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Qui sait, une identité en négatif

Qui sait, de Pauline Delabroy-Allard, Gallimard, 208 pages, 19,50 euros

Quand le sang de ses règles tombe en épais grumeaux sur le sol de la salle de bains, Pauline, la narratrice, appose ses mains rougies sur sa poitrine nue. Soudain, les traces sur son sein ravivent le souvenir des peintures de la grotte ornée du Pech Merle, dans le Lot, des mains blanches qui se détachent en négatif sur un fond rouge. Cette scène, qui figure dans la deuxième partie de Qui sait, est peut-être la clef du second roman de Pauline Delabroy-Allard, une enquête intime qui joue, entre auto­biographie et fiction, sur l’homonymie de l’autrice avec son personnage. Juste avant ses 30 ans, Pauline se rend aux services de l’état civil pour obtenir, pour la première fois de sa vie, une carte d’identité. Enceinte, elle éprouve un besoin neuf de s’ancrer et de comprendre qui elle est. En remplissant le formulaire, elle est frappée par l’incongruité d’un prénom masculin enserré entre ses trois prénoms féminins : Pauline, Jeanne, Jérôme, Ysé. Qui est Jérôme, cet homme dont elle n’a jamais entendu parler ? Qui sont Jeanne et Ysé ? Après avoir essayé en vain de délier la langue de ses parents, elle se lance sur les traces des fantômes qui lui « sautent à la gorge ».

Trouver des réponses dans la fiction

Construit en trois parties, Qui sait suit le chemin chaotique d’une jeune femme qui, faute de pouvoir connaître la vérité, trouve des réponses dans la fiction. Après un début de comédie, une scène burlesque de montage de tente dans un pré, le roman bascule quand Pauline, un jour de neige, accouche à l’hôpital d’un enfant mort. Alors que la douleur recouvre la réalité d’un voile cotonneux, elle se mure dans le silence et se réfugie dans les livres, sans parvenir à communiquer avec sa compagne. « J’écris pour ne pas faire autre chose. J’écris pour donner une contenance à l’existence. J’écris pour me dire que ça ira », martèle la narratrice. Après Jeanne, qu’elle cherche d’abord auprès de ses grands-parents, elle part en Tunisie, en quête d’indices sur Jérôme, et recueille Tutu, un chaton aveugle avec lequel elle forme un duo bancal, entre rire, colère et tristesse. Mise en abîme, la troisième partie est un dialogue solitaire avec l’Ysé de Claudel, seul personnage féminin de Partage de midi.

On retrouve dans Qui sait, roman au titre polysémique, la fluidité des phrases de Pauline Delabroy-Allard, son goût pour les répétitions et les contrepoints, son humour au bord des larmes. Un beau roman où l’écriture est le personnage principal.