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Pôles de compétitivité : en Occitanie, France Water Team recalé, DERBI labellisé sous conditions…

Le 27 mars, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, le ministre délégué chargé de l'Industrie Roland Lescure, et la présidente de l'association des Régions de France Carole Delga (aussi présidente de la Région Occitanie) annonçaient la labellisation de 55 pôles de compétitivité pour la phase V (2023-2026).

L'appel à candidatures était ouvert aux structures déjà labellisées lors de la phase IV ainsi qu'aux nouvelles candidatures, avec trois objectifs principaux définis par l'État et les Régions : faire émerger des écosystèmes plus forts et mieux interconnectés, renforcer le développement de l'action des pôles au niveau européen et amplifier le rayonnement international des écosystèmes d'innovation, et soutenir les PME et startups françaises dans leurs transformations et leur développement, en accompagnant des projets en cohérence avec le déploiement de France 2030 et les priorités régionales.

Quarante-sept pôles de compétitivité sont ainsi labellisés pour une durée de quatre ans, parmi lesquels certains pôles basés ou opérationnels en Occitanie comme Aerospace Valley, Agri Sud Ouest Innovation, Eurobiomed, Optitec ou le Pôle Mer Méditerranée. Deux pôles sont labellisés pour une durée d'un an seulement, « prolongeable à quatre ans sous certaines conditions » : le pôle DERBI en Occitanie et le Materalia dans la région Grand Est. Enfin, deux nouveaux pôles de compétitivité sont labellisés pour une durée de deux ans, prolongeable à quatre ans sous la condition d'une structuration effective : ENTER en Nouvelle-Aquitaine et [email protected] en région Bourgogne-France-Comté.

L'Etat continuera à soutenir les pôles de compétitivité à hauteur de 9 millions d'euros par an pendant les quatre prochaines années, aux côtés des autres financeurs publics, notamment les Régions.

France Water Team : « le coup de massue »

Cette nouvelle vague de labellisation a créé la surprise en Occitanie : pourquoi la labellisation du pôle France Water Team (dédié à la filière de l'eau) n'est-elle pas reconduite, ce qui fait disparaître le pôle de la carte, et pourquoi une mise sous conditions pour le pôle DERBI (dédié aux énergies renouvelables) ?

La claque la plus brutale est pour France Water Team : au téléphone, son président, Sylvain Boucher (par ailleurs Délégué France chez Veolia), semble sonné. Lui se dit « abasourdi »...

Pour mémoire, le pôle de compétitivité France Water Team est la fédération de trois pôles fondateurs, opérée début 2019 : Aqua-Valley (à Montpellier), DREAM Eau & Milieux (en région Centre Val-de-Loire) et Hydreos (région Grand Est). Il recevait 450.000 euros de financement de l'Etat.

« J'ai découvert cette délabellisation hier !, lâche Sylvain Boucher, amer, à La Tribune. La Direction générale des entreprises (DGE, ndlr) nous a dit que nous devions être destinataires d'un courrier nous en informant avant l'annonce mais il semblerait qu'il ne soit toujours pas signé et encore sur le bureau d'Elisabeth Borne. Et que les explications soient dedans ! »

Le dirigeant évoque « un coup de massue, tant en raison des résultat que de la méthode » : « Nous n'avons même pas été sollicités pendant la phase d'instruction ! », s'étonne-t-il.

Sylvain Boucher, président d'Aqua Valley, prend la présidence de France Water Team

« Ce n'est pas très cohérent »

Alors que le pôle de compétitivité France Water Team compte aujourd'hui presque 500 adhérents, Sylvain Boucher s'interroge sur ce qui pourrait être reproché au pôle justifiant sa radiation.

« Je ne peux que faire des suppositions, déclare-t-il, circonspect. Tous les grands acteurs du système, tous les grands sites universitaires ou les écoles, tous les grands acteurs économiques, toutes les ETI et les PME-PMI de la filière de l'eau en France sont présents au sein du pôle, donc je ne sais pas ce qu'on peut nous reprocher ! Nous travaillons sur tous les sujets à enjeu : la contrainte du stress hydrique, l'intensification des démarches inter-filières pour trouver des solutions, la recharge des aquifères, la réutilisation des eaux usées, la définition d'un urbanisme plus économe en eau, les grands programmes de recherche, le développement à l'international qui est un de nos fers de lance... La seule critique possible est le fait qu'on soit organisé en fédération et non pas un pôle fusionné. Il y a quatre ans, ça avait déjà été un débat avec la DGE qui ne voulait voir qu'une seule tête. Mais c'est le fruit d'une logique de respect des bassins hydrographiques, propre à l'organisation territoriale de l'Etat. C'est aussi le fait que les compétences de l'eau sont territoriales, avec des Régions très investies, il est donc normal d'avoir une démarche différenciée. »

Au moment où il s'entretient avec La Tribune, Sylvain Boucher n'a pas eu de réponse du cabinet de la Première ministre... Et attend le fameux courrier.

