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Paris : Des parents « choqués » par la différence de fraîcheur des plats dans les cantines des écoles

Laetitia Pasquet est maman de deux enfants, 10 et 6 ans, scolarisés à l’école élémentaire Bolivar, dans le 19e arrondissement, à Paris. Mais depuis que sa deuxième fille a changé d’école, cette mère de famille, par ailleurs élue au conseil d’école pour la FCPE, entend la même petite ritournelle au sujet des repas préparés à la cantine : « Maman, c’est pas bon ! » Après avoir plusieurs fois soulevé le sujet en conseil d’école, et apprenant non seulement que les repas ne sont pas préparés sur place, mais encore que la situation est très largement partagée dans le 19e, Laetitia Pasquet a décidé de lancer une pétition « pour une cuisine fraîche et de qualité à la cantine », signée pour l’instant par un peu plus de 330 personnes.

« Depuis plusieurs années, les enfants de l’école élémentaire Bolivar se plaignent de la qualité des repas servis à la cantine. Ils ne sont pas toujours servis assez chaud, manquent de goût, sont peu appétissants. Même des enfants gourmands ont tendance à perdre plaisir à déjeuner à l’école », déplore ce texte, qui pointe le mode de préparation et une forme d’inégalité territoriale. « Les repas sont conservés deux ou trois jours dans les réfrigérateurs de la cuisine centrale avant d’être livrés et servis » or « dans le 10e arrondissement, tous les enfants mangent quotidiennement des produits cuisinés le jour même ». La pétition appelle la mairie du 19e à créer « une cuisine de préparation sur place pour toutes les écoles où c’est architecturalement possible ».

Au Nord-Est, les enfants mangent surtout du réchauffé

De fait, les petits Parisiens et les petites Parisiennes ne sont pas toutes logées à la même enseigne, selon l’endroit où ils et elles vivent. Selon le rapport sur la restauration scolaire à Paris de 2021, que 20 Minutes s’est procuré, les enfants du 5e arrondissement ont par exemple tous et toutes droit à des plats préparés dans des cuisines sur place, tandis que ceux du 20e ne mangent que des plats en « liaison froide », préparés plusieurs jours avant [entre trois et cinq jours selon plusieurs sources], conservés au froid sous vide, livrés dans les écoles et réchauffés ensuite.

Sur cet aspect, les arrondissements les plus pauvres, du Nord-Est parisien, sont clairement les plus mal lotis. Dans le 18e, par exemple, il n’y a qu’une seule cuisine sur place, et 78 « satellites » qui servent des plats froids. Le 19e compte 15 cuisines sur place et 16 satellites qui préparent le matin des plats servis ensuite dans les deux heures dans les écoles (un système dit de « liaison chaude »), mais également 36 satellites qui servent du froid. Au contraire, outre le 5e arrondissement, les 6e, 7e, 8e, 10e, 12e, 13e, 14e, 15e, 16e ou 17e arrondissements n’ont que des plats préparés le matin même. « Je trouve ça choquant. On paie la même chose donc il faudrait que la qualité soit la même d’un arrondissement à l’autre ! », s’insurge Laetitia Pasquet.

Une question de sous

Côté Mairie de Paris, Audrey Pulvar, en charge de l’alimentation durable, assure que la situation n’est pas liée à un « délaissement particulier » : « C’est simplement qu’il y a énormément de repas à préparer dans ces arrondissements. Mais même en liaison froide, le contenu des plateaux est de bonne qualité : dans le 19e, il y a 60 % de bio ou durable. Il y a des quartiers plus riches qui sont très en dessous, avec 20 à 25 % de bio. »

Mais l’adjointe reconnaît aussi que l’absence ou la faible proportion repas fabriqués le jour même dans le Nord-Est a aussi des raisons financières : « C’est sûr que dans des arrondissements où les parents ont plus de moyens et paient 7 euros par repas, les caisses [des écoles] sont plus riches que dans les arrondissements où les parents paient 13 centimes par repas. »

Le « sens de l’Histoire »

La mairie a déployé un plan pour augmenter la part de repas préparés le jour même, mais appelle à un peu de patience alors que les montants pour recréer des cuisines sur place sont « astronomiques », évalués à plusieurs millions, selon Audrey Pulvar. « On sait que les produits frais sont meilleurs. Le sens de l’Histoire, ce sont les plats préparés sur place, mais il y a des contraintes. Le 10e, c’est le résultat d’une construction qui s’est faite en plusieurs années », fait savoir de son côté le cabinet de Patrick Bloche, adjoint à l’éducation.

« À la rentrée 2021, le nombre des cuisines traditionnelles [intégrées aux écoles, avec des repas préparés sur place] est passé de 12 à 15, et 8 écoles supplémentaires sont desservies par ces cuisines. Ce déploiement des cuisines traditionnelles continuera à ce rythme tout au long de la mandature », affirme aussi la mairie du 19e.

Un problème environnemental et sanitaire

Si pour les écologistes au Conseil de Paris la trajectoire est bonne, elle est cependant trop lente. « Nous souhaitons qu’on aille plus vite sur la décentralisation pour faire de la cuisine à taille humaine et sur place », affirme auprès de 20 Minutes Alice Timsit, élue dans le 19e pour le groupe Les Ecologistes. « C’est une question d’égalité entre les quartiers. Et pour les agents, c’est aussi une façon de retrouver du sens », ajoute-t-elle.

D’autant que la fabrication de repas pose aussi un problème sanitaire et environnemental, selon Alice Timsit, les plats étant réchauffés dans des barquettes recouvertes d’une fine couche de plastique. « Cela libère du plastique dans les aliments, en quantité infime certes, mais ce n’est pas bon. Et cela pose un souci de réduction des déchets. »

A l’école Bolivar, la création d’une cuisine sur place n’est en tout cas pas à l’ordre du jour. Laetitia Pasquet affirme avoir proposé ce chantier à la direction, qui le lui a refusé. « Le directeur nous a dit la semaine dernière que c’était infaisable, qu’il n’y avait pas le budget. » Les élèves devront être patients et patientes.