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Poésie Koleka Putuma, une révolte noire et queer

Amnésie collective, de Koleka Putuma, traduit de l’anglais sud-africain par Pierre-Marie Finkelstein, éditions Lanskine bilingue, 224 pages, 16 euros

En Afrique du Sud, théâtre et poésie ont toujours fait partie de la lutte. Hier contre l’apartheid, aujourd’hui contre un racisme, une xénophobie et un rejet de l’autre malheureusement ancrés dans cette société qui se veut non raciale, qui a traversé tant d’épreuves mais n’en a pas fini de purger son passé. Un passé si prégnant qu’il imprime les formes culturelles nouvelles de la génération post-Mandela. Koleka Putuma est poète et dramaturge, née au Cap-Oriental, même pas trentenaire, mais dont la fulgurance de l’écriture saisit le lecteur dès les premières lignes, les premiers vers. Son dernier recueil, Amnésie collective, écrit en 2017 en anglais sud-africain, nous parvient enfin. La poésie, on le sait, est pourtant déchirée par la traduction, tant les mots, les constructions et les rythmes sont liés à une langue. Ce n'est pas le cas ici. Pierre-Marie Finkelstein, dans un langage non genré, trouve les mots et les tournures respectueux de la forme et de l'expression.

Koleka Putuma pousse un cri de révolte. Celle de la femme noire, toujours perçue ainsi. « T’apprendras/à accumuler les squelettes/à étouffer tes cris avec du sparadrap et des agrafes/afin que tout le monde puisse tranquillement tourner la page », écrit-elle dans Grandir en étant noire et femme. Se rajoute sa dimension lesbienne, elle, chrétienne qui aime une musulmane. Se mêlent alors toutes les violences. « Je me demande/Si on m’assassinait demain/Si lui, mon père, parlerait de moi dans son sermon avec la même passion qu’il met à prêcher sur la mort d’un homme blanc qu’il n’a jamais rencontré, élevé ? » dénonce Pas de dimanche de Pâques pour les queers (adapté, depuis, au théâtre). Cette poésie explore la dualité de l’être. Non pas l’être et le néant mais l’être et l’autre, ce qui, parfois, relève du même concept. Koleka Putuma fait exploser cette Amnésie collective, miroir trompeur, par des constructions rapides, urgentes et fortes comme du slam. Sans perdre ce qui est l’essence même de la poésie : la profondeur humaine. Pierre Barbancey