France
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Paul Garrigues : « La législation doit prévoir une présomption de minorité »

Comment jugez-vous la situation des mineurs non accompagnés (MNA) en France ?

On constate de gros problèmes au niveau de l’évaluation de leur âge. Les taux d’acceptation de minorité varient de 20 % à 80 % selon les départements. Souvent, l’évaluation est à charge. Certaines situations sont aberrantes. Les préfectures peuvent comparer les empreintes digitales du mineur à celles enregistrées par le système de surveillance des frontières européennes, Eurodac. Un jeune qui n’a pas été considéré comme mineur par un autre pays peut alors ne pas être pris en charge. Pour la Ligue des droits de l’homme, la loi doit prévoir une présomption de minorité le temps de l’évaluation et, en cas de doute sérieux, la parole du jeune devrait prévaloir.

Ils ont, en tout cas, la possibilité de faire un recours de la décision du département auprès d’un juge pour enfants…

Certes, mais pendant le recours le jeune n’est pas considéré comme mineur. Dans certains cas, il est exclu de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), avec une obligation de quitter le territoire français, et n’est pas pris en charge. Certains sont obligés de se tourner vers des dispositifs d’hébergement pour majeurs. L’accès au 115 leur est refusé. Ils ne peuvent demander l’asile : cela doit être fait par un majeur exerçant l’autorité parentale. En l’absence d’adulte référent, la préfecture est censée en désigner un mais, la plupart du temps, elle refuse de le faire. Et les jeunes se retrouvent en situation d’errance.

Sont-ils sortis d’affaire lorsqu’ils intègrent les dispositifs de protection de l’enfance ?

La qualité de prise en charge diffère d’un département à l’autre. À Marseille, comme à Lyon, on constate de gros problèmes. La situation est meilleure ailleurs mais, presque partout, les MNA sont sortis des dispositifs classiques de l’ASE. Et les moyens qui leur sont réservés sont très inférieurs à ceux dont bénéficient les dispositifs ordinaires.

Que se passe-t-il à leurs 18 ans ?

Ça dépend de leur âge à l’entrée. Avant 15 ans, le jeune a le droit d’obtenir la nationalité française. Entre 15 et 16, ils sont automatiquement régularisés. Entre 16 et 18, s’ils n’ont pas eu de problèmes avec la police et sont engagés, depuis au moins six mois, dans un processus de formation professionnalisante, ils peuvent l’être aussi. Mais le gros problème, c’est la contestation d’identité à 18 ans. Les préfectures contestent très souvent la validité des actes de naissance et des papiers d’identité. Ça ne devrait pas être possible lorsqu’un MNA a été pris en charge par l’ASE. C’est, en outre, en contradiction avec le discours actuel du ministère de l’Intérieur. Ces jeunes s’orientent souvent vers des formations de secteurs sous tension. Certains patrons préfèrent sans doute exploiter une main-d’œuvre clandestine payable au rabais, mais beaucoup ont surtout besoin de gens qualifiés, avec un engagement réciproque sur la durée – ce qui se complique avec un jeune en situation irrégulière.