France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Procès du Rio-Paris : Airbus en appelle au droit pour demander la relaxe

Dans un procès dont les derniers jours ont été submergés par l'émotion, les avocats d'Airbus en ont appelé « au droit, rien que le droit » lors de leur plaidoirie. Et s'ils en ont aussi appelé à la dimension humaine, c'est pour dire qu'Airbus est aussi une « aventure humaine », avec des hommes pouvant eux aussi être faillibles... comme les pilotes. Ils ont ainsi clôturé l'audience d'un procès entamé il y a neuf semaines et qui doit désormais rendre son verdict. Les trois juges se prononceront le 17 avril.

Procès du Rio-Paris : Air France et Airbus relaxés ? Réponse... dans quatre mois

Emotion contre raison

A l'instar de celle de Maître Saint-Pierre pour Air France la veille, la plaidoirie de Maître Ndiaye pour Airbus a pointé « l'antagonisme entre émotion et raison » pour en revenir au droit, « même si c'est humainement difficile ». Il a été rejoint sur ce point par son confrère, Maître Beauquier, qui pour appuyer son propos s'est fendu d'une citation du livre Soit je gagne, soit j'apprends de Maître Jakubowicz, c'est-à-dire le principal avocat des parties civiles, portant sur le procès de l'incendie du tunnel du Mont-Blanc : « A chaque objection qui était faite par tel ou tel prévenu, à chaque argument avancé, j'opposais des larmes, des cendres et des morts. Bref, j'avais fait triompher l'affect sur le droit. Je dois convenir que, s'ils n'avaient pas entièrement raison, ils n'avaient pas complètement tort... ». Un procès que le célèbre pénaliste avait lui-même cité en exemple dans sa plaidoirie deux jours plus tôt, et qu'il considère dans son livre comme une réussite « pour chacun des protagonistes mais surtout - cela doit être signalé tant c'est rare - pour la justice ».

« Dans tout cela, nous devons rester attaché à la règle du droit, qui doit faire fi de l'émotion et s'attacher aux faits. », Maitre Ndiaye, avocat d'Airbus, au moment de conclure sa plaidoirie.

Catastrophe du vol Rio-Paris : Air France défend la crédibilité et l'impartialité du procès

Airbus est humain, les pilotes aussi

Les deux avocats n'ont néanmoins pas hésité à dénoncer certaines attaques personnelles à l'encontre de membres d'Airbus, à commencer par Christophe Cail qui représentait le constructeur au procès, mais aussi son président exécutif Guillaume Faury. Revenant sur les critiques des parties civiles à l'encontre du discours de ce dernier en ouverture du procès, Maître Beauquier a ainsi déclaré « avoir entendu que ses mots n'avaient pas été compris, n'avaient pas été acceptés. [...] Ce sont les paroles qui sont sortis de la bouche d'un homme qui n'est pas parfait. » Et si le lien n'est pas directement fait par l'avocat, ces mots résonnent forcément en écho avec le reste de sa plaidoirie montrant que l'humain est faillible, à l'image des pilotes.

Citant une série d'erreurs de pilotage, certaines débouchant sur des catastrophes d'autres sur des exploits, il a ainsi convoqué « ces hommes qui sont dans le cockpit, ce sont des hommes comme vous et moi, ce sont des hommes faillibles, qui sont fragiles. [...] La différence, c'est quand un pilote se trompe, et ça arrive, il a la responsabilité de la vie de 228 personnes. Même quand ils sont très aguerris et très compétents, il reste des hommes qui peuvent faire des choses qui restent pour nous incompréhensibles. »

Procès du Rio-Paris : les pilotes d'Air France divisés sur la responsabilité de leur compagnie

Airbus tient sa défense

Maître Beauquier a retrouvé ainsi la ligne de défense d'Airbus, qui consiste à faire de la perte de contrôle de la trajectoire, due à une action inexpliquée du pilote aux commandes et à un dysfonctionnement de l'équipage, le fait générateur de l'accident et non le givrage des sondes Pitot entrainant la perte des indications de vitesse. Le tout sans remettre en cause la compétence intrinsèque des pilotes. « On a retrouvé les boites noires, on sait ce qui s'est passé, qu'il y a eu une action à cabrer au lieu de piquer. Mais ce que l'on ne sait pas, c'est pourquoi il y a eu cette action », a ainsi déclaré l'avocat. S'il a reconnu que le givrage des sondes avait bien joué un rôle, il a de nouveau tout lien causal direct entre le choix des sondes et l'accident.

Pour sa part, Maître Ndiaye a assuré ne pas remettre en cause la compétence des pilotes qualifiés, ni «vouloir accabler les morts », mais il a tout de même repris tous les points pouvant reporter la faute sur l'équipage : le choix de la route avec l'absence de déroutement, au contraire des autres vols dans la zone, le départ du commandant de bord alors qu'il sait que « ça va turbuler » au moment où il va aller se coucher, l'absence de répartition claire des tâches entre les deux officiers pilotes de ligne avec la désignation du copilote le moins expérimenté, l'action inexpliquée du pilote aux commandes, l'abandon de la surveillance de la trajectoire par le pilote non en fonction...

Flattant les juges, comme d'autres avant lui, l'avocat d'Airbus a déclaré que « la Cour nous avait rassuré par sa détermination à connaitre la vérité » et affirmé que « nous partageons cette quête de vérité ». Il a ainsi assuré qu'Airbus avait exploré toutes les pistes avant d'arriver à ces conclusions et que le constructeur n'avait jamais mis en cause l'équipage avant d'avoir accès aux enregistreurs de vol, retrouvés dans l'Atlantique Sud deux ans après le crash.