France
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Retraite. Au parlement, la guerre éclair en guise de débat

Le cœur de la réforme des retraites « n’est plus négociable », a insisté dimanche la première ministre, Élisabeth Borne, alors que le texte arrive ce lundi à l’Assemblée nationale. Drôle de conception de la démocratie. Car rien, jusqu’à présent, n’a été « négocié ». Les syndicats, au terme de « concertations » qui tenaient du « simulacre », sont unis comme jamais pour combattre le texte du gouvernement. Les Français s’y opposent également : ils étaient plus de 2 millions à manifester dans les rues le 19 janvier. Et près de 70 % des sondés appellent au retrait de la réforme, selon les enquêtes d’opinion.

Quant aux députés, qui ont pouvoir d’amender et de voter les lois au nom du peuple, voilà que la cheffe du gouvernement leur annonce d’emblée qu’il n’y aura pas de débat, puisque ni le report de l’âge légal à 64 ans ni l’accélération de l’allongement de la durée de cotisation ne sont « négociables ». Pour prendre son monde de vitesse, l’exécutif a même brandi la carte d’un projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale (PLFRSS), qui limite à vingt jours au maximum le débat à l’Assemblée.

« Personne n’est respecté dans cette histoire »

« Madame 49.3 devient madame 47.1. Toutes les manœuvres sont bonnes pour étouffer les travaux et avancer au pas de charge. Mais le gouvernement est fébrile et perd du terrain. Ses arguments de bonimenteur se dissipent. Nous ne lâcherons rien », prévient le député PCF Sébastien Jumel. « C’est la réforme la plus injuste de ce quinquennat. Elle vise à ponctionner les poches des Français pour financer les cadeaux faits aux riches. Le gouvernement prétend que les retraites sont en danger, et que seule sa réforme peut les sauver. C’est faux. Nous avons déposé plus de 7 000 amendements pour en faire la démonstration », indique également le député PS Arthur Delaporte. « Il y a aura des amendements pluriels, communs à toute la Nupes, et des amendements singuliers, propres à chaque groupe. Nous avons beaucoup de choses à dire, et peu de temps. Tous nos amendements seront des amendements de fond : on vise la démonstration politique », précise Sébastien Jumel.

Un message que Gérald Darmanin n’a, semble-t-il, pas entendu. « La Nupes ne cherche qu’à bordéliser le pays », s’est exclamé le ministre de l’Intérieur, dimanche dans le Parisien. Qui tente pourtant d’imposer une réforme dont les Français ne veulent pas ? « Le gouvernement dit qu’il y a urgence. Mais où est l’urgence ? Il y a 10 millions de pauvres dans le pays. Nous avons l’immense défi de la lutte contre le réchauffement climatique et pour la transition écologique à relever, avec une multitude d’emplois à créer, ce qui aiderait d’ailleurs à financer les retraites, mais le gouvernement ne bouge pas. Pour lui, l’urgence, c’est de faire une réforme des retraites antifemmes et antipauvres, et de la faire passer le plus vite possible », dénonce la présidente du groupe FI Mathilde Panot. « Personne n’est respecté dans cette histoire. Ni les travailleurs, ni les syndicats, ni les citoyens, ni les députés. Mais nous saurons faire entendre la voix des Françaises et des Français dans l’Hémicycle », assure l’écologiste Sandrine Rousseau.

À gauche, la Nupes a tenu à accorder ses violons. Si 36 000 amendements avaient été déposés lors du projet de réforme des retraites de 2019-2020, ce ne sera pas le cas cette année. « Le gouvernement n’attend que ça pour nous accuser de faire de l’obstruction. Le risque, ce serait que les articles ne soient même pas discutés et qu’au bout des vingt jours le texte soit envoyé au Sénat sans débat démocratique, souffle un élu. Or, nous tenons à la fois à la confrontation d’idées et au vote : il n’est pas dit que les députés de droite serviront de béquilles au gouvernement. » Selon le calcul de France Inter, seize députés LR voteraient contre et sept autres s’abstiendraient sans évolutions sur le texte. Preuve que le compte n’y est pas, et que l’impopularité de la réforme commence à faire tache d’huile. « Je ne voterai pas une réforme injuste qui abîmerait le respect de l’effort et du travail », a en outre alerté le député LR Aurélien Pradié. Les élus Patrick Vignal (Renaissance) et Jean-Charles Larsonneur (Horizons) ont eux aussi fait savoir qu’ils pourraient ne pas voter le texte en l’état, signe qu’au sein même de la Macronie la verticalité de la méthode et le contenu de la réforme interrogent.

Plusieurs constitutionnalistes se montrent eux aussi perplexes, à l’image de Benjamin Morel. « Cette réforme par PLFRSS constitue un saut dans l’inconnu » qui « pourrait mener à une inconstitutionnalité », en plus de donner naissance à une jurisprudence inquiétante. « Tout ce qui est hors champ financier peut être considéré comme un cavalier budgétaire », a déclaré le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, selon le Canard enchaîné. Ce à quoi Élisabeth Borne a répondu que plusieurs textes pouvaient être déposés. C’est que, pour le gouvernement, il y a urgence à repousser l’âge de la retraite, mais beaucoup moins à légiférer sur la pénibilité au travail…

Dans tout le pays, grèves, défilés et meetings

La course de vitesse est quoi qu’il en soit enclenchée dès ce lundi. Mardi, une nouvelle journée de mobilisation sera organisée dans toute la France à l’appel des syndicats, qui entendent rassembler toujours plus de manifestants, de grévistes, et de soutiens parmi la population.

Plusieurs maires ont déjà annoncé que leurs mairies resteront closes ce jour-là, en soutien à la mobilisation contre la réforme, à la suite d’un appel lancé par le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel. L’hôtel de ville de Paris sera ainsi fermé. Des meetings politiques s’organisent également dans tout le pays, devant un exécutif qui ne connaît rien d’autre que le rapport de forces. S’il continue d’ignorer les citoyens, les députés auront pour leur part l’occasion de voter une motion référendaire. Déposée par la Nupes, elle sera débattue le 6 février à l’Assemblée, et permettrait de remettre dans l’équation un élément qui semble faire horreur au gouvernement : la démocratie.