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« Mohammed VI, les limites du pouvoir », sur Arte : la réforme entravée du Maroc

Vanina Kanban dresse le bilan en demi-teinte du règne du monarque, où domine le goût d’inachevé, voire la désillusion.

ARTE – MARDI 29 NOVEMBRE À 22 H 30 –DOCUMENTAIRE

C’est l’histoire d’un élan contrarié, d’une ambition entravée, voire détournée aux yeux des plus critiques. Voilà un jeune roi intronisé en 1999 dans un mélange de fierté et d’espoir. La fierté, c’est l’honneur éprouvé par les Marocains de s’inscrire dans la continuité d’une dynastie alaouite multiséculaire. L’espoir, c’est l’aspiration au renouveau invitant Mohammed VI à se mettre au diapason de son époque après les années de plomb répressives de son père, Hassan II.

Or, deux décennies plus tard, si l’attachement des Marocains à l’institution royale ne souffre pas de discussion, un épais malaise entoure la pente autoritaire suivie par le règne à rebours des premiers gestes d’ouverture. Sans compter la permanence de l’exclusion sociale touchant la majeure partie de la population. C’est ce bilan en demi-teinte, où domine le goût d’inachevé, voire la désillusion, que dresse le documentaire de Vanina Kanban.

Les débuts réformateurs du jeune roi occupent une large place dans le film, au point de nourrir l’inquiétude de l’hagiographie. « Roi des pauvres », modernité du style, réconciliation avec les victimes de son père, libéralisation de la presse, défense des droits des femmes face aux résistances conservatrices… Une nouvelle ère semblait s’ouvrir avec le vingt-troisième souverain de la dynastie alaouite.

En mai 2003, les attentats de Casablanca (45 morts dont 12 terroristes) tracent une première « limite », à savoir le péril djihadiste, justifiant le raidissement répressif d’un Etat qui signale son grand retour. Et puis survient, en février 2011, la version marocaine des « printemps arabes », l’effervescence d’une jeunesse dénonçant la corruption et le népotisme.

Dimension stratégique

L’irruption contestataire braque les projecteurs sur l’envers du décor : le mariage incestueux entre politique et affaires, dont le roi lui-même est le premier bénéficiaire, avec une fortune multipliée par cinq en dix ans. La colère est entendue au palais, qui lâche du lest. Une réforme constitutionnelle impose que le premier ministre sera désormais issu du parti politique arrivé en tête des élections législatives.

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Résultat : le Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste) prend la tête de l’exécutif dans la foulée du scrutin de la fin 2011. L’apparent pluralisme est toutefois largement factice, la réalité du pouvoir demeurant concentrée entre les mains du roi et de son entourage. Le PJD y perdra son âme et sombrera dans la disgrâce électorale en 2021.

On regrettera toutefois que le récit de Vanina Kanban passe un peu rapidement sur l’intensification de la répression contre la presse indépendante, illustration de la vacuité des promesses d’élargir les libertés publiques. Et que soit occultée la question du Sahara occidental, dont la fonction de légitimation du pouvoir est pourtant cruciale.

A cet égard, il eût été judicieux de préciser que la normalisation des relations avec Israël – imposée par le palais à un PJD impotent – était le prix à payer pour la reconnaissance de la « marocanité » du Sahara occidental par les Etats-Unis. Le décryptage de cet épisode, qui a bouleversé la géopolitique régionale en précipitant la rupture avec l’Algérie, aurait utilement éclairé la dimension stratégique du règne de Mohammed VI.

Nonobstant cette lacune, le documentaire a le mérite de souligner la fragilité derrière les ors d’une monarchie omnipotente : une majorité du peuple reste « exclue du festin », ombre sur le cliché du « roi des pauvres ».

Mohammed VI, les limites du pouvoir, de Vanina Kanban (Fr., 2019, 62 min). Disponible sur arte.tv jusqu’au 28 décembre

Frédéric Bobin

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