« Nous avons besoin des pôles de compétitivité pour embarquer tous les acteurs de l'économie, à commencer par les TPE et les PME, dans les grands défis d'aujourd'hui que sont les transitions vertes et digitales, mais aussi la réindustrialisation de notre pays », déclare pourtant Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.

Sylvain Boucher, lui, s'interroge sur la stratégie de l'Etat qui radie un pôle de compétitivité sur un sujet aussi stratégique et majeur que l'eau : « Ce  n'est pas très cohérent au moment où se concrétise le problème de la rareté en eau et alors qu'on attend la présentation du plan Eau du gouvernement ! ».

« Avec ou sans le label de l'Etat »

Des éléments de compréhension se trouvent peut-être dans la déclaration de Carole Delga, avec sa casquette de présidente de la Région Occitanie, et ont en effet trait à l'organisation et à la gouvernance de France Water Team.

« S'agissant du pôle France Water Team, nous avons appelé à une simplification de gouvernance et à une révision de son modèle économique, afin de mobiliser de façon pragmatique et efficace les moyens du pôle sur les projets des entreprises et des universités, écrit-elle dans un communiqué. Je regrette la décision de délabellisation de l'Etat et tiens à rappeler qu'Aqua Valley, la structure régionale rattachée au pôle France Water Team, est historiquement le cluster le plus important, fortement impliqué dans les réseaux nationaux et internationaux avec une expertise sur la thématique de l'eau mondialement reconnue... La question de l'eau représente un défi majeur dans un contexte de sécheresse pluriannuelle et de pression accrue sur la ressource en eau. Comme je l'ai rappelé lors du Sommet régional de l'Eau qui s'est tenu le 23 mars dernier à l'Hôtel de Région de Toulouse, face à l'urgence à laquelle nous sommes confrontés, nous devons collectivement assurer la sécurisation et la pérennité de ce bien précieux. Aussi, nous allons engager très rapidement des échanges avec les acteurs de l'eau en région Occitanie pour les accompagner dans leurs dynamiques d'innovation et de transformation et poursuivre le développement de la filière, avec ou sans le label de l'Etat. »

Selon Sylvain Boucher, « Aqua-Valley (en Occitanie, NDLR) peut exister en dehors du pôle, sous forme de cluster, mais cette fonction n'est pas suffisante compte tenu des enjeux »...

DERBI : atteindre une masse critique

Au pôle de compétitivité DERBI (environ 170 adhérents), « labellisé pour une durée d'un an, prolongeable à quatre ans sous certaines conditions », le président André Joffre pondère cette nouvelle en demi-teinte.

« On aurait bien sûr préféré être qualifiés directement pour les quatre ans mais ce n'est pas grave, commente-t-il auprès de La Tribune. Derbi est labellisé depuis 2005 et initialement, il s'agissait de soutenir l'innovation dans les PME en labellisant leurs projets, et nous sommes restés fidèles à ça. Mais j'ai l'impression qu'aujourd'hui, le ministère souhaite que les pôles s'orientent aussi vers la promotion de la transition énergétique et des énergies renouvelables. C'est ce qui nous est demandé de rectifier... Par ailleurs, le pôle Derbi est un petit pôle et peut-être que les pouvoirs publics souhaitent le muscler pour le voir atteindre une certaine masse critique. Je sais que nous ne sommes pas dans les clous en termes de nombre d'adhérents mais ils ne sont pas là, on ne peut pas les inventer ! Beaucoup de développeurs ne sont chez nous car ils ne font pas d'innovation. »

Carole Delga a également réagit à cette labellisation sous conditions : « La Première ministre Elisabeth Borne a pris en compte l'alerte que je lui ai faite en décembre dernier, suite à des rumeurs de délabellisation du pôle DERBI. J'ai en effet souhaité lui rappeler le caractère stratégique pour le territoire de ce pôle, qui joue un rôle d'accélérateur d'innovation dans les Pyrénées-Orientales avec 365 projets accompagnés depuis sa création en 2005, représentant 800 millions d'euros d'investissement. Cette labellisation sous conditions est donc un véritable soulagement pour ce pôle indispensable sur une filière stratégique, et en adéquation avec les politiques publiques que nous menons pour accélérer la transition énergétique et la transformation écologique au niveau national et régional. En réponse aux conditions de maintien de sa labellisation, la Région se mobilisera auprès du pôle DERBI pour travailler sur une évolution de son modèle économique et une mutualisation avec les acteurs régionaux du domaine de l'énergie ».

André Joffre annonce qu'il rencontrera prochainement les équipes du ministère « pour préciser ce qu'il veulent »...

« Nous avons un an pour corriger notre copie, et je n'envisage pas qu'il en soit autrement, veut-il rassurer. Compte tenu des enjeux énergétiques, il faut continuer à développer les technologies et s'industrialiser. Les Etats-Unis, par exemple, pratiquent un certain protectionnisme qui rassure les investisseurs. En France, on annonce la création d'une usine de panneaux solaires à Fos-sur-Mer mais il va falloir des capitaux et surtout, les investisseurs vont vouloir être sûrs que le gouvernement français soutiendra sur le long terme les énergies renouvelables... »

« Le solaire n'a pas dit son dernier mot » (André Joffre)