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Michel-Édouard Leclerc, le triomphe d’un héritier

Ce n’est pas un as du marketing pour rien : avec un art consommé du storytelling, Michel-Édouard Leclerc a presque réussi à gommer ses origines sociales, pour se dépeindre en gamin du Finistère parti de rien et arrivé au sommet à la seule force du poignet. « Contrairement à d’autres industriels français, Michel-Édouard n’est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche mais des boîtes de conserve au-dessus de son lit », écrivait ainsi Paris Match, en 2016, dans un portrait laudateur. Une manière de rappeler que son père n’était qu’un simple épicier à ses débuts…

L'empire du père Édouard

Cela dit, cette situation n’a pas duré longtemps. Né en 1952, « MEL » est bien l’héritier d’un empire fondé par son père Édouard durant les Trente Glorieuses, qui fait figure de pionnier dans le modèle discount en France. « C’est un modèle de rentabilité qui ne repose pas sur le haut niveau de la marge unitaire, mais sur la vitesse de rotation du capital », résume l’économiste Philippe Moati, avant d’expliciter : « Imaginez un antiquaire qui achète un produit 100 euros pour le revendre trois fois plus cher. La marge est considérable, mais il mettra un an pour le vendre. À l’inverse, l’entreprise discount achète une marchandise à 100 euros et la revend 110 euros, mais dans la même journée. Elle recommence le lendemain et tous les jours suivants. Au final, c’est extrêmement rentable. »

À l’instar d’autres enseignes, comme Carrefour ou Auchan, Leclerc accompagne l’avènement de la société de consommation de masse dès les années 1960. Ardent défenseur de la « libre concurrence », le paternel guerroie notamment contre la loi Lang de 1981, qui fixe un prix unique au livre. Si cette croisade ne remporte pas le succès escompté, il meurt en laissant derrière lui un groupe prospère. Michel-Édouard lui succède dès 2006.

« Intraitable avec les fournisseurs »

Aujourd’hui, ce dernier est le dirigeant (le titre exact est « président du comité stratégique ») d’une enseigne pesant environ 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an. Brillant et ouvert, ce titulaire d’un doctorat d’économie continue à bâtir sa légende, celle d’un dirigeant humaniste, au train de vie discret – « J’ai du confort, de la richesse mais je ne collectionne pas les voitures de luxe », assure-t-il… Et dont les principes tranchent avec ceux de ses pairs : « Je veux redonner du sens à notre action, comme quand, adolescent, je voulais être missionnaire » ( Entreprendre, 19 septembre 2022).

Néanmoins, on ne fait pas du discount avec des bons sentiments. « Si vous proposez des prix moins élevés qu’ailleurs, c’est qu’il y a forcément quelqu’un qui paie, résume un connaisseur du groupe. L’enseigne a la réputation d’être intraitable avec ses fournisseurs, qu’il s’agisse d’industriels ou d’agriculteurs. »

Il y a quelques années, le ministère de l’Économie a tenté de faire condamner le groupement pour des remises arrachées aux industriels de l’agroalimentaire qu’il considérait comme illégales. Mais Bercy a été débouté par la justice, en mai 2021. Cette victoire n’a fait que renforcer l’image d’une enseigne proche de ses clients, en guerre contre les multinationales, ce qui n’est pas pour déplaire à son dirigeant. C.B.