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Prix Nobel de la paix : Quel sens donner à cette récompense en pleine guerre en Ukraine ?

Ils sont trois cette année, dont deux institutions. L’ONG russe Memorial, le Centre ukrainien pour les libertés civiles et l’opposant biélorusse Ales Bialiatski ont reçu le prix Nobel de la paix, décerné par le comité norvégien éponyme depuis 1901. Des noms assez éloignés des deux « rockstars » de la liste de candidats, Volodymyr Zelensky et Greta Thunberg, mais un choix finalement bien marqué par l’actualité de la guerre en Ukraine. Quelle importance revêt ce choix ? A quoi sert encore le prix Nobel de la paix ? 20 Minutes fait le point.

Comment et pourquoi est attribué le prix Nobel de la paix ?

Depuis 1901, le prix récompense « la personnalité ou la communauté ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix », selon les termes du testament d’Alfred Nobel. « L’idée est de mettre au centre du débat l’importance de la paix entre les nations », pointe Victoria Fontan, professeure des universités en études sur la construction de la paix à l’Université américaine d’Afghanistan.

Décerné chaque année, il « intervient à chaud dans l’actualité », explique Mathilde Leloup, maîtresse de conférences en sciences politiques à l’Université Paris-8 et chercheuse au CRESPPA-LabToP. La guerre en Ukraine et le réchauffement climatique étant les deux sujets transversaux de l’année, la liste s’en ressentait fortement. C’est finalement le premier thème qui a été retenu : « dans ce contexte, la récompense des deux ONG sonne comme un soutien à la défense des droits de l’homme » en Russie, en Ukraine et en Biélorussie, estime-t-elle. Quant à Ales Bialatsky, opposant politique de longue date au président Loukachenko, « c’est une manière de récompenser son action depuis des années pour la démocratie face au régime de Loukachenko ».

Décerner le prix Nobel en temps de guerre a-t-il un sens ?

En récompensant « des va-t-en-guerre » et des « anti-russes », dans le contexte de la guerre, le comité a pris un parti très clair qui n’est lui-même pas favorable à la paix, critique Victoria Fontan. « Le prix Nobel est devenu le wokisme avant l’heure », représentant « un conformisme moral et militaire », « l’instrument de certaines politiques qui n’ont rien à voir avec la paix », dénonce-t-elle. « Pas sûr que ça change la donne », admet Mathilde Leloup, plus mesurée. « Il ne faut pas sous-estimer la force du symbole en politique internationale », mais cela « ne fera pas plier Poutine ou Loukachenko », tempère-t-elle.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le prix est critiqué. « Il y a eu des pétitions pour le retirer à Aung San Suu Kyi », récompensée en 1991 mais qui « a refusé de reconnaître le massacre des Rohingya », rappelle Mathilde Leloup. Il a également été décerné à Barack Obama en 2009, soit un an à peine après son élection. « Trop tôt » pour l’enseignante à Paris-8, d’autant plus que le président démocrate « a maintenu le camp de Guantanamo » et continué la guerre en Afghanistan. Lors des deux guerres mondiales, le prix n’avait d’ailleurs été attribué qu’à deux reprises, en 1917 et 1944, à chaque fois au Comité International de la Croix-Rouge.

Quel avenir pour le prix Nobel de la paix ?

S’il était « une très bonne idée au départ », lors de sa création en 1901, le Nobel de la paix est « devenu une coquille vide », estime Victoria Fontan. « Qu’est-ce que les gens de l’académie ont vécu sur le terrain ? », interroge-t-elle. Elle invite à « ouvrir un débat public pour questionner la légitimité » du prix, et appelle « des groupes plus pacifistes » à s’en saisir. « C’est une erreur de le décerner à vie », ajoute Mathilde Leloup, qui souhaiterait le voir conditionné à « un objectif de continuer d’œuvrer pour le maintien de la paix ».