France
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Pourquoi faut-il organiser un référendum d’initiative partagée ?

Stéphane Peu Député PCF de Seine-Saint-Denis

Alors que le pouvoir s’est enfermé dans un déni de réalité et de démocratie, cet outil permet au contraire le respect de la souveraineté populaire.

Depuis plus de deux mois, des millions de nos concitoyens expriment, en conscience, avec calme et détermination, leur refus d’une réforme qui entend les priver, après une vie de travail, de leurs deux meilleures années de retraite. À cette exigence de justice sociale, le pouvoir en place a choisi de répondre par le mensonge, l’arrogance, le mépris des syndicats, du peuple et de sa représentation nationale. En s’enfermant ainsi dans le déni de réalité et de démocratie, il a malgré lui contribué à aiguiser un peu plus la résolution populaire contre cette loi. Mais le président de la République a aussi pris une très grave responsabilité devant la nation, agissant plus en pyromane qu’en gardien d’une Constitution qui garantit la souveraineté du peuple.

Face à celui qu’il faut bien désormais appeler « le méprisant de la République », la mobilisation a trouvé encore, jeudi 23 mars, le moyen de s’exprimer dans des proportions tout à fait exceptionnelles et pour l’essentiel dans le calme. C’est dans cette direction qu’il faut continuer. Manifestations, rassemblements, grèves, tous les moyens pacifiques mais fermes d’exprimer cette exigence de retrait sont les bienvenus dans les prochains jours. Mais à cet arsenal de luttes, les députés communistes ont proposé, en bonne intelligence avec l’intersyndicale, un outil complémentaire. En déposant, avec l’appui de 252 parlementaires, la demande d’un référendum d’initiative partagée (RIP), nous avons désormais la possibilité de contraindre Emmanuel Macron à organiser un référendum sur son projet de loi. Et si les Français en décident, de le renvoyer aux oubliettes de l’histoire. Dès lors que le Conseil constitutionnel aura validé le projet de RIP que nous avons déposé, pourra s’ouvrir un intense travail de mobilisation, associant forces syndicales et forces politiques de gauche, pour sillonner la France, ses villages, ses quartiers et recueillir la signature de 4,8 millions de nos concitoyens. Nous disposerons alors de neuf mois pour y parvenir, neuf mois pendant lesquels la réforme sera, quoi qu’il en soit, suspendue, et Emmanuel Macron mis en échec. J’ai la conviction que cet objectif est à portée de main. En 2019, nous avions déjà recueilli, sur un sujet de moindre portée, la privatisation d’ADP , près de 1,1 million de signatures, avant que la privatisation ne soit finalement suspendue pour cause de pandémie.

« Avec le RIP, nous avons la possibilité de contraindre Emmanuel Macron à organiser un référendum sur son projet de loi. Et si les Français en décident, de le renvoyer aux oubliettes de l’histoire. »

Avec le RIP, nous avons la possibilité de renforcer la mobilisation et de permettre à tout un peuple qui n’a pas encore pu s’exprimer de le faire. Un peuple de travailleurs précaires, d’intérimaires, d’artisans, d’autoentrepreneurs qui n’a pas pu fouler le pavé pour diverses raisons mais qui est solidaire du mouvement et résolument hostile à cette réforme des retraites. Ne le laissons pas de côté, permettons-lui de s’exprimer.

Notre force, c’est le nombre. Nous avons, avec le RIP, le moyen d’élargir encore sur ce mouvement et de donner directement la parole au peuple. Pour, à la fin, l’emporter.

Valérie Rabault Députée PS du Tarn-et-Garonne, vice-présidente de l’Assemblée nationale

L’absence de vote entraîne aujourd’hui une impasse démocratique. Le RIP doit nous permettre d’en sortir et de répondre à l’urgence sociale.

L ’actuelle réforme des retraites est un concentré inédit de renoncements démocratiques : refus du gouvernement d’engager une concertation avec les forces syndicales ; passage par une loi de finances qui est un véhicule législatif conçu sur une base annuelle, donc pas adapté à un tel projet de loi ; utilisation de l’article 47.1 de la Constitution qui, non content de restreindre les débats, permet au gouvernement de mettre en œuvre, par ordonnances, le projet de loi si celui-ci n’a pas été voté dans un délai de cinquante jours ; absence de vote à l’Assemblée nationale et, au final, déclenchement du 49.3 !

En s’apprêtant à déployer une réforme sans qu’aucun vote ne soit intervenu à l’Assemblée nationale, le gouvernement fait basculer le pays dans une crise démocratique.

Cette crise est de surcroît attisée par le président de la République, quand il oppose à « la foule qui manifeste » la légitimité du « peuple qui s’exprime, souverain, à travers ses élus »… C’est oublier que les élus choisis par le peuple souverain n’ont pas pu voter.

« Le président de la République et son gouvernement semblent décidés à gouverner sans et contre le peuple, le RIP va les contraindre à tenir compte de ce que veut le peuple. »

Pour sortir de l’impasse démocratique, trois solutions existent. Deux dépendent du président de la République : il s’agit du retrait immédiat de la réforme ou encore de l’activation de l’article 10 de la Constitution qui lui donne la possibilité d’organiser un nouveau vote au Parlement. Ces deux solutions ayant à ce stade été écartées, il n’en reste qu’une seule : déclencher un référendum d’initiative partagée (RIP). Le président de la République et son gouvernement semblent décidés à gouverner sans et contre le peuple, le RIP va les contraindre à tenir compte de ce que veut le peuple. Le RIP n’a été utilisé qu’une seule fois dans notre histoire constitutionnelle, en 2019, pour bloquer la privatisation des aéroports de Paris, pourtant votée par la majorité présidentielle dans la loi Pacte. À l’époque, peu pariaient sur sa réussite, et nombreux étaient les esprits chagrins nous expliquant que cela ne marcherait jamais.

Ces mêmes esprits n’ont pu que se résigner à la victoire populaire arrachée par 1,1 million de Françaises et de Français qui ont signé le RIP et constater la non-privatisation des aéroports de Paris qui en a résulté. Pour faire reculer le gouvernement sur sa réforme des retraites, il nous faut le RIP.

Le 20 mars dernier, j’ai fait partie des 252 parlementaires qui ont déposé un RIP devant le Conseil constitutionnel, ce dernier ayant jusqu’au 19 avril pour se prononcer sur sa constitutionnalité. Si le Conseil constitutionnel nous donne le feu vert, nous aurons neuf mois pour poursuivre partout en France la mobilisation.

Bien sûr, c’est un temps long, trop long par rapport à l’urgence sociale. Mais le RIP est le seul moyen, pour chacune et chacun, de retrouver la part de souveraineté que le processus législatif a niée. C’est donc une bataille qui vaut la peine d’être menée, pour être gagnée.