexuel dans le milieu du théâtre, lors de la cérémonie de remise du 33e prix Molières, devant la salle des Folies Bergère à Paris le 30 mai 2022.

Bien sûr, les résistances, dans tous les secteurs de la culture, sont importantes. Elles trouvent de nouvelles armes chaque fois qu’on constate des avancées. Les attaques contre ce qu’on appelle en France la « culture woke » ou la « cancel culture » − qu’on se garde bien de traduire − sont un bel exemple de retournement : alors que les œuvres produites par des femmes, et leurs autrices elles-mêmes, sont systématiquement effacées de l’histoire de l’art, on voudrait nous faire croire que les œuvres produites par des hommes sont menacées de disparition. De qui se moque-t-on ? Laure Murat a très bien expliqué cela dans son livre Qui annule quoi ?. 

Reine Prat

La musique est sans doute le secteur où le patriarcat est le plus caricatural, en tout cas le plus visible : pour exemple, la figure DU CHEF d’orchestre, génie romantique daté XIXᵉ siècle mais toujours vaillant ! Le jazz est fortement excluant pour les instrumentistes, les musiciennes comme chanteuses rarement à la batterie, trompette, etc. Dans le secteur des musiques dites actuelles, La Nef à Angoulême a réalisé une étude sur « l’évaporation des musiciennes » entre l’école de musique, les pratiques amatrices et la professionnalisation. A chaque étape, des femmes sont éliminées en grande quantité.

Reine Prat

Bonjour Milo,
La culture est surtout un secteur « présumé innocent », un secteur qui prétend proposer de nouveaux imaginaires et qui, de fait, reproduit des normes sociales, de genre, etc., dans les « représentations » offertes aux publics. C’est aussi un espace où les agressions sexuelles sont facilitées par l’entre-soi : on travaille « en famille », le théâtre est une « maison », on s’y réunit dans le « foyer » et l’intime est fortement mobilisé dans le travail.

Reine Prat

Le tchat avec Reine Prat, autrice de deux rapports ministériels « pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans les arts du spectacle », commence.

C’est le moment de poser votre question sur #metoo et la culture, n’hésitez pas !

Comment le mouvement #metoo a nourri la création cinématographique aux Etats-Unis

Depuis 2017, les scénarios hollywoodiens promeuvent les rôles de super-héroïnes, les figures féministes, tout comme les héros non blancs.

Viola Davis dans « The Woman King », de Gina Prince-Bythewood. SONY PICTURES

« #metoo a eu moins de résonance dans nos quartiers. C’est à nous d’aller où sont les femmes »

« Le hashtag #metoo promouvant une libération de la parole via les réseaux sociaux a eu une caisse de résonance moins importante ici qu’à Paris. Parce que les femmes de nos quartiers ne sont pas beaucoup sur Twitter. C’est donc à nous d’aller où elles sont. On va notamment lancer une permanence avec une gynécologue sur le marché de Saint-Denis. On s’organise déjà aussi pour qu’à la manifestation parisienne du 25 novembre, à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, il y ait un cortège de femmes des quartiers populaires. Parce que sinon on ne les voit jamais à ces rassemblements. »

Oriane Filhol, le 3 octobre 2022.

Oriane Filhol, adjointe à la mairie de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) chargée des solidarités et des droits des femmes

Propos recueillis par Robin Richardot

#metoo et la culture. Posez vos questions à Reine Prat, haut fonctionnaire et autrice de « Exploser le plafond. Précis de féminisme à l’usage du monde de la culture »

Les rapports rédigés par Reine Prat, en 2006 et 2009, rendaient visibles l’inégalité entre les femmes et hommes dans les lieux de la culture. En octobre 2017, l’affaire Weinstein éclate et des actrices d’Hollywood révèlent les pressions sexuelles exercées sur elles, ce qui a un effet libérateur pour de nombreuses victimes dans le monde entier.

Pourquoi le mouvement #metoo a-t-il commencé dans le milieu de la culture ? La représentation des femmes dans les œuvres et leur place dans le processus de création ou dans les directions ont-elles changé depuis ?

Reine Prat répondra à partir de 10 h 30 à vos questions sur l’égalité et les discriminations dans les arts et la culture.

Des militantes participent à la marche #metoo, à Hollywood, en Californie, le 10 novembre 2018.

Que veut dire #metoo ?

A l’origine de cette expression, on trouve l’Afro-Américaine Tarana Burke, qui est aujourd’hui une féministe reconnue aux Etats-Unis. Dès 2006, cette travailleuse sociale fondait l’association Me Too (« moi aussi ») pour lutter contre les violences sexuelles commises sur les petites filles noires. Mais le mouvement #metoo ne débutera vraiment qu’à l’automne 2017.

Le 5 octobre 2017, le New York Times publie une enquête révélant les agressions et le harcèlement sexuels que le célèbre producteur de cinéma Harvey Weinstein faisait subir depuis des années à de nombreuses femmes, notamment à l’actrice Ashley Judd (il sera condamné en 2020 à vingt-trois ans de réclusion pour agression sexuelle et viol).

Le 10 octobre, The New Yorker publie à son tour un long article où plusieurs femmes, dont l’actrice italienne Asia Argento, disaient avoir été violées par le producteur.

Le 15 octobre, l’actrice américaine Alyssa Milano tweete « Me Too » et évoque les violences sexistes et sexuelles auxquelles elle a dû faire face durant sa carrière. En quelques heures, l’expression est devenue un hashtag viral, et des milliers de femmes utilisent #metoo pour témoigner des violences sexuelles qu’elles avaient subies ou pouvaient subir.

📣 Comment va se passer cette journée spéciale ?

