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Présidentielle 2024: les Démocrates soutiennent tous Joe Biden, mais...

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Aux États-Unis, quand une élection se termine, une autre commence. Les Américains sont appelés aux urnes tous les deux ans et les campagnes électorales ne s'arrêtent quasiment jamais. Ainsi, la course pour la présidentielle de 2024 a débuté instantanément après les midterms du 3 novembre dernier.

Côté républicain, le doute s'est installé à la suite des mauvais résultats. Donald Trump est officiellement candidat mais de nombreuses voix s'élèvent pour dire stop et encourager la candidature du gouverneur de Floride Ron DeSantis. Côté démocrate, la possibilité d'un second tour de piste pour Joe Biden prend de l'ampleur.

À 80 ans, le président américain en activité le plus vieux de l'histoire américaine est la pierre angulaire du parti et se voit renforcé par les bonnes performances de son camp, qui a réussi l'exploit de conserver la majorité au Sénat et limiter les pertes à la Chambre des représentants. Le vent tourne pour celui qui était donné mort politiquement au début de l'été, et qui aura 82 ans à la fin de l'année 2024. Suffisamment pour oser défier les limites de l'âge?

Leader incontesté du Parti démocrate

Plusieurs potentiels candidats démocrates pour la prochaine grand-messe électorale, comme le sénateur socialiste du Vermont Bernie Sanders ou le gouverneur de Californie Gavin Newsom, ont d'ores et déjà annoncé la couleur: si Joe Biden se représente, ils ne l'affronteront pas lors des primaires. Hors de question pour ces élus de prendre le risque de mettre à mal l'unité du parti qui a été l'une principales raisons de la bonne santé électorale de la gauche américaine depuis 2020. En restant soudés derrière le locataire de la Maison-Blanche, ils réduisent ainsi les angles d'attaque de l'opposition et ne porteront pas la responsabilité de l'échec en cas de défaite à la prochaine présidentielle.

Au-delà de ces considérations, Joe Biden a surtout réussi à parler à toutes les sensibilités politiques qui composent la grande famille démocrate. Il a su maintenir des liens étroit avec les ailes progressiste et centriste tout au long de ses deux premières années de mandat alors même que les tensions se faisaient de plus en plus fortes entre les étés 2021 et 2022, quand les négociations sur le grand plan climat et santé (Inflation Reduction Act) s'enlisaient.

Avec ce rôle de médiateur-leader, le président a pu trouver une issue à celles-ci sans perdre en route un seul élu.

En acceptant d'abandonner les principales mesures sociales qui devaient figurer en son sein pour que le vote ait lieu, les progressistes ont obtenu dans la foulée l'annulation partielle de la dette étudiante.

En acceptant des investissements massifs pour la transition énergétique, les centristes ont obtenu l'absence de contrainte et la réduction des déficits.

Ces exemples illustrent bien l'intelligence stratégique de Joe Biden, qui a habilement manœuvré lors de cette première partie de mandat pour faire adopter des pans entiers de son programme avec une très courte majorité dans les deux chambres du Congrès.

Satisfaisant les deux ailes démocrates, le président s'avère être un compromis acceptable pour toutes les parties: «Ces derniers jours, des responsables allant du représentant Henry Cuellar, l'un des Démocrates les plus conservateurs de la Chambre, à la représentante Pramila Jayapal, présidente du Congressional Progressive Caucus, ont déclaré qu'ils soutiendraient une autre candidature de Biden», pouvait-on lire récemment dans le New York Times.

Oui, mais…

Joe Biden a toujours affirmé devant les médias qu'il serait bien sur la ligne de départ en 2024, mais personne ne connaît ses intentions réelles. Si sa décision finale n'a toujours pas été rendue publique, c'est avant tout pour maintenir son influence sur la politique du pays et éviter une sorte de période lame duck trop longue en cas de renoncement.

Beaucoup d'Américains le voient comme un président de transition qui a mis fin à l'ère Trump mais qui n'a vocation à faire qu'un seul mandat.

Bien que les midterms 2022 l'aient incontestablement renforcé, la principale interrogation à son sujet, l'âge, n'a pas disparu pour autant, comme le rappelle Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire et spécialiste des États-Unis: «Être candidat à 81-82 ans, ce serait entrer dans une expérience politique inédite pour Biden et les Démocrates, non dépourvue de risques de santé nécessairement accrus à cet âge et sous le feu roulant de l'écosystème conservateur, selon lequel il est gaga depuis le jour 1... Et surtout, si jamais les Républicains tournent la page Trump, il se retrouverait face à un homme (DeSantis) ou une femme (Nikki Haley, Kristi Noem) de l'âge de ses enfants, et la perception politique pourrait être désastreuse (cf. Dole contre Clinton en 1996).»

Ses gaffes –très souvent instrumentalisées et exagérées par ses adversaires– et son allure de vieil homme interrogent déjà une partie de l'électorat, parfois même démocrate. Le fait qu'il occupe la Maison-Blanche jusqu'à 86 ans renforcerait obligatoirement ce sentiment et pourrait desservir les Démocrates. D'autant que, depuis qu'il a gagné l'élection en 2020, beaucoup d'Américains le voient comme un président de transition qui a mis fin à l'ère Trump mais qui n'a vocation à faire qu'un seul mandat.

Se contenter d'une retraite bien méritée à la fin de cette présidence pourrait ainsi lui permettre de laisser l'image d'un homme sage qui a su replacer sur les rails son pays et qui a sereinement passé le témoin à une nouvelle génération d'élus. Car à la différence de l'après-Obama, où seuls Bernie Sanders et Joe Biden paraissaient en mesure de prendre les rênes du parti, les Démocrates ont aujourd'hui plusieurs options crédibles et une ligne politique bien mieux définie.

La balle est désormais dans son camp: s'il choisit de poursuivre l'aventure, son parti se rangera derrière sa candidature. Mais n'oublions pas que rien n'est figé en politique. Il y a cinq mois, des membres de sa famille politique estimaient qu'il fallait envisager la suite sans lui. Lors du Sommet des nations tribales qui s'est tenu à la Maison-Blanche le 30 novembre, une personne présente dans l'assemblée a interpellé Joe Biden avec un «Quatre ans de plus!», ce à quoi il a répondu: «I don't know about that», que l'on peut traduire par «je ne sais pas» ou «je n'en suis pas sûr». Le mystère reste entier... ou pas.