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Phase IV des pôles de compétitivité : l'heure est moins à la fusion qu'à un rôle confirmé par France 2030

Déjà à l'aube de la crise sanitaire, la feuille de route qui avait été donnée aux pôles de compétitivité français dont Minalogic consistait à « sélectionner des pôles de compétitivité capables de porter une ambition de dimension européenne tout en préservant les acquis de la politique tels que « l'usine à projets » et de « l'usine à produits » développés dans les phases précédentes ».

Et la phase V de cet appel, porté par le ministère de l'Economie, n'est pas bien différente, même si elle a été publiée de manière discrète en plein cœur de l'été, le 3 août dernier.

Car à l'heure où la quatrième phase des pôles de compétitivité est appelée à prendre fin en décembre prochain, le gouvernement a souhaité finalement poursuivre cette politique à travers une nouvelle phase courant de 2023 à 2026.

Un imitative qui est appelée à s'inscrire « dans la même dynamique en continuant d'accompagner les grands groupes, les PME/ETI et les startups dans leurs recherches collaboratives et dans leurs efforts de réindustrialisation », précise le gouvernement.

« La crise Covid a démontré que les régions et l'Etat ont pu s'appuyer sur les pôles, ancrés dans leurs territoires, pour avoir un lien direct avec leurs membres », veut d'ailleurs croire Pauline Capus, déléguée générale de l'Association française des pôles de compétitivité (AFPC).

L'heure du premier bilan

Ouvert depuis le 2 août dernier, et clôturé justement ce vendredi 7 octobre, cet appel à candidatures résonne tout d'abord comme une bonne nouvelle pour Serge Veyres, le nouveau président à la tête du pôle de compétitivité Minalogic, l'un des douze pôles ayant conservé leur labellisation en 2019 (dont huit disposent de leur siège en région Auvergne Rhône-Alpes).

Pour certains (comme le pôle chimie et environnement Axelera, le cluster pour la mobilité CARA, le pôle dédié à la santé Lyonbiopôle, le pôle textile Techtera, le pôle sur la transition énergétique Tenerrdis), cette phase IV s'était faite à périmètre égal.

Pour d'autres, elle avait été placée sous le signe (plus ou moins réussi) du regroupement. Avec, par exemple, la création du pôle mondial du Végétal, qui actait le rapprochement de Céréales Vallée de Clermont-Ferrand et de Végépolys, à Angers.

Ou encore celle du nouveau pôle Cimes, le pôle de compétitivité mécanique régional, qui devait unir les pôles Via Meca et Mont Blanc Industries : mais cette union n'aura finalement duré que deux ans, le réseau Mont-Blanc Industries annonçant en juillet 2021 son retrait de Cimes, en raison de divergences de culture et de visées budgétaires, pour redevenir un cluster à part entière... jusqu'à ce que la décision soit prise de le dissoudre par manque de financements en novembre dernier.

Mais joint par La Tribune, son directeur général adjoint Arnaud Bocquillon, confirme que le dossier de relabellisation est sur le rails, et a tiré les enseignements de cet épisode : « Nous avons cru dans cette fusion mais la greffe n'a pas pris. Elle n'était pas impossible mais probablement que le rythme n'a pas été le bon », analyse-t-il.

Après un regroupement qui devait fusionner les 300 à 350 adhérents de Mont-Blanc Industries aux 170 adhérents de Via Méca, le pôle Cimes veut faire valoir un bilan qui, malgré les turbulences, aura confirmé l'identité du pôle, tourné autour du des technologies de production industrielle, mais également son périmètre, qui regroupe Auvergne Rhône-Alpes et Nouvelle-Aquitaine. Avec désormais 210 adhérents et l'ambition de croître à nouveau à l'échelle des deux régions.

Spécialisé dans les technologies du numérique en Auvergne-Rhône-Alpes, Minalogic a lui aussi absorbé une partie des activités d'un autre pôle haut-savoyard, Imaginove, lui aussi contraint de fermer ses portes. L'ensemble dédié aux projets d'innovation collaboratifs dans le domaine des technologies numériques, allant du hard (les produits) au soft (logiciels), pèse quant à lui aujourd'hui près de 500 adhérents, dont plus de 430 entreprises. Et présente quant à lui un bilan consolidé : « Depuis 2005, 817 projets de R&D ont été labellisés et financés à hauteur de 1,1 milliard d'euros de subventions publiques, pour un investissement de R&D de plus de 2,6 milliards d'euros », fait valoir Minalogic. C'est aussi ce pôle qui est chargé de coordonner et d'accompagner des missions régionales de valorisation des innovations de sa filière, comme la délégation régionale qui s'envole chaque année pour le CES de Las Vegas par exemple.

L'heure n'est plus à la rationalisation

Cette année, les pôles craignent d'ailleurs moins de mouvements que par le passé.

« La rationnalisation des organisations est un sujet permanent bien entendu, mais quand on regarde aujourd'hui l'approche des pôles, nous avons déjà une dimension régionale et de complémentarité avec les autres acteurs. L'heure n'est pas vraiment à la fusion car nous avons-nous même une approche plutôt technologique dans le numérique, et des partenariats encore possibles notamment sur des axes verticaux du marché que nous pouvons encore consolider à l'échelle régionale », glisse le président de Minalogic.