Ce live s’inscrit dans une opération spéciale du « Monde » à l’occasion des 5 ans de la révolution #metoo. Au gré d’une cinquantaine d’articles, reportages et tribunes, publiés du 5 au 15 octobre, Le Monde retrace les grandes étapes de cette révolution qui, si elle charrie quelques excès, est porteuse de nombreux progrès et d’immenses espoirs pour l’avenir.

Nous discuterons ensemble toute la journée du mouvement #metoo et de son impact sur vos vies comme dans le monde entier. Vous pourrez témoigner en commentaire et poser vos questions à nos intervenants lors de deux tchats :

  • A 10 h 30, Reine Prat, haut fonctionnaire, autrice de deux rapports ministériels « pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans les arts du spectacle » (en 2006 et 2009), et d’Exploser le plafond. Précis de féminisme à l’usage du monde de la culture (Rue de l’échiquier, octobre 2021), interviendra sur l’impact du mouvement #metoo dans le monde de la culture.
  • A 14 h 30 : Gilles van Kote, directeur délégué aux relations avec les lecteurs du Monde, et Lorraine de Foucher, journaliste au service Société (« Féminicides : mécanique d’un crime annoncé », « Violences sexuelles dans le porno : « French Bukkake », une filière de traite des femmes »), répondront à vos interrogations sur le traitement des violences sexistes et sexuelles et de #metoo par Le Monde.

Bienvenue dans cette journée spéciale consacrée aux 5 ans de la révolution #metoo

En octobre 2017, l’affaire Weinstein éclate et le hashtag #metoo déferle sur les réseaux sociaux d’Hollywood puis du monde entier pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles. Cinq ans après, Le Monde fait le bilan de cette révolution sexuelle, culturelle, sociétale et judiciaire, en France et dans le monde. Les choses ont-elles réellement changé en 2022 ? L’égalité entre les hommes et les femmes a-t-elle progressé ?

Tout au long de cette journée spéciale, n’hésitez pas à nous envoyer vos témoignages sur la manière dont #metoo a influencé (ou non) votre vie depuis 2017.

Le contexte

Live animé par Julie Bienvenu

Image de couverture : Lors d’une manifestation appelée par des mouvements féministes devant l’hôtel de ville de Paris, le 10 juillet 2020. THOMAS COEX/AFP

« #metoo : les 5 ans d’une révolution ». En 2017 éclatait l’affaire Harvey Weinstein aux Etats-Unis, provoquant une onde de choc mondiale qui allait libérer la parole contre les violences sexistes et sexuelles. Au gré d’une cinquantaine d’articles, reportages et tribunes, publiés du 5 au 15 octobre, Le Monde retrace les grandes étapes de cette révolution, qui, si elle charrie quelques excès, est porteuse de nombreux progrès et d’immenses espoirs pour l’avenir.

Que veut dire #metoo ? Le 5 octobre 2017, le New York Times publiait une enquête révélant les agressions et le harcèlement sexuels que le célèbre producteur de cinéma Harvey Weinstein faisait subir depuis des années à de nombreuses femmes. Parti d’Hollywood, le mouvement est symbolisé par ce « hashtag » repris par l’actrice Alyssa Milano dix jours plus tard, le 15 octobre, et qui déferle sur les réseaux sociaux, #metoo (« moi aussi »). D’autres mots-clés apparaîtront à travers le monde, dont #balancetonporc, lancé en France par la journaliste Sandra Muller. Cinq ans après, faisons le bilan de cette révolution sexuelle, culturelle, sociale et judiciaire, en France et dans le monde. Les choses ont-elles réellement changé en 2022 ? L’égalité entre les hommes et les femmes a-t-elle avancé ?

Au programme :

Nous discuterons ensemble toute la journée du mouvement #metoo et de son impact sur vos vies comme dans le monde entier. Vous pourrez témoigner en commentaire et poser vos questions à nos intervenants lors de deux tchats :

  • A 10 h 30, Reine Prat, haut fonctionnaire, autrice de deux rapports ministériels « pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans les arts du spectacle » (en 2006 et 2009), et d’Exploser le plafond. Précis de féminisme à l’usage du monde de la culture (Rue de l’échiquier, octobre 2021), interviendra sur l’impact du mouvement #metoo dans le monde de la culture.
  • A 14 h 30 : Gilles van Kote, directeur délégué aux relations avec les lecteurs du Monde, et Lorraine de Foucher, journaliste au service Société (« Féminicides : mécanique d’un crime annoncé », « Violences sexuelles dans le porno : “French Bukkake”, une filière de traite des femmes »), répondront à vos interrogations sur le traitement des violences sexistes et sexuelles et de #metoo par Le Monde.

Pour aller plus loin :

Enquête. Cinq ans après #metoo, l’onde de choc : ce qui a changé dans les familles, à l’école, au tribunal…

Portrait. Tarana Burke, la lanceuse méconnue de #metoo

Entretien. « On constate un écart entre l’image que nous nous faisons des violences sexistes et sexuelles et leur réalité »

Décryptages. A Hollywood, les femmes tiennent désormais le haut de l’affiche et L’inflexion titanesque des scénarios de films français

Tribune. « Il est temps de former les adultes à la culture du respect et de l’égalité pour éduquer les jeunes »

Tribune. Violences sexistes et sexuelles : « Le faible nombre de condamnations incite à trouver de nouvelles façons de travailler »

Dans les archives du « Monde » :

Enquête. « #metoo : et la parole des femmes se libéra » (22 décembre 2017)

Entretien. « Juliette Binoche : “La femme est facilement moquée, ridiculisée, on a besoin de la diminuer” » (23 octobre 2017)

Tribune. « Nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle » (9 janvier 2018)

Retrouvez tous nos articles sur #metoo

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