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Présidentielle 2022 : «une plus grande vigilance» des candidats dans leurs comptes de campagne, mais des irrégularités persistantes

INFOGRAPHIES - Après six mois d'examen, les décisions de la CNCCFP sont parues ce vendredi au Journal officiel. Si tous les comptes ont été approuvés, Éric Zemmour et Emmanuel Macron ont reçu les pénalités les plus lourdes en valeur absolue.

Après six mois d'examen par quelque 45 auditeurs mobilisés, les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) viennent d'être publiées au Journal officiel ce vendredi. Pour Jean-Philippe Vachia, président de l'institution, l'un des premiers enseignements à retenir - outre l'approbation de tous les comptes des candidats - porte sur le montant de la dépense totale des candidats, à savoir 83.487.411 millions d'euros. «C'est un peu plus que 2017», fait-il observer, en rappelant que la présidentielle 2022 opposait 12 candidats contre 11 lors de la précédente édition.

Dans le tableau relatant les chiffres des recettes et dépenses de chaque candidat, la ligne concernant Marine Le Pen n'est pas complète. La candidate du Rassemblement ayant engagé un recours contre une décision de la commission - elle conteste la non-intégration de certaines dépenses d'affichage sur les bus de sa campagne -, il faudra attendre les conclusions du Conseil constitutionnel pour intégrer ses comptes dans la synthèse globale.

En attendant, les données accessibles révèlent une grande prudence des candidats car tous se situent très en dessous des plafonds autorisés pour les campagnes des premier et second tour de scrutin. Les deux finalistes, Emmanuel Macron (16,6 millions) et Marine Le Pen (11,4 millions) sont loin d'atteindre les 22,5 millions d'euros de dépenses autorisées au second tour. Quant aux dix autres concurrents du premier tour, ils n'atteignent pas davantage le maximum de 16,8 millions d'euros autorisés.

«Même s'il existe toujours des irrégularités, on observe une plus grande vigilance des candidats. Celle-ci s'était déjà manifestée en 2017 mais elle est sans doute encore plus importante en 2022», note Jean-Philippe Vachia, avant d'avancer au moins deux explications sur ce tel degré de prudence. La première relèverait d'une volonté de ne plus jouer avec le feu, après le rejet des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012. Autre raison possible : «les candidats ciblent leur budget en fonction du remboursement qu'ils escomptent», selon le patron de la CNFFP. Enfin, reste l'évolution de la nature des dépenses électorales, marquées aujourd'hui par une baisse de l'importance des meetings - même si la campagne d'Éric Zemmour est apparue très dynamique dans ce domaine.

À noter que le dépôt des comptes de campagne sur une plateforme numérique, comme cela a été mis en place pour la présidentielle de 2022, était une première. La CNCCFP, qui avait expérimenté un outil appelé «Fin'pol», fait un bilan plutôt positif de cette expérience. Au point qu'elle souhaite la pérenniser, comme Jean-Philippe Vachia a eu l'occasion de l'exprimer directement auprès du président de la République en juillet dernier. «Sur le plan du contrôle, c'est une grosse amélioration», juge-t-il.

Zemmour et Macron en tête des pénalités

Concernant les irrégularités les plus récurrentes, la commission a retrouvé les travers habituels des comptes de campagne : faire figurer le coût d'acquisition de certains matériels - téléphone, ordinateurs, etc - sans se limiter à la valeur d'usage ; déplacements injustifiés ou intraçables ; frais de restauration non liés à des manifestations politiques ; imprécisions comptables...

