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Sommet sur l’immigration : l’Europe confond une nouvelle fois générosité et lâcheté

Le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin arrive pour une réunion extraordinaire du Conseil Affaires intérieures au siège de l'UE à Bruxelles, le 25 novembre 2022.

© Jean THYS / AFP

Solidarité européenne ?

Les ministres de l'Intérieur de l'Union européenne se sont réunis vendredi à Bruxelles pour discuter des tensions qui entourent l'accueil des migrants, après la crise de l'Ocean Viking entre la France et l'Italie.

Arnaud Lachaize est universitaire, juriste et historien. 

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Atlantico : Que retenir du sommet sur l’immigration qui a lieu ce vendredi entre les ministres de l’Intérieur européen ? Peut-on espérer un quelconque changement ?

Arnaud Lachaize : En général, ces sommets européens sur l’immigration constituent de vastes opérations de communication destinées à couvrir l’impuissance de l’Europe et de ses Etats. On se demande bien pourquoi se réunir à 27 pour régler un problème bilatéral franco-italien. On se souvient du fameux sommet de Séville en 2002 à la suite du décès de 40 ressortissants chinois dans un container. La montagne accoucha d’une souris. Et depuis les sommets se sont succédé, au niveau des ministres ou des chefs d’Etat et de Gouvernement. Ils permettent d’entretenir l’illusion auprès de l’opinion publique européenne que les dirigeants se préoccupent d’immigration. Mais sans jamais donner le moindre résultat. Il n’y a aucune raison pour que ce sommet de Bruxelles déroge à la règle et qu’il permette d’améliorer la situation même à la marge.

Gérald Darmanin a de nouveau pointé du doigt l'attitude de l'Italie face au bateau transportant des migrants. Est-ce pertinent d’entretenir le climat d’hostilité avec l’Italie ?

Cette attitude est incompréhensible. Les Italiens, depuis des années supportent le poids des arrivées clandestines massives sur leurs côtes, près de 100 000 déjà cette année. Il est invraisemblable que le gouvernement français leur reproche de réagir face à ce phénomène est de vouloir d’y opposer. Ici, on est dans la tartuferie la plus sidérante : les dirigeants français ne veulent pas voir de débarquement de clandestins dans leurs ports pour ne pas donner une image de laxisme. Mais les Italiens, eux, sont supposés accepter sans sourciller et indéfiniment ce genre de coup de force des passeurs. L’argument du droit de la mer est fallacieux. Dès lors que le droit de la mer prévoit que les naufragés recueillis doivent être débarqués sur le port le plus proche, c’est en Tunisie ou en Libye que l’Océan Vicking – qui les a pris en charge à proximité immédiate de la côte sud de la Méditerranée, aurait dû débarquer ces migrants. Mais bien évidemment, ce choix aurait contrarié l’activité des passeurs qui abandonnent les migrants en mer comptant sur les navires humanitaires pour les recueillir et les transférer en Europe, poursuivant ainsi leur besogne. Il serait apparu comme contraire aux principes d’hospitalité européenne. Donc, mieux valait, aux yeux des autorités françaises, faire assaut d’insultes envers l’Italie au prétexte qu’elle aurait un gouvernement dit populiste que faire le choix du courage et de la fermeté en rappelant cette évidence.

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Faudrait-il trouver des accords similaires à ce qui avait pu être signé avec la Turquie en 2016 ? Ou de ce que veut le Danemark avec le Rwanda ?

Oui, c’est la seule solution. Il faut que les pays du Sud de la Méditerranée acceptent de prendre toutes les mesures pour s’opposer à l’activités des filières esclavagistes qui utilisent leur rivage pour embarquer des migrants, les exposer au risque de la noyade (3000 morts chaque année) et violer frontalement les frontières de l’Europe. Pour cela l’UE et ses Etats doivent mettre tous les moyens en œuvre y compris financiers pour négocier de tels accords. Quand des embarcations sont repérées, elles doivent être ramenées à leur point de départ. C’est le seul moyen de décourager les passeurs. De fait, l’Europe n’a rien d’une forteresse et elle est sans doute le continent le plus ouvert à l’immigration – davantage que l’Amérique du Nord. Elle accueille chaque année régulièrement environ deux millions de personnes dans le cadre de l’immigration humanitaire (asile), d’études, familiale ou économique (auxquelles s’ajoutent 280 000 clandestins en 2021). La France y prend largement sa part avec 270 000 premiers titres de séjour et 120 000 demandeurs d’asile en 2021. L’Europe, fondamentalement accueillante, a dès lors toute légitimité pour lutter sans complexe par tous les moyens, financiers, diplomatiques – voire militaires par la destruction des bateaux des passeurs avant leur utilisation – contre le trafic des personnes humaines.

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Ce à quoi nous assistons quotidiennement est une capitulation permanente des Européens face aux passeurs esclavagistes. Le choix qui est fait est celui de céder systématiquement puis de répartir les migrants en Europe. Ce principe de répartition est en lui-même honteux et conflictuel, comme si les Européens devaient se battre pour échapper à leur part du « fardeau ». Tout cela pour des raisons idéologiques : montrer une Europe accueillante. Or, on confond hospitalité et lâcheté. Son impuissance face aux passeurs esclavagistes n’est pas un signe de générosité mais de lâcheté. Pour les opinions publiques, les images de cette débâcle permanente sont dévastatrices. Les Européens dans leur immense majorité ne comprennent pas que les gouvernements soient incapables de faire respecter les frontières. Ils finissent par assimiler, de fait, l’immigration à une forme d’invasion. Des migrants qui ont forcé illégalement la porte avec l’aide de filières criminelles ne sont pas accepté et leur arrivée -pace qu’elle est le résultat de l’action criminelle des passeurs - est ressentie comme une brimade. Cette faiblesse et lâcheté des autorités européennes favorise ainsi le racisme et l’extrémisme dans l’Europe profonde. Un jour, nous le paierons très cher.

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