Une impression que confirme Pauline Capus à l'AFPC : « Il y aura encore probablement quelques rapprochements à l'échelle nationale mais nous ne nous attendons pas à une forte réduction du nombre de pôles, car des fusions ont déjà eu lieu durant la phase IV ».

En région, le cas du pôle Cimes pourrait cependant être regardé de près, puisque le retrait de Mont Blanc Industries qui apportait jusqu'ici son vivier de près de 300 entreprises (soit 27.000 emplois et 7 milliards de chiffre d'affaires, sur un ensemble estimé à l'heure de la fusion à une capacité de 500 entreprises et plus de 50.000 emplois), pourrait être scruté de près.

Mais son directeur général adjoint n'est pas inquiet : « Nous dépassons le seuil du nombre d'adhérents nécessaire et nous avons enregistré un bilan financier solide en 2021 et sur la récente partie de 2022. Début janvier, nous avons participé à l'appel à manifestations d'intérêts dans le cadre du CSF solutions industries du futur et sur les 600 candidatures nationales, 140 ont été portées par des acteurs de la Région Auvergne Rhône-Alpes, dont la moitié ont été accompagnées par Cimes », fait valoir Arnaud Bocquillon.

La clé de voute d'un financement pérenne

Pour cette phase V, c'est donc une nouvelle enveloppe de 9 millions qui sera ainsi proposée annuellement aux pôles sur la période (2023-2026). Car le précieux « label » pôle de compétitivité attribué par l'État permet ensuite, en coordination avec les Régions, d'obtenir les lignes de financements qui vont jusqu'à représenter 50% du budget d'un pôle (contre par exemple 39% pour Minalogic, et actuellement 49% pour Cimes).

« La première bonne nouvelle est déjà que cet appel existe, car ce n'était pas du tout actée avant la crise sanitaire, on se poser encore des questions sur l'avenir des pôles », traduit Serge Veyres.

« Nous avons vraiment une pérennité de l'engagement de l'Etat, qui maintient son accompagnement avec la même enveloppe et dans une recherche d'équilibre des financements entre la part publique et privée », souligne Pauline Capus.

Un nouveau rôle pour les pôles

Cette labellisation devrait également permettre de clarifier, à l'avenir, le rôle des pôles, en les plaçant dans la droite lignée de la déclinaison en région du grand plan d'investissement France 2030, dévoilé par Emmanuel Macron à l'automne 2021, et géré par les secrétariat général à l'investissement du lyonnais Bruno Bonnell.

Serge Veyres note lui-même que cet appel s'inscrit aussi logiquement dans le cadre du plan France 2030, « où Minalogic et l'ensemble de la filière numérique ont été fléchés comme l'un des axes prioritaires pour des enjeux de souveraineté ».

« La labellisation, qui est un passage obligé, permet donc aussi de remettre les pôles dans le jeu puisqu'il est clairement mentionné dans le plan France 2030 que les pôles sont des acteurs incontournables et un vecteur de communication privilégié sur un certain nombre de sujets ».

Même sentiment pour Pauline Capus à l'AFPC, qui témoigne : « Le plan France 2030 est un élément important du cahier des charges de cette phase V, les pôles sont clairement attendus sur ce sujet, et pourront se positionner à la fois sur des enjeux de réindustrialisation, de souveraineté, et de formation ». Avec à la fois un rôle de guichet d'information à destination des entreprises, mais aussi de service d'accompagnement des projets au sein développés au sein de son écosystème.

Les critères passés au crible

Pour faire partie des lauréats, l'appel émis par le gouvernement français, sous le patronage des ministres Bruno le Maire et Roland Lescure, prévoit notamment trois objectifs : « faire émerger des écosystèmes forts, mieux connectés, à même de relever les défis nationaux et régionaux », mais aussi « renforcer l'action des pôles aux niveaux européen et international » et « soutenir les PME et les startups françaises dans leur développement ».

L'enjeu pour l'Etat étant de labelliser des pôles ayant une taille critique suffisante,  capable de conduire et soutenir des projets d'envergure nationale ou  européenne. C'est pourquoi la sélection reposera principalement sur cinq axes, portant sur la période d'évaluation qui vient de s'écouler, de 2019 à 2022.

A commencer par la justification d'un bilan d'activité solide au sortir de la phase IV, mais aussi l'atteinte d'une certaine masse critique (soit plus de 150 adhérents). Ou encore la démonstration de la solidité de la gouvernance et du modèle économique des pôles (dont un taux de financement privé attendu supérieur à 50 % en moyenne entre 2019 à 2022), ainsi que l'existence d'une dimension européenne forte (avec une évaluation du montant de financements et projets européens réalisés sur la phase IV).

Enfin, les pôles devront s'engager à conduire des actions portant sur certaines priorités nationales et régionales : c'est là qu'on retrouve notamment le rôle structurant attendu dans des programmes comme France 2030, ou encore le SRDEII.

L'annonce des résultats est quant à elle fixée à courant décembre, pour une mise en musique des feuilles de route prévue début janvier 2023.