Au-delà de ces erreurs classiques, la CNCCFP a également voulu regarder de près les nouvelles pratiques comme celles des réseaux sociaux et des campagnes numériques. Une cellule a été créée spécialement pour ces contrôles. «Cela nous a permis de suivre les événements et de nous informer sur les outils utilisés par les candidats. Autant de coûts que nous devions retrouver dans leurs comptes de campagne», précise le patron de l'institution. À titre d'exemple, la commission s'est notamment penchée sur l'usage fait de ces réseaux par Emmanuel Macron en considérant qu'ils auraient dû être inclus dans son compte de campagne. «Globalement, le (président-)candidat a remboursé ses frais à hauteur de plus 500.000 euros avec son compte de campagne mais il manquait encore des choses, notamment concernant les réseaux sociaux», fait observer le président. Avec 24 signalements auprès de la commission (faits par des rivaux ou de simples citoyens), la candidature d'Emmanuel Macron dépasse tous ses concurrents. Les comptes du président-candidat ont aussi récolté 100.000 euros de pénalités, ce qui le situe en seconde position - en valeur absolue - derrière ceux du nationaliste Éric Zemmour, frappés par 200.000 euros de pénalités. Jean-Luc Mélenchon (LFI) et Valérie Pécresse (LR) ont récolté quant à eux 15.000 euros chacun de pénalités.

Tous les candidats ont subi des corrections plus ou moins notables. Par exemple, l'écologiste Yannick Jadot avait emprunté près de 6 millions aux Verts, lesquels avaient contracté un prêt bancaire. Ayant obtenu moins de 5% au premier tour, le candidat n'a pas pu récolter un remboursement de l'État d'un montant équivalent. De fait, la commission a été obligée de supprimer plus de 90.000 euros d'intérêts liés à cet emprunt puisque le prêt s'est transformé en apport définitif des Verts.

Cabinets de conseil : les candidats se défendent

Concernant Valérie Pécresse, qui n'avait pas non plus atteint la barre des 5% au premier tour, les principaux problèmes relevés sont liés aux dépenses immobilières de ses locaux de campagne, que la commission a jugés trop élevées. À noter que la candidate des Républicains, comme Emmanuel Macron et Anne Hidalgo (PS), a été invitée à préciser certains points sur le recours à des cabinets de conseil. Valérie Pécresse a assuré qu'«aucun cabinet de conseil ou consultant» n'était intervenu, en précisant que son directeur de campagne (Patrick Stefanini, ndlr) s'était «mis totalement en retrait» de ses activités de «senior advisor» au sein du cabinet Lysios.

Pour sa part, Emmanuel Macron a également nié toute implication de tels cabinets. «Parmi les nombreux militants qui se sont engagés dans la campagne à titre bénévole, que ce soit à l'échelon local ou national, sur le terrain ou dans la réflexion, certains d'entre eux qui pouvaient avoir un engagement professionnel au sein de cabinets de conseil l'ont fait sur leur temps libre et dans le cadre d'un engagement politique personnel», a assuré le président-candidat. La CNCCFP a considéré qu'en «l'état», elle ne disposait d'aucun élément «de nature à remettre en cause le contenu et la portée» de ces déclarations. Ce, alors que le parquet national financier (PNF) a récemment ouvert plusieurs informations judiciaires sur les comptes de campagne des élections présidentielles de 2017 et 2022, à la suite notamment de signalements sur les liens entre Emmanuel Macron et McKinsey.

Concernant les comptes d'Éric Zemmour, la commission a relevé une «série de dépenses omises», ainsi que trois sujets principaux : ses prestations sur CNews - considérées comme «concours en nature irréguliers de personne morale» - ; une vidéo non chiffrée ; et de l'affichage sauvage. Ce qui s'est traduit par 200.000 euros de pénalités - ou «modulations», selon les termes officiels de la Commission nationale des comptes de campagne. «Ce sont les modulations les plus importantes depuis que cette possibilité de modulation a été actée au sein de la commission il y a dix ans», conclut le président Jean-Michel Vachia. Il reconnaît que sur ce point, l'autorité de contrôle se montre de plus en plus radicale. Jamais des pénalités de 200.000 euros (Éric Zemmour) ou 100.000 euros (Emmanuel Macron), n'avaient été infligées à des candidats à la présidentielle.