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Quelle indemnisation des demandeurs d’emploi ? (2/2)

Philippe Villechalane, Porte-parole de l’Association pour l’emploi, l’information et la solidarité (Apeis)

Porte-parole de l’Association pour l’emploi, l’information et la solidarité (Apeis)

Philippe Villechalane, Porte-parole de l’Association pour l’emploi, l’information et la solidarité (Apeis)

« Il faut inverser la logique de durcissement qui touche les chômeurs pour faire payer les profiteurs de la crise sociale, climatique, énergétique et sanitaire. »

À ce jour, seulement 40 % des chômeurs sont indemnisés et trop souvent en dessous du seuil de pauvreté. Or, la Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares) vient d’annoncer que, sur un an, le nombre de chômeurs indemnisés a baissé de 16,3 %.

Alors que toute forme de chômage et de précarité doit être indemnisée et que les salariés cotisent pour ce « risque chômage », le gouvernement n’a de cesse, réforme après réforme, d’exclure des centaines de milliers de chômeurs de toute indemnisation en durcissant les conditions d’accès. Pourtant, nous les connaissons, les réelles mesures incitatives au retour à l’emploi.

La première étant qu’il y en ait, des emplois ! La seconde, c’est une véritable formation qualifiante et adaptée, et pas seulement en fonction des métiers dits en tension et des carnets de commandes des entreprises. Et ce sont bien évidemment des salaires décents, de bonnes conditions de travail et, enfin, le sens, l’utilité sociale, l’éthique de ces emplois.

Sur les offres d’emploi non satisfaites qui justifient ces attaques, il convient de retirer les annonces en double ou multiple, et celles déjà pourvues. Sur les 3,1 millions d’offres déposées à Pôle emploi en 2021, seules 400 000 n’ont pas été pourvues. Les raisons principales sont le manque de main-d’œuvre formée et des conditions de travail souvent inacceptables.

En ce qui concerne le financement de ­l’assurance-chômage, une réelle égalité des salaires femmes-hommes augmenterait les cotisations. La CSG, elle, doit être retransformée en cotisation sociale. Exonérations et exemptions des cotisations patronales doivent cesser. Il s’agit même de mettre en place une surcotisation (dissuasive) pour les employeurs ayant un recours quasi systématique aux contrats courts et/ou précaires. Enfin, il est impératif que les cotisations sociales ne soient plus basées sur la seule masse salariale, mais aussi sur les profits, dividendes, bénéfices, plus-values et transactions financières.

Nous comptons sur l’effet vertueux de ces mesures en y ajoutant une nouvelle réduction du temps de travail et une retraite à 60 ans à taux plein, ce qui libérerait des emplois pour les plus jeunes, qui à leur tour cotiseraient.

Nous réclamons des moyens pour Pôle emploi et ses agents afin d’accompagner les chômeurs vers des formations et vers l’emploi ; que leur mission ne soit pas basée sur le contrôle qui entraîne son lot de radiations.

Il serait juste de faire payer les profiteurs de la crise sociale, climatique, énergétique et sanitaire. Les dividendes distribués aux actionnaires en 2021 ont augmenté de 11,3 % en un an pour atteindre 44,3 milliards d’euros. La rémunération moyenne des patrons du CAC 40 a, elle, augmenté de 52 % pour atteindre 7,9 millions d’euros.

Les organisations de chômeurs AC !, Apeis, CGT chômeurs et MNCP organisaient, le 3 décembre, un rassemblement contre le chômage et la précarité à Saint-Denis. Restons solidaires !

Catherine Mills. Économiste, directrice de la revue Économie & Politique

Économiste, directrice de la revue Économie & Politique

Catherine Mills. Économiste, directrice de la revue Économie & Politique

« Devant les mesures régressives, nous avons besoin d’un projet de sécurisation de l’emploi et de la formation en mesure d’éradiquer le chômage. »

Le pouvoir a choisi une fuite en avant dans la régression des droits des chômeurs. Le décret d’application durcit encore la loi, il réduit la durée d’indemnisation de 25 %. Quelqu’un qui a travaillé vingt-quatre mois ne sera plus indemnisé que dix-huit mois. Les seniors connaîtront une réduction de leur période d’indemnisation de trente-six à vingt-sept mois. Cette réforme veut obliger les chômeurs à accepter n’importe quel emploi à n’importe quel salaire. C’est la reprise du dogme néoclassique selon lequel les chômeurs seraient responsables du chômage, en prétendant qu’en baissant leurs droits on aurait un retour plus rapide à l’emploi. Ces mesures permettraient à l’Unedic de réaliser 4 milliards d’euros d’économies. Les mesures « contracycliques » seraient plus strictes quand la conjoncture est favorable (taux de chômage inférieur à 9 % et baisse de 0,8 % durant un trimestre). On prétend qu’elle l’est, alors que, dès 2023, elle risque fort d’être négative. La conjoncture sera jugée défavorable quand le taux de chômage dépassera 9 % ou quand il augmentera de 0,8 % en un trimestre. L’exécutif fixe seul les règles de l’assurance-chômage, en méprisant les parlementaires qui ont voté un texte sans connaître le durcissement du décret d’application.

Nous refusons l’étatisation de l’assurance-chômage visant à servir plus directement le capital pour s’attaquer aux droits des salariés. Mais il ne s’agit pas de s’en tenir à une fausse gestion paritaire. C’est un projet nouveau de société et de civilisation que nous voulons construire, appuyé sur les propositions alternatives des salariés pour de nouveaux droits : un projet de sécurisation de l’emploi et de la formation. Le principe fondamental serait l’affiliation automatique et universelle de chaque résident, à partir de l’âge de fin de l’obligation scolaire, à un nouveau service public et social de l’emploi et de la formation. Il s’agirait d’une construction de portée révolutionnaire, dépassant les avancées révolutionnaires de la Sécurité sociale. Ce système viserait à garantir à chacun et chacune un emploi de qualité, ou une formation rémunérée pour revenir à un meilleur emploi, avec une continuité de droits et de revenus relevés, sans un passage par la case chômage.

L’objectif serait d’éradiquer le chômage et la précarité avec une expansion systématique de la formation continue, en visant une mobilité de progrès social choisie. Dans l’immédiat, cela exige une lutte résolue à la racine contre la montée des licenciements, avec de nouveaux pouvoirs des salariés et la responsabilisation des employeurs. Cela implique de nouveaux moyens de financement avec une défense et une promotion de la cotisation sociale, au lieu de la fis­calisation. Notre proposition de modulation du taux de cotisations patronales vise à accroître les rentrées de cotisations en lien avec l’accroissement des emplois stables et bien rémunérés et pénalisant le recours excessif aux emplois précaires. Nous proposons aussi une contribution nouvelle sur les revenus financiers des entreprises et des banques.