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Société Générale : le conseil désigne un homme des marchés, Slawomir Krupa, comme successeur de Frédéric Oudéa

« La BFI (Banque de financement et d'investissement) reste la colonne vertébrale de la Société Générale, mais il ne faut surtout pas le dire ! ». Ce bon mot d'un ancien dirigeant de la banque vient singulièrement d'être contredit par la décision du conseil d'administration de Société Générale. Réuni ce vendredi, il vient en effet de proposer le franco-polonais Slawomir Krupa, actuel patron des activités de marché, comme administrateur et prochain directeur général du groupe. L'information, révélée par « Le Figaro », a été confirmée par un communiqué de presse diffusé en fin d'après-midi.

Slawomir Krupa, promu en janvier 2021 au poste de directeur général adjoint de la Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseur, lors du dernier remaniement du comité exécutif de la banque, succédera officiellement à Frédéric Oudéa, en mai 2023, sous réserve de l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires. Ce dernier avait annoncé en mai dernier, à la veille de l'assemblée générale des actionnaires, qu'il ne solliciterait pas un nouveau mandat, après quatorze années passées aux commandes de la banque.

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Un profil atypique mais un pur produit maison

Cette décision est une surprise. Cet homme des marchés était certes cité comme l'un des candidats internes en lice pour le poste, aux côtés de Sébastien Proto, en charge de la banque de détail. Mais tant sa formation - il n'est pas issu de l'Inspection générale des finances, le Graal en principe pour accéder la fonction suprême, ni de Polytechnique - que par sa grande discrétion, notamment auprès des médias, il n'apparaissait pas vraiment comme le favori.

Pour les observateurs, Sébastien Proto, un ancien « dircab » de plusieurs grands ministères, passé par la banque d'affaires (Rothschild & Cie), était perçu comme « le » candidat de Frédéric Oudéa, qui n'avait pas hésité à propulser ce jeune inspecteur des finances de 45 ans à la direction générale en lui confiant le chantier du rapprochement des réseaux SG et Crédit du Nord. Mais, « il n'a sans doute pas eu le temps de montrer sa capacité à gouverner de larges équipes », note un banquier qui observe, « il y a deux voies royales pour devenir patron de la SG : la direction financière qui permet de saisir toute la diversité de la banque, et la BFI qui permet d'appréhender la banque dans sa complexité la plus forte ».

Un homme de marchés

Le choix du conseil d'administration se porte donc sur un homme qui connaît tous les arcanes de la banque de marchés où il a fait l'essentiel de sa carrière. « Il a fait preuve d'un fort esprit d'innovation et d'une grande capacité à mobiliser les équipes » souligne, dans le communiqué, Lorenzo Bini Samghi, le président du conseil d'administration.

Entré à la Société Générale en 1996 à l'inspection générale de la banque - principal vivier interne des dirigeants - il a gravi tous les échelons de la BFI avant d'être nommé à la direction générale en 2020. Un pur produit de la maison donc, qui a aussi traversé toutes les crises qui ont secoué la banque depuis 2008. De l'affaire Kerviel à la crise de l'euro en 2011, autrement plus grave, en passant par les actions de la justice américaine (Libye, Cuba, scandale du Libor).

Ce choix est loin d'être anodin alors que le groupe porte tous ses feux depuis deux ans sur la réorganisation de la banque de détail, le succès de Boursorama et le leasing, automobile, « qui n'est pas un métier de banquier mais d'acheteur de pneus », persifle un concurrent. Après Kerviel, la crise de l'euro et les pertes subies sur les dérivés en mars 2020 lors de la crise Covid, la banque de marchés n'avait plus vraiment la cote alors qu'elle contribue toujours à plus de 40% au résultat d'exploitation du groupe.

La multiplication des plans de départs au sein de la BFI ces dernières avaient créé un certain malaise - voire un mal être - parmi les équipes et beaucoup de banques recevaient des CV de gens de Société Générale. La nomination de Slawomir Krupa est de nature à créer un choc pour remobiliser les équipes d'une banque « qui reste la plus anglo-saxonne des banques françaises dans sa culture », selon un fin connaisseur du groupe.

Nomination sous pression

De fait, la Société Générale reste avant tout une banque des marchés, de produits complexes, avec un vrai savoir-faire auprès de grandes entreprises et à l'international. « Nous sommes des traders, pas des retailers », entendait-t-on parfois dans les couloirs des tours de la SG à La Défense. Pour autant, la banque d'investissement, en 2018 et 2020, a dû réduire son profil de risque, c'est-à-dire le montant de pertes qu'elle était prête à subir. Mais la BFI reste puissante, survitaminée. « C'est une Ferrari que l'on fait rouler à 80 Km/h sur l'autoroute. Il suffit d'appuyer sur le champignon », s'amuse un ancien des marchés de la SG.

« Il restera au nouveau directeur général de préciser la stratégie de la banque. Le rapprochement des réseaux est davantage un projet IT (informatique, NDLR) qu'un projet stratégique. De nombreuses options sont ouvertes », avance un analyste financier. Le nouveau directeur général sera sans doute sous pression du conseil, qui est lui-même sous pression des actionnaires, mécontents des performances boursières de la banque - elle se traite toujours à moins de 40% de son actif net en Bourse - et du manque de réaction devant les crises successives.

Le désastre russe - qui s'est soldé par la deuxième perte historique du groupe - a sans doute été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase et incité Frédéric Oudéa, qui a toujours défendu le maintien de Rosbank dans le giron du groupe, à partir avec les honneurs.

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« Notre enjeu est d'éviter que les dix prochaines années mènent à un déclassement supplémentaire de l'Europe » Frédéric Oudéa (Société Générale)