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Réforme de la justice : Israël paralysé par une grève générale

Ce mouvement quasi insurrectionnel s’est déclenché ce lundi matin, après l’annonce par Benyamin Netanyahou du limogeage de Yoav Gallant, le ministre de la Défense.

De notre correspondante en Israël, Danièle Kriegel
Manifestation devant le parlement israelien contre la reforme controversee du systeme judiciaire, a Jerusalem, le 27 mars 2023.
Manifestation devant le parlement israélien contre la réforme controversée du système judiciaire, à Jérusalem, le 27 mars 2023.  © Hazem Bader/AFP

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C'est sans précédent dans l'histoire du pays. Israël est paralysé. Depuis ce lundi 27 mars au matin, aucun avion ne décolle de l'aéroport international Ben Gourion, près de Tel-Aviv. Les centres commerciaux ont fermé leurs portes les uns après les autres. C'est la grève générale. Elle a été décrétée par le secrétaire général de la Histadrout, la grande centrale syndicale, et fait rarissime, avec l'appui du patronat. Imaginez les syndicats français et les patrons du CAC 40 proclamer ensemble la grève.

Ce mouvement quasi insurrectionnel s'est déclenché très vite après l'annonce, par Benyamin Netanyahou, qu'il limogeait Yoav Gallant, le ministre de la Défense. Ce dernier avait, vingt-quatre heures plus tôt, pris position pour l'arrêt de la réforme du système judiciaire « en raison des dangers immédiats auxquels Israël fait face, sur le plan sécuritaire, à l'extérieur mais aussi en interne ».

Des milliers de réservistes avaient annoncé, il y a quelques semaines, qu'ils ne seraient plus volontaires pour porter l'uniforme si le gouvernement menait à son terme sa réforme judiciaire. Quelque 60 % des pilotes de l'armée sont des réservistes. Certains avaient déjà assuré qu'ils refuseraient de participer à une frappe sur des centres nucléaires en Iran. Pour Benyamin Netanyahou, la prise de position de Yoav Gallant était inacceptable, et en début soirée, dimanche 26 mars, il a annoncé son limogeage.

Forces de l'ordre débordées

Pour le mouvement prodémocratie, cette annonce a été l'étincelle qui a mis le feu aux poudres. En moins d'une heure, des milliers d'Israéliens ont interrompu le repas du soir pour descendre dans la rue et clamer leur colère. À Tel-Aviv, 100 000 personnes ont bloqué le périphérique pendant plus de six heures.

À LIRE AUSSI« Israéliens et Juifs de la diaspora se doivent de résister pour sauver la démocratie en Israël » À Jérusalem, des milliers de personnes ont bousculé les barrages de la police, qui, rue Azza, interdisait l'approche du domicile de Benyamin Netanyahou. Là aussi, les forces de l'ordre, débordées, ont mis de longues heures à dégager la chaussée, malgré l'intervention des canons à eau et de la police montée.

Pas découragés, les manifestants – parmi lesquels de nombreux jeunes – sont allés s'installer devant le parlement (la Knesset). Dans la nuit, toutes les universités du pays avaient décidé de se mettre en grève. Au lever du jour, à l'appel du comité de coordination du mouvement prodémocratie, des manifestants sont allés protester devant les domiciles de certains ministres et députés. En revanche, ils étaient nombreux devant la maison de Yoav Gallant, le ministre de la Défense limogé, pour le féliciter et le soutenir.

« Netanyahou constitue une menace claire »

Ce dernier peut compter sur son seul allié, du moins pour l'instant, au sein du Likoud. Yuli Edelstein, ancien président de la Knesset qui, actuellement, dirige la commission parlementaire des Affaires étrangères et de la Défense. Au cours d'une séance à huis clos, les députés ont entendu Yoav Gallant expliquer les dangers qui menacent la sécurité du pays et que, selon lui, Benyamin Netanyahou feint d'ignorer.

Le Premier ministre n'a pas réuni son cabinet de Sécurité depuis des semaines. Généraux de réserve, experts militaires, anciens patrons du Mossad, du Shin Beth (le renseignement intérieur) et des renseignements militaires lancent des avertissements de plus en plus fermes, s'inquiétant que Benyamin Netanyahou mène le pays à l'abîme. De leur côté, le gouverneur de la banque centrale et des grands patrons d'institutions financières et du high-tech mettent en garde sur les risques de catastrophe économique.

À LIRE AUSSIEn Israël, la colère de la rue contre le nouveau gouvernementNahum Barnaa, l'éditorialiste du quotidien Yediot Aharonot, usait du même ton, ce lundi matin : « Netanyahou constitue une menace claire, immédiate et concrète pour la sécurité du pays. » Même maître Boaz Ben Sour, son avocat dans le procès pour « fraude, abus de confiance et corruption », menace de ne plus le représenter s'il ne décide pas d'arrêter son projet de refonte du système judiciaire.

À l'heure qu'il est, Benyamin Netanyahou lutte pour la survie de sa coalition, mais aussi pour son avenir politique. Les manifestations ont repris dans l'ensemble du pays. Deux slogans ont fait leur apparition : « Netanyahou démission ! » et « On veut une constitution ! » Une contre-manifestation de droite, en soutien au gouvernement, est prévue au cours des prochaines